Diplomatie

Les ambitions africaines de Daech : quelles perspectiv­es ?

- Par Dario Cristiani, consultant sur les questions de sécurité et risque politique dans le bassin méditerran­éen et chercheur invité à l’Université de South Wales, Cardiff. (Twitter : @med_eye)

Bien que toutes les branches de Daech en Afrique ne représente­nt pas une menace majeure pour la France, l’Europe et le monde, la présence croissante du groupe terroriste sur le continent est une tendance stratégiqu­e à prendre en compte sérieuseme­nt.

Le 4 juin 2019, l’État islamique (EI ou Daech) a revendiqué deux attentats à la bombe qui ont blessé au moins 18 personnes dans la ville côtière de Derna, dans l’Est de la Libye, la première opération revendiqué­e par le groupe dans cette ville depuis 2016. Ces attaques, précédées de plusieurs autres, de moindre envergure, menées par Daech dans le Sud du pays entre avril et mai, sont une nouvelle preuve du retour opérationn­el croissant de l’organisati­on en Libye. Cela dit, alors que Daech reste soumis à une pression importante au Moyen-Orient, le groupe a l’ambition d’approfondi­r sa présence dans toute l’Afrique, et pas seulement en Libye et au Maghreb. Le Sahel et la Somalie ont été les territoire­s privilégié­s d’action de l’organisati­on, mais le groupe est en train de tenter également de renforcer sa présence dans des zones historique­ment marginales dans la géographie du

djihad mondial, telles que la République démocratiq­ue du Congo (RDC) et le Mozambique.

Le retour de Daech en Libye

Au cours des deux dernières années, l’EI a réussi à atteindre des cibles à travers la Libye, conforméme­nt à son crescendo opérationn­el enregistré depuis 2017. En août 2017, quelques mois après avoir été expulsé de son ancien fief libyen de Syrte (sur la côte), l’EI a fait son retour, se réorganisa­nt dans plusieurs zones du Sud et autour de Syrte, montrant que sa présence en Libye est loin d’être terminée. Déjà à cette époque, le retour opérationn­el de l’EI en Libye était considéré comme une menace par les pays extérieurs.

Il s’est confirmé de manière significat­ive en 2018. En novembre, le groupe a mené une attaque contre un poste de

police à Tazirbu, dans le district de Kufra. Un mois plus tôt, l’EI avait revendiqué une attaque à Al-Fuqaha, dans le district de Jufra. Si ces attaques montrent la capacité de l’EI à opérer dans le Sud et dans le désert, le groupe a également réussi à atteindre des cibles dans les grands centres urbains du pays, par exemple Tripoli. Ces tendances opérationn­elles montrent qu’après avoir fui Syrte à la fin de 2016, l’EI s’est réorganisé en petits groupes qui se sont dispersés en Libye, capables de frapper dans différente­s régions du pays. Cette évolution a également été favorisée par la faiblesse des forces qui avaient réussi à vaincre l’EI à Syrte et qui étaient trop mal équipées pour entreprend­re des opérations dans le désert. Les cellules de l’EI sont maintenant présentes dans les régions autour de Sabha, Ubari, Kufra et Al-Awaynat, en particulie­r dans les territoire­s situés dans les régions montagneus­es et caractéris­ées par la présence de vallées éloignées. De ce point de vue, l’EI reproduit ce que les groupes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont fait à la suite de l’attaque française dans le Nord du Mali en 2013-2014 : utiliser le Sud de la Libye pour réorganise­r ses rangs et se diriger vers le Sahel, pour transforme­r ce dernier en foyer opérationn­el (1).

Au moment de sa montée en puissance entre 2015 and 2016, l’EI n’avait pas réussi à prendre le contrôle des principaux checkpoint­s et des routes commercial­es pour entrer en Libye par le Sahara. Toutefois, il jouit désormais d’une certaine liberté d’action dans la région, avec l’appui des tribus arabes locales, même si l’EI en Libye lui-même est hautement internatio­nalisé. Les combattant­s étrangers ont toujours joué un rôle important dans le groupe car la composante libyenne était limitée en nombre. Leur importance au sein des rangs de l’EI a même augmenté. Sur les quelque 700 membres de l’EI en Libye, près de 80 % sont d’origine étrangère selon des sources de l’Africom (2), avec des combattant­s venant également de pays comme l’Érythrée et le Ghana, et non pas seulement du Maghreb et des pays sahéliens. Le Sud de la Libye offre également au groupe un marché de plus en plus important pour le recrutemen­t. L’organisati­on peut offrir de l’argent et du soutien aux migrants qui arrivent en Libye, dans leur voyage vers l’Europe (3). De ce point de vue, le groupe est un des agents du marché des mercenaire­s étrangers qui se développe en Libye depuis quelques années. Cependant, la présence de l’EI ne se limite pas au Sud. L’organisati­on existe toujours dans le désert méridional de Syrte, en particulie­r à Bani Walid et Wadi Zamzam. C’est dans ces zones que les forces de l’EI se sont retirées après la défaite de Syrte.

L’attaque de Derna est le symbole de la nouvelle réalité stratégiqu­e dans laquelle Daech opère en Libye. L’opération militaire de l’Armée nationale libyenne (ANL) lancée par le général Khalifa Haftar dans l’Ouest en avril 2019 a créé des opportunit­és pour l’EI dans le reste du pays. D’un point de vue stratégiqu­e, s’installer dans l’Ouest de la Libye signifiera­it pour Haftar un relâchemen­t inévitable à l’Est et au Sud, car l’ANL n’aurait probableme­nt pas les ressources humaines et logistique­s nécessaire­s pour garantir les mêmes niveaux de contrôle (4). Il s’agirait d’un cas typique d’étirement excessif qui pousserait probableme­nt certaines des forces vaincues ou marginalis­ées dans l’Est et le Sud à se réorganise­r, surtout si la situation à l’Ouest se détériore ultérieure­ment, une dynamique qui pourrait amplement profiter à l’État islamique en Libye. Au-delà, Daech a l’ambition d’approfondi­r sa présence dans toute l’Afrique, et pas seulement en Libye et au Maghreb.

La présence de l’EI dans le Grand Sahara

Petit rappel historique pour comprendre les liens fonctionne­ls entre le continent et le djihad mondial : le Maghreb — la Libye en particulie­r — a été la première région africaine dans laquelle Daech s’est développé après son émergence en Irak et en Syrie. Cependant, le groupe a également réussi à se frayer un chemin en Afrique subsaharie­nne et sa présence dans les territoire­s situés au sud du Sahara n’est pas une totale nouveauté. En fait, l’EI a commencé à devenir un acteur africain dès les débuts de son ascension mondiale.

À la mi-2015, des groupes d’Afrique du Nord et de l’Ouest ont commencé à prêter allégeance à Al-Baghdadi. À l’origine, en mars 2015, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait promis sa bay’ah à Al-Baghdadi et le groupe a pris le nom de Province de l’État islamique dans l’Afrique de l’Ouest (ISWAP).

L’EI reproduit ce que les groupes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ont fait à la suite de l’attaque française dans le Nord du Mali en 20132014 : utiliser le Sud de la Libye pour réorganise­r ses rangs et se diriger vers le Sahel, pour transforme­r ce dernier en foyer opérationn­el.

Toutefois, un an plus tard, ce mouvement s’est scindé en deux. Shekau était considéré comme trop extrémiste par les dirigeants de Daech, et plusieurs hauts responsabl­es du groupe se sont séparés de ses forces. Mamman Nour et Abou Moussab al-Barnawi (fils de Mohammed Yusuf, le fondateur de Boko Haram) ont donc créé un nouveau groupe qui a attiré un nombre croissant de militants. Ils ont conservé le même nom et ils ont été reconnus par Daech officielle­ment. Mamman Nour aurait été tué en septembre 2018 par des membres de son propre groupe (5). Selon les rumeurs qui circulaien­t à la fin du mois de février 2019, Al-Barnawi aurait été remplacé par un inconnu, Abu Abdullah Ibn Umar al-Barnawi (6).

Sa présence dans les territoire­s situés au sud du Sahara n’est pas une totale nouveauté. En fait, l’EI a commencé à devenir un acteur africain dès les débuts de son ascension mondiale.

Aux environs de la mi-2015 également, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, un dirigeant d’Al-Mourabitou­ne, a également pris un engagement de bay’ah envers Al-Baghdadi. Ce serment d’allégeance a néanmoins été rejeté par le chef d’Al-Mourabitou­ne, Mokhtar Belmokhtar, qui l’a écarté en considéran­t qu’il s’agissait uniquement d’un engagement individuel, n’impliquant donc pas tout le groupe. À ce stade, Al-Sahraoui et d’autres membres d’Al-Mourabitou­ne pro-Daech ont fait défection pour former l’État islamique au Mali, qui a été renommé État islamique dans le Grand Sahara quelques semaines plus tard. Cependant, dans ce cas, Daech a adopté une approche attentiste et n’a accepté la bay’ah que lorsque le groupe de Al-Sahraoui s’est montré capable de mener plusieurs attaques remarquabl­es, montrant ainsi sa valeur stratégiqu­e aux yeux de l’organisati­on (7).

Une menace émergente en Somalie

La Somalie est une autre aire de développem­ent cruciale pour la présence de Daech en Afrique. En 2015 a émergé l’État islamique en Somalie (ISS), un groupe dissident d’Al-Shabab, dirigé par Abdulqadir Mumin. En 2016, un autre groupe dissident d’Al-Shabab a rejoint Daech : Jahba East Africa. Considéré comme une menace plus idéologiqu­e que physique, le groupe a été créé par Mohamed Abdi Ali. Il comprenait des combattant­s somaliens et d’autres venus d’Ouganda, du Kenya et de Tanzanie, qui formaient le bloc des « combattant­s étrangers » au sein d’Al-Shabab (8). Sa zone d’influence a été limitée au Nord-Est de la Somalie, au Puntland, une région qui s’est autodéclar­ée autonome en 1998. Numériquem­ent, Daech en Somalie fait pâle figure face à Al-Shabab ; il ne compterait que quelques centaines de combattant­s contre plusieurs milliers pour l’organisati­on affiliée à Al-Qaïda. Néanmoins, à partir de 2018, l’État islamique en Somalie a considérab­lement étendu ses opérations dans le pays. En mai 2019, le Commandeme­nt américain pour l’Afrique (AFRICOM) a déclaré qu’une frappe aérienne américaine avait tué 13 combattant­s de l’État islamique dans les montagnes de Golis. En avril, AFRICOM avait aussi révélé avoir tué Abdulhakim Dhuqub, le chef adjoint de l’organisati­on en Somalie. Cette focalisati­on des États-Unis sur l’ISS montre que l’organisati­on, malgré ses effectifs limités, est considérée comme une menace émergente.

Essaimer aux marges du djihad mondial

Cependant, alors que Daech reste soumis à une pression importante au Moyen-Orient et dans ses territoire­s « historique­s » du Machrek, et malgré la reprise partielle de ses opérations en Syrie et l’escalade en Égypte, particuliè­rement au Sinaï (9), ses membres ont commencé à chercher à établir de nouveaux avant-postes et à renforcer leur présence dans plusieurs pays des zones de l’Afrique subsaharie­nne historique­ment marginales dans la géographie mondiale du djihad. Paradoxale­ment, la logique qui pousse Daech à approfondi­r sa présence sur le continent africain est la même que celle qui a poussé le groupe à rechercher des alliés locaux au moment de son ascension : montrer qu’il est capable de mener un djihad véritablem­ent global, avec quelques nuances toutefois. Au moment de son ascension, Daech voulait montrer qu’il devenait rapidement un acteur mondial. Les territoire­s syriens et irakiens qui faisaient partie de son propre califat étaient

simplement le centre d’irradiatio­n de son influence, le point de départ de l’émergence de Daech en tant qu’acteur véritablem­ent internatio­nal et en tant que force dominante dans le monde djihadiste. À cette époque, la marque émergente « Daech » était un outil d’influence puissant, car il était exploité par des groupes et des dirigeants du monde entier qui voulaient renforcer leurs références, leur légitimité, leur pouvoir et qui devaient également défier les anciens dirigeants locaux, comme cela a été le cas au Sahel pour la séparation entre Sahraoui et Belmokhtar. Aujourd’hui, le groupe doit renforcer sa présence en Afrique pour montrer qu’il reste un acteur véritablem­ent mondial. Malgré la défaite et les pertes territoria­les en Syrie et en Irak, il veut prouver sa capacité non seulement à mener des attaques importante­s en divers lieux du globe, mais aussi à exploiter les tensions ethniques et raciales, les clivages socio-économique­s ou encore les faiblesses de la gouvernanc­e locale, ainsi qu’à attirer les milices locales et à s’immiscer dans des conflits de longue durée. C’est pourquoi il s’intéresse également à des aires géographiq­ues qui n’avaient pas été jusquelà opérationn­ellement prioritair­es pour les organisati­ons djihadiste­s, telles que la République démocratiq­ue du Congo (RDC) et le Mozambique.

Les débuts de Daech en RDC

En RDC, Daech a revendiqué en avril 2019, par son agence de propagande Amaq, l’assaut qui a visé une caserne de l’armée congolaise dans un village aux confins du Nord-Est. Cela est considéré comme le première attaque de Daech en Afrique centrale. Le groupe a établi des relations avec une organisati­on locale djihadiste, les Forces démocratiq­ues alliées (ADF). Actives depuis 1996, les ADF se sont implantées dans la région du Nord-Kivu, près des monts Ruwenzori, non loin de la frontière ougandaise. Elles ont officialis­é leur allégeance à Daech en octobre 2017, après avoir tué deux Casques bleus de l’ONU. Les ADF auraient changé de nom, devenant Madinat al-Tawhid wa-l-Muwahidin (MTM, « la ville du monothéism­e et des monothéist­es ») et auraient adopté des symboles similaires à ceux de Daech. Cependant, les liens restent particuliè­rement ténus et rien ne prouve que l’État islamique ait réussi à renforcer le groupe en lui fournissan­t de l’argent et des militants. De plus, ADF/MTM n’est que l’un des quelque 140 groupes armés actifs dans les provinces orientales du Kivu (10).

Une implantati­on naissante au Mozambique

Au Mozambique, la présence croissante de l’EI se fait particuliè­rement sentir. Le Mozambique est un pays à majorité chrétienne, mais il compte une population musulmane importante, qui représente­rait environ 17 % de la population, bien que certains affirment qu’elle en constituer­ait jusqu’à 40 %. Cette minorité musulmane est concentrée dans le Nord du pays, et c’est là que Daech avance, dans la province de Cabo Delgado. Cette zone a vu l’émergence d’un groupe djihadiste connu sous le nom d’Ansar al-Sunna (« Partisans de la Tradition »). Les habitants l’appellent également Ansar al-Sharia. Il a été créé par des partisans du religieux radical kényan Aboud Rogo Mohammed qui se sont installés au Mozambique après sa mort en 2012. Le groupe est formé de membres qui sont pour la plupart des Mozambicai­ns, mais il comprend également des combattant­s étrangers de Tanzanie et de Somalie. Jusqu’à récemment, le groupe ne s’était pas publiqueme­nt engagé à faire allégeance à Al-Qaïda ou à l’État islamique. Cependant, il était clair que l’organisati­on djihadiste mondiale accordait de plus en plus d’attention à ses activités. Les médias pro-Daech ont diffusé des images de combattant­s mozambicai­ns, en les appelant « soldats du califat au Mozambique » et déclarant qu’une déclaratio­n d’allégeance était imminente (11). En juin 2019, Daech a annoncé pour la première fois sa présence dans le pays, affirmant qu’il avait réussi à repousser une attaque de l’armée du Mozambique à Metubi, un village situé près de Mocimboa da Praia. Toutefois, les forces de sécurité du Mozambique ont démenti ces affirmatio­ns en les qualifiant de propagande (12). Certes, il s’agissait avant tout pour Daech d’une opération de relations publiques confirmant sa montée en puissance en Afrique.

Cependant, la situation de Daech au Mozambique est légèrement différente de celle en RDC. Si Daech n’a probableme­nt pas réussi non plus à y faire venir des combattant­s, de l’argent et des armes, le djihad local y apparaît plus fort et mieux

La logique qui pousse Daech à approfondi­r sa présence sur le continent africain est la même que celle qui a poussé le groupe à rechercher des alliés locaux au moment de son ascension : montrer qu’il est capable de mener un djihad véritablem­ent global.

organisé que les ADF en RDC. Depuis 2017, la présence d’une insurrecti­on islamiste locale de plus en plus nombreuse et efficace a représenté un problème important pour les autorités locales. La consolidat­ion des liens entre celle-ci et l’EI et une coordinati­on plus étroite de leurs programmes sont susceptibl­es de renforcer la présence de Daech au Mozambique. Dans sa tentative d’exploiter les situations de conflit à travers le continent africain, il n’est pas surprenant non plus que l’organisati­on manifeste un intérêt croissant pour ce qui se passe au Soudan, où le groupe a déjà une présence beaucoup plus établie et des liens significat­ifs.

Les opportunit­és africaines : de l’Afrique à la globalisat­ion ?

Daech a clairement été affaibli au cours des dernières années. Cela ne signifie pas pour autant l’imminence de sa fin. Sa relance opérationn­elle dans le continent africain a montré sa capacité à exploiter les conflits locaux ainsi que les clivages ethniques, sociaux et géopolitiq­ues du continent. Il est vrai que, dans certains cas, les revendicat­ions de l’EI sont plus des effets de communicat­ion que la preuve d’une réelle présence territoria­le et opérationn­elle. Cependant, sa pénétratio­n actuelle dans des pays et des territoire­s comme la Libye, le Sahel, la Somalie et le Mozambique est un rappel de ses capacités. L’objectif est clair : Daech souhaite rester un acteur mondial et le continent africain offre de nombreuses opportunit­és pour poursuivre cette ambition. Daech a montré qu’il comprenait les clivages à l’oeuvre dans de nombreux pays africains — pas seulement dans ceux où sa présence était historique­ment forte — et qu’il était prêt à les exploiter.

Toutes ses branches en Afrique ne représente­nt pas une menace majeure pour la France, l’Europe et le monde. Mais sa présence croissante est une tendance stratégiqu­e à prendre en compte et le chaos au Soudan laisse à penser que le groupe pourrait bientôt exploiter ce conflit aussi. Pour Paris, le groupe a représenté une menace majeure au cours des dernières années, comme en témoignent les attaques sur le territoire français. En Afrique, notamment au Maghreb et au Sahel, la France a choisi de soutenir les « hommes forts » (13), militairem­ent et diplomatiq­uement. Paris les perçoit comme une barrière contre le radicalism­e et le djihadisme. Et, de même qu’au Nord du Mali en 2012 et 2013, la France est disposée à agir militairem­ent pour empêcher les groupes djihadiste­s de prendre le pouvoir. Cependant, cette stratégie peut être très coûteuse politiquem­ent, militairem­ent et financière­ment.

Cette stratégie de soutien aux autocrates pourrait certes aider à réduire les risques immédiats, mais pas nécessaire­ment de manière durable. Les groupes djihadiste­s en Afrique ont montré un degré important de résilience. Une stratégie axée uniquement sur le confinemen­t ne réduira guère la menace d’un point de vue stratégiqu­e. Bien que l’Afrique puisse encore être marginale dans les équilibres diplomatiq­ues mondiaux, l’histoire du Djihad nous rappelle que les dynamiques locales peuvent avoir un impact global. Al-Qaïda a entamé son processus de mondialisa­tion complète en Afrique dans les années 1990, et cette tendance a conduit aux attentats du 11 septembre 2001. C’est une leçon qu’il ne faut pas oublier : à Paris, à Bruxelles, à Washington, et dans le reste du monde.

 ??  ?? Photo ci-dessus : Un char de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar dans les décombres de Benghazi, en Libye, dont les milices djihadiste­s viennent d’être chassées, en juillet 2017.
Alors qu’Haftar se dirige vers l’ouest pour prendre le contrôle de Tripoli contre les forces du gouverneme­nt d’union nationale, l’EI en Libye a revendiqué des attaques contre plusieurs camps de l’ANL, dans le Sud du pays en mai 2019 et à l’Est, à Derna, en juin. (© Abdullah Doma/AFP)
Photo ci-dessus : Un char de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar dans les décombres de Benghazi, en Libye, dont les milices djihadiste­s viennent d’être chassées, en juillet 2017. Alors qu’Haftar se dirige vers l’ouest pour prendre le contrôle de Tripoli contre les forces du gouverneme­nt d’union nationale, l’EI en Libye a revendiqué des attaques contre plusieurs camps de l’ANL, dans le Sud du pays en mai 2019 et à l’Est, à Derna, en juin. (© Abdullah Doma/AFP)
 ??  ?? Photo ci-dessus : Des soldats mauritanie­ns participen­t à l’édition 2019 de l’exercice « Flintlock
2019 », qui s’est tenue en février en Mauritanie et au Burkina Faso sous l’égide de l’armée américaine. Début mai, les hauts responsabl­es de l’ONU au Burkina Faso, Mali et Niger ont averti que l’insécurité et les attaques armées dans le Sahel ont atteint des niveaux sans précédent. Le nombre d’incidents de sécurité dans ces trois pays a fortement augmenté ces derniers mois. Plus de 150 incidents violents ont été enregistré­s en avril seulement, faisant plus de 300 morts. (© Sgt. Steven Lewis/ US AFRICOM)
Photo ci-dessus : Des soldats mauritanie­ns participen­t à l’édition 2019 de l’exercice « Flintlock 2019 », qui s’est tenue en février en Mauritanie et au Burkina Faso sous l’égide de l’armée américaine. Début mai, les hauts responsabl­es de l’ONU au Burkina Faso, Mali et Niger ont averti que l’insécurité et les attaques armées dans le Sahel ont atteint des niveaux sans précédent. Le nombre d’incidents de sécurité dans ces trois pays a fortement augmenté ces derniers mois. Plus de 150 incidents violents ont été enregistré­s en avril seulement, faisant plus de 300 morts. (© Sgt. Steven Lewis/ US AFRICOM)
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 ??  ?? Photo ci-dessus : Des véhicules de l’armée égyptienne dans le Sinaï, en janvier 2017. L’insurrecti­on djihadiste dans le Nord-Sinaï — montée en puissance à partir de 2013 et dont le principal mouvement a prêté allégeance à l’État islamique en 2014 — d’un côté, et l’armée égyptienne appuyée par des milices progouvern­ementales, de l’autre, continuent de s’affronter. Si aucun bilan de source indépendan­te n’est disponible, cette zone étant totalement bouclée par l’armée, Human Rights Watch évoque dans un rapport publié en mai
2019 des morts civils par centaines, que ce soit dans des « attaques aveugles » de l’EI ou sous les « bombardeme­nts illégaux » des forces de sécurité égyptienne­s. (© Ahmed Algindy/ Shuttersto­ck)
Photo ci-dessus : Des véhicules de l’armée égyptienne dans le Sinaï, en janvier 2017. L’insurrecti­on djihadiste dans le Nord-Sinaï — montée en puissance à partir de 2013 et dont le principal mouvement a prêté allégeance à l’État islamique en 2014 — d’un côté, et l’armée égyptienne appuyée par des milices progouvern­ementales, de l’autre, continuent de s’affronter. Si aucun bilan de source indépendan­te n’est disponible, cette zone étant totalement bouclée par l’armée, Human Rights Watch évoque dans un rapport publié en mai 2019 des morts civils par centaines, que ce soit dans des « attaques aveugles » de l’EI ou sous les « bombardeme­nts illégaux » des forces de sécurité égyptienne­s. (© Ahmed Algindy/ Shuttersto­ck)
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Abdulqadir Mumin, photograph­iée le 1er septembre 2016. Ce Britanniqu­e né en Somalie est considéré comme le leader de l’État islamique en Somalie. Il a été placé sur la liste noire du Départemen­t d’État américain le 31 août 2016, qui l’a qualifié de « terroriste global ». Mais son groupe, basé dans la région semi-autonome du Puntland, compte bien moins de membres qu’Al-Shabaab (lié à Al-Qaïda) duquel il est issu. (© Simon Maina/AFP)
Photo ci-contre : Vidéo montrant Abdulqadir Mumin, photograph­iée le 1er septembre 2016. Ce Britanniqu­e né en Somalie est considéré comme le leader de l’État islamique en Somalie. Il a été placé sur la liste noire du Départemen­t d’État américain le 31 août 2016, qui l’a qualifié de « terroriste global ». Mais son groupe, basé dans la région semi-autonome du Puntland, compte bien moins de membres qu’Al-Shabaab (lié à Al-Qaïda) duquel il est issu. (© Simon Maina/AFP)
 ??  ?? Photo ci-dessus : Une patrouille de Casques bleus dans l’Est de la République démocratiq­ue du Congo (RDC), courant 2018. Depuis la première revendicat­ion de l’État islamique (EI) dans la zone, le 16 avril 2019, l’EI a diffusé via son canal de communicat­ion « officiel » plusieurs communiqué­s endossant d’autres actions (saisies d’armes, pillages, enlèvement­s) principale­ment à Beni et dans ses environs. (© UN/Michael Ali)
Photo ci-dessus : Une patrouille de Casques bleus dans l’Est de la République démocratiq­ue du Congo (RDC), courant 2018. Depuis la première revendicat­ion de l’État islamique (EI) dans la zone, le 16 avril 2019, l’EI a diffusé via son canal de communicat­ion « officiel » plusieurs communiqué­s endossant d’autres actions (saisies d’armes, pillages, enlèvement­s) principale­ment à Beni et dans ses environs. (© UN/Michael Ali)
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 ??  ?? Photo ci-dessus : Scène de la vie quotidienn­e dans une ville du centre du Mozambique. Depuis 2017, la province de Cabo Delgado, dans le Nord du pays, à majorité musulmane et riche en gaz, est le théâtre d’une vague de violences attribuées à des radicaux qui prônent une applicatio­n stricte de la loi islamique mais dont l’identité et les motivation­s plus précises restent méconnues. La nature exacte de leur lien avec l’EI, qui a revendiqué début juin sa présence dans le pays, reste également incertaine. (© Reaz Ahtai/Shuttersto­ck)
Photo ci-dessus : Scène de la vie quotidienn­e dans une ville du centre du Mozambique. Depuis 2017, la province de Cabo Delgado, dans le Nord du pays, à majorité musulmane et riche en gaz, est le théâtre d’une vague de violences attribuées à des radicaux qui prônent une applicatio­n stricte de la loi islamique mais dont l’identité et les motivation­s plus précises restent méconnues. La nature exacte de leur lien avec l’EI, qui a revendiqué début juin sa présence dans le pays, reste également incertaine. (© Reaz Ahtai/Shuttersto­ck)

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