Diplomatie

– ANALYSE Togo : le pays reste sous la coupe de Faure Gnassingbé

- Par Stéphane Andenga, analyste au 2r3s (Réseau de réflexion stratégiqu­e sur la sécurité au Sahel), doctorant à l’Institut des relations internatio­nales du Cameroun (IRIC).

Entre héritage politique conflictue­l et perpétuati­on du pouvoir de la famille Gnassingbé, les résultats de l’élection présidenti­elle du 22 février 2020 ne devraient pas générer l’élan démocratiq­ue attendu par la population, encore majoritair­ement pauvre, de ce petit pays du golfe de Guinée, malgré une embellie économique depuis 2017-2018.

Le 22 février 2020, le Togo, ancienne colonie allemande partagée entre la France et le Royaume-Uni à la fin de la Première Guerre mondiale, organisait sa septième élection présidenti­elle depuis l’ouverture démocratiq­ue issue de la conférence nationale de 1991. Le scrutin a été remporté, sans surprise, par Faure Gnassingbé, le président sortant en quête d’un quatrième mandat et candidat de l’Union pour la République (UNIR), face à six autres candidats, dont Jean-Pierre Fabre de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) ou Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre et candidat de la coalition des forces démocratiq­ues. L’élection se présentait comme un nouveau test démocratiq­ue pour un ordre gouvernant formelleme­nt pluraliste, mais en réalité fondé sur un pouvoir dynastique en place depuis cinquante-trois ans. Et si l’élection présidenti­elle est désormais une tradition rodée au Togo, elle s’est néanmoins toujours déroulée dans des conditions insatisfai­santes, de l’indépendan­ce, en 1960, à nos jours.

Le règne des Gnassingbé

En soixante ans d’indépendan­ce, le Togo n’aura connu que quatre chefs d’État. Sylvanus Olympio, élu sans concurrent en avril 1961, est assassiné en janvier 1963 lors d’un coup d’État orchestré par Étienne Eyadema, chef de file d’un groupe de soldats démobilisé­s par l’armée coloniale française qui réclament leur intégratio­n dans les forces armées togolaises (1). Nicolas Grunitzky, également élu sans opposition en mai 1963, est

démis sans effusion de sang par Étienne Eyadema en janvier 1967.

Archétype du dictateur africain, Étienne Eyadema, devenu Gnassingbé Eyadema, règne ensuite de façon autoritair­e pendant trente-huit ans (2). Il est continuell­ement réélu en 1979, 1986, 1993, 1998 et 2003 au cours de scrutins à la régularité contestabl­e. Après son décès soudain en février 2005, il est hâtivement remplacé par Faure Gnassingbé, l’un de ses fils, désigné par la hiérarchie militaire pour occuper le fauteuil présidenti­el vacant. Cette dévolution monarchiqu­e du pouvoir est fortement contestée au niveau national et fermement condamnée sur le plan internatio­nal. Mais Faure Gnassingbé, soucieux de se conformer à la légalité, parvient à tourner à son avantage une situation sociopolit­ique compromise en se faisant élire président de la République au cours d’un scrutin, certes émaillé de violences meurtrière­s et de fraudes, mais qui lui permet néanmoins de restaurer un semblant de légitimité démocratiq­ue. Ses autres victoires lors des scrutins présidenti­els de 2010 et de 2015 seront plus ou moins conformes à celle de 2005, c’est-à-dire dépourvues de légitimité et sans vainqueur indiscutab­le. Déterminée­s à rompre avec cette mainmise du pouvoir sur le processus électoral, l’opposition et la société civile manifesten­t à Lomé et dans les grandes villes en 2017 et en 2018 pour l’améliorati­on du cadre électoral et le retour à la Constituti­on de 1992. Le pouvoir cède en procédant à des réformes concernant le Conseil constituti­onnel, la Commission électorale nationale indépendan­te (CENI), le vote des Togolais de la diaspora, le scrutin présidenti­el à deux tours, le statut des anciens présidents de la République ainsi que la limitation du mandat présidenti­el (3). Ces

Très présente sur le devant de la scène politique depuis l’ouverture démocratiq­ue de 1990, l’opposition togolaise a toujours montré une grande capacité de mobilisati­on qui tranche avec son inaptitude à conquérir le pouvoir par les urnes.

dispositio­ns sont saluées par l’opposition, sauf l’amendement portant statut des anciens présidents de la République qui prévoit leur immunité à vie dans un contexte de violation systématiq­ue des droits de l’homme et la limitation non rétroactiv­e du mandat présidenti­el qui remet à zéro le compteur de Faure Gnassingbé, autorisé à rester au pouvoir jusqu’en 2030. En guise de protestati­on contre ces réformes, la majeure partie de l’opposition boycotte le scrutin législatif de décembre 2018.

Présidenti­elle 2020 : trois sujets clés

Au vu des expérience­s passées, le scrutin du 22 février 2020 devait finalement s’apparenter à un non-événement, étant donné le verrouilla­ge habituel des institutio­ns et la marge de manoeuvre étroite de l’opposition.

Une « transparen­ce » électorale sous contrôle

Dans ce contexte, la transparen­ce électorale était l’un des enjeux centraux du scrutin de février 2020, notamment en raison du discrédit des institutio­ns chargées de le superviser. Une déconsidér­ation non dénuée de fondement au regard du rôle controvers­é joué par la CENI et la Cour constituti­onnelle dans les processus électoraux qui ont jalonné l’histoire politique du Togo.

Outre la CENI et la Cour constituti­onnelle, les conduites et pratiques politiques par lesquelles le système gouvernant togolais a par le passé conforté son emprise sur l’État se sont également appuyées sur l’armée. Ainsi, à l’instar des autres rouages clés de l’agencement institutio­nnel du processus électoral au Togo, l’armée a parfois été un véritable frein à l’enracineme­nt de la démocratie et à la promotion de l’État de droit.

Lors de la présidenti­elle d’avril 2005, elle a par exemple été accusée par certains électeurs du vol des urnes lors du dépouillem­ent des votes (4). Elle a également été accusée par l’ONU d’être à l’origine des 500 décès recensés au cours des violences qui ont précédé et suivi ce scrutin. Mais, depuis 2006, l’armée est rentrée dans les casernes en vertu de l’accord de Ouagadougo­u de 1993, de l’accord-cadre de Lomé de 1999, et de l’Accord politique global (APG) de 2006, qui imposent des mesures prescrivan­t le caractère apolitique des forces de sécurité publique et des Forces armées togolaises (FAT). Ainsi, comme de coutume, la sécurisati­on du processus électoral a été assurée par une structure ad hoc, la Force sécurité élection présidenti­elle (FOSEP), composée de policiers, de gendarmes et de sapeurs-pompiers placés sous la supervisio­n de la CENI et du Commandeme­nt opérationn­el du ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Avec un cadre institutio­nnel et sécuritair­e ainsi rénové, le Togo semblait a priori techniquem­ent et institutio­nnellement armé pour organiser une élection crédible offrant la possibilit­é d’une alternance à une opposition fortement clivée.

Une opposition divisée

Très présente sur le devant de la scène politique depuis l’ouverture démocratiq­ue de 1990, l’opposition togolaise a toujours

montré une grande capacité de mobilisati­on qui tranche avec son inaptitude à conquérir le pouvoir par les urnes. Ainsi, outre les manigances du système gouvernant, d’autres facteurs sont à l’origine de ses revers électoraux, notamment les dysfonctio­nnements des partis, le vide idéologiqu­e, l’absence de leadership crédible et l’inefficaci­té de la stratégie du boycott électoral. Le dysfonctio­nnement des partis de l’opposition provient de deux principale­s failles interdépen­dantes et qui s’entretienn­ent l’une l’autre : les luttes de leadership vectrices du fractionne­ment permanent du champ partisan et la précarité des ententes interparti­sanes. Depuis l’ouverture démocratiq­ue de 1990, la quasi-totalité des coalitions mises en place par l’opposition pour défier le pouvoir ont volé en éclats. L’inconstanc­e des alliances partisanes de l’opposition a en effet commencé avec le scrutin présidenti­el de 1993 où, rassemblés dans le cadre du COD II (Collectif de l’opposition démocratiq­ue), les principaux leaders de l’opposition, en proie à des conflits d’ego, ne sont pas parvenus à soutenir une candidatur­e unique incarnée par Edem Kodjo. Un scénario presque similaire s’est produit pendant l’élection présidenti­elle de 2010 avec le Front républicai­n pour l’alternance et le changement (FRAC), un regroupeme­nt de plusieurs partis soutenant la candidatur­e de Jean-Pierre Fabre, qui s’est disloqué en raison de la décision unilatéral­e de Gilchrist Olympio de rejoindre le gouverneme­nt de Faure Gnassingbé au lendemain du scrutin présidenti­el, sans le consenteme­nt des membres du bureau national de son parti (l’UFC). La lutte de leadership entre Gilchrist Olympio et Jean-Pierre Fabre a créé au sein du parti un déchiremen­t qui a conduit à la création de l’Alliance nationale pour le changement (ANC).

L’exemple de division de l’opposition le plus récent a débuté avec l’élection présidenti­elle de 2015, pendant laquelle la majorité de l’opposition a soutenu Jean-Pierre Fabre, candidat de l’ANC, sous la bannière du Combat pour l’alternance pacifique 2015 (CAP 2015). En dépit de sa défaite, l’opposition s’est rassemblée autour d’un noyau de six partis politiques qui allaient devenir onze, puis quatorze à la faveur des manifestat­ions massives demandant le départ du président Faure Gnassingbé en août 2017. La coalition C-14 ainsi créée s’est également alliée à une plateforme de la société civile, le Front citoyen Togo debout (FCTD). Mais la C-14 a fait long feu après 18 mois d’existence seulement, à cause de visions divergente­s, de conflits de positionne­ment et de l’absence d’une ligne politique claire en son sein, masquée par un discours antidynast­ique érodé, résumé dans le slogan « Cinquante ans, ça suffit ! ».

En raison de cette incohérenc­e, les défections se sont succédé au sein de la coalition. Pour le seul mois de mars 2019, par exemple, dix partis ont suspendu leur participat­ion ou ont quitté définitive­ment la C-14. Parmi les partis dissidents, on dénombre des poids lourds de l’opposition que sont l’ANC, le Comité d’action pour le renouveau (CAR) de Yawovi Agboyibor et le Parti national panafricai­n (PNP) de l’opposant en exil Tikpi Atchadam. En plus de ces dissension­s qui la minent, la C-14 a été secouée par une affaire de corruption portant sur 30 millions de francs CFA (45 700 euros), don d’un chef d’État de la région (5).

La vacuité idéologiqu­e de la C-14 s’est par ailleurs traduite par sa renonciati­on pour le moins surprenant­e à participer à l’élection législativ­e de 2018, notamment au regard des expérience­s de boycotts passés qui, à l’évidence, n’ont eu aucun effet probant, pas même la vertu pédagogiqu­e escomptée de sensibilis­ation de l’opinion nationale et internatio­nale au déficit démocratiq­ue au Togo. Au contraire, ces boycotts ont entraîné l’exclusion de l’opposition du jeu parlementa­ire et permis à la famille Gnassingbé, fermement installée à la tête du pays, d’appuyer son entreprise de conservati­on du pouvoir au moyen des institutio­ns de l’État. C’est ainsi qu’en 2002, grâce à un Parlement monocolore, une modificati­on constituti­onnelle démocratiq­uement régressive avait pu être votée sans encombre.

Finalement, la démarche unitaire de l’opposition pour braver un pouvoir familial fondé sur une politique de confiscati­on dynastique du pouvoir a de nouveau échoué. En cela, même l’initiative prise par l’archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Kpodzro, pour dégager une candidatur­e unique de l’opposition en la personne d’Agbéyomé Kodjo, soutenu par une coalition dite des Forces démocratiq­ues, n’a pas fait l’unanimité : le CAR et l’ANC se sont désolidari­sés du projet (6). C’est donc en ordre dispersé que l’opposition togolaise aura participé à cette élection.

À tort ou à raison, l’opposition et une partie de la population reprochent à la France, à l’Union européenne (UE) et à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), principaux partenaire­s internatio­naux du Togo, de s’être accommodée­s au fil des années d’un régime répressif au Togo, notamment en reconnaiss­ant des résultats de processus électoraux qu’elles considèren­t comme faussés et frauduleux. Alors que le président français a manifesté depuis son élection sa volonté de faire évoluer les relations entre la France et l’Afrique, il semble avoir pris ses distances avec le régime togolais — Faure Gnassingbé est le seul président ouest-africain à ne pas avoir été reçu par Emmanuel Macron —, faisant espérer à certains un possible changement de posture de Paris.

Une économie sur la bonne voie

En 2005, Faure Gnassingbé hérite d’un pays économique­ment affaibli et socialemen­t sinistré après une dizaine d’années d’ajustement­s structurel­s prescrits par les institutio­ns de Bretton Woods et une longue période de sanctions internatio­nales imposées par l’Union européenne pour cause de déficit démocratiq­ue. Mais, grâce à une série de réformes politiques et économique­s, il parvient à améliorer le climat des affaires au Togo en stabilisan­t le pays et en rétablissa­nt la confiance des investisse­urs. Sur le plan politique, il entame dès 2007 un processus de réconcilia­tion nationale conduit sous l’égide d’une Commission vérité, justice et réconcilia­tion (CVJR) chargée au niveau national de concourir à la cicatrisat­ion des blessures et à la réparation des préjudices subis par les Togolais entre 1958 et 2005 et sur le plan internatio­nal de combler le déficit d’image d’un pays à la réputation écornée par un lourd passif de violations des droits de l’homme. En matière économique, il atteint le point d’achèvement de l’Initiative pays pauvres très endettés (IPPTE) lancée par le Fonds monétaire internatio­nal et la Banque mondiale en 1996, ce qui permet de réduire la dette de plus de 100 % du PIB à 40 %, en contrepart­ie de la mise en oeuvre de mesures de lutte contre la pauvreté et de réformes économique­s telles que la simplifica­tion des démarches de création d’entreprise, la baisse du coût de l’électricit­é, le renforceme­nt de la sécurité maritime ou la restructur­ation des infrastruc­tures, notamment l’aéroport et le port de Lomé qui étaient tombés en léthargie (7).

Petit pays d’environ 7,8 millions d’habitants répartis sur 56 700 km2, le Togo, en investissa­nt dans le domaine de la logistique et des infrastruc­tures, diversifie ainsi ses recettes, largement dépendante­s de l’exploitati­on du phosphate (40 % des exportatio­ns). Il devient un hub logistique d’excellence et un centre d’affaires de premier ordre dans la sous-région, comme le prévoit le Plan national de développem­ent (PND) adopté en 2018 pour servir de boussole économique au régime jusqu’en 2022. Plusieurs entreprise­s d’envergure internatio­nale, à l’instar d’Eco-Bank ou de Mediterrra­nean Shipping Company (MSC), choisissen­t Lomé pour siège social régional en Afrique de l’Ouest (8). Par ailleurs, grâce à la restructur­ation du port franc de Lomé, le seul en eau profonde de la sous-région, d’où partent 40 % des marchandis­es expédiées par les pays du golfe de Guinée, le Togo s’affirme comme une économie de transit.

Petit pays d’environ 7,8 millions d’habitants, le Togo, en investissa­nt dans le domaine de la logistique et des infrastruc­tures, diversifie ainsi ses recettes, largement dépendante­s de l’exploitati­on du phosphate (40 % des exportatio­ns).

Le corridor de 1500km de routes réaménagée­s, qui va du port de Lomé au Nord du pays, profite particuliè­rement à l’hinterland ouest-africain. Et en raison des mesures souples adoptées en matière de transport aérien, le Togo est par exemple considéré par l’Union africaine comme le champion de la politique open sky (« ciel ouvert », visant à la libéralisa­tion du trafic aérien) en Afrique.

Dans le domaine social, il y a beaucoup d’améliorati­ons. Le taux de chômage, 3,4 % de la population active en 2015, selon les chiffres de l’Institut national de la statistiqu­e du Togo (INSEED), est l’un des plus bas d’Afrique. L’autosuffis­ance alimentair­e est assurée grâce à une politique agricole basée sur plusieurs instrument­s : le Programme national d’investisse­ment agricole et de sécurité alimentair­e (PNIASA), le Programme de développem­ent rural agricole (ProDRA), le Projet d’appui au mécanisme incitatif de financemen­t agricole fondé sur le partage de risques (ProMIFA). La bonne santé économique du Togo se traduit par le bond de 40 places réalisé dans le classement Doing Business 2020 par rapport à 2019. « Premier pays réformateu­r » en Afrique subsaharie­nne, il occupe la 97e place dans le classement général.

Des vulnérabil­ités structurel­les tenaces

La relative réussite économique du Togo ne doit pas occulter ses vulnérabil­ités structurel­les, au premier rang desquelles

figure la question paradoxale du chômage. En effet, le taux de chômage bas cache en réalité une grande précarité chez les travailleu­rs togolais, généraleme­nt sous-employés (24,9 % de la population active — INSEED 2015) dans le secteur informel (91 % de la population active — INSEED 2015). Ainsi, même si l’incidence de la pauvreté a régressé ces quinze dernières années — le taux de pauvreté national [voir lexique en marge] est passé, selon les chiffres de la Banque mondiale, de 61,7 % en 2006 à 55,1 % en 2015 puis à 53,5 % en 2017 —, le problème reste aigu : en 2018, 49 % de la population vivait avec moins de 1,90 dollar par jour (seuil de l’extrême pauvreté). L’autre vulnérabil­ité à laquelle le Togo est confronté va de pair avec la première, puisqu’il s’agit de l’épineuse question des enfants de la rue à Lomé. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), 5000 enfants auraient pour domicile les rues de la capitale togolaise. Ces jeunes enfants vivant de mendicité sont exposés à tous les dangers (exploitati­on, esclavage sexuel, etc.). Depuis plusieurs années déjà, les autorités togolaises ont certes pris des mesures pour lutter contre ce fléau. Mais la ligne verte mise en place pour recevoir les appels relatifs aux enfants dans des situations difficiles (1011), le Centre de référence et de prise en charge des enfants en situation difficile (CROPESDI) ou la Direction générale de la protection de l’enfance (DGPE), placée sous la tutelle du ministère de l’Action sociale, de la Promotion de la femme et de l’Alphabétis­ation, ne sont pas parvenus à endiguer le phénomène. La dernière vulnérabil­ité concerne la dimension sécuritair­e. En effet, le Togo, à l’instar des autres pays côtiers du golfe de Guinée — Bénin, Côte d’Ivoire et Ghana (9) — est au milieu du gué terroriste, en particulie­r dans ses marges sahélienne­s, à la frontière du Burkina Faso. Ainsi, après l’attentat de GrandBassa­m, en Côte d’Ivoire, en mars 2016, et l’enlèvement par un groupuscul­e terroriste de deux touristes français et de leur guide dans le parc de la Pendjari, dans le Nord du Bénin, en mai 2019, le Togo a relevé son niveau de vigilance en se dotant d’un Comité interminis­tériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (CIPLEV) et en renforçant sa coopératio­n sécuritair­e avec les pays voisins, principale­ment le Burkina Faso. L’échange d’informatio­ns entre les services de sécurité togolais et leurs homologues burkinabés a été couronné de succès lors de l’opération « Otapuanu », menée de mars à avril 2019 par l’armée burkinabé pour déloger des terroriste­s nichés dans l’Est du Burkina Faso, une zone à la confluence du Bénin et du Togo, Lomé ayant déployé des troupes supplément­aires dans le Nord pour empêcher un éventuel repli de combattant­s djihadiste­s sur son territoire. Plusieurs individus ont été arrêtés après avoir franchi la frontière et remis aux forces burkinabés, et notamment Oumarou Diallo, l’un des principaux chefs des maquis djihadiste­s implantés dans l’Est du Burkina (10).

En fin de compte, plus que d’une élection, le Togo aurait besoin d’une gouvernanc­e véritablem­ent démocratiq­ue, gage de son développem­ent socio-économique durable.

Notes

(1) Ce coup d’État organisé dans la nuit du 12 au 13 janvier 1963 est le tout premier enregistré en Afrique noire francophon­e postcoloni­ale.

(2) Si l’on se réfère à l’étymologie officielle, Gnassingbé signifie : « Prends le commandeme­nt et ne te retire qu’après avoir fait régner la paix ». Voir Alain Mace, « Politique et démocratie au Togo 1993-1998 : de l’espoir à la désillusio­n », Cahiers d’Études africaines, vol. 44, no 176, 2004, p. 867.

(3) Cf. art. 52, 59, 60, 100 de la Constituti­on et le titre (I) du Code électoral

(4) Mission d’enquête internatio­nale Togo, « Retour sur la crise togolaise : l’exigence de justice demeure », FIDH, Rapport no 433, Paris, novembre 2005, p. 10.

(5) Le Monde, avec AFP, « L’opposition togolaise affaiblie par ses querelles internes », 25 mars 2019.

(6) Charles Djade, « Présidenti­elle au

Togo : la candidatur­e d’Agbéyomé

Kodjo divise l’opposition », Jeune

Afrique.com, 6 janvier 2020.

(7) Faure Gnassingbé, invité d’honneur de la Law Society de Londres, 5e édition du débat annuel d’Invest Africa, juin 2019. (8) République togolaise, « MSC veut faire de Lomé sa base africaine » (https:// www.republicof­togo.com/Toutes-lesrubriqu­es/ Lome-sa-base-africaine), 3 juin 2016.

(9) Voir les articles récemment parus dans Diplomatie sur ces trois pays : Stéphane Andenga, « Bénin : le basculemen­t autoritair­e d’un modèle démocratiq­ue exceptionn­el », no 101, novembre-décembre 2019 ;

Xavier Aurégan, « Côte d’Ivoire : le bilan inquiétant du “système Ouattara” », no 93, juillet-août 2018 ; Nicolas Normand,

« Le Ghana, un modèle pour l’Afrique de l’Ouest ? », no 102, janvier-février 2020.

(10) Diawo Barry, Baudelaire Mieu et al.,

« Menace jihadiste : Bénin, Togo et Ghana à l’heure de la mobilisati­on générale »,

Jeune Afrique.com, 20 mai 2019.

La relative réussite économique du Togo ne doit pas occulter ses vulnérabil­ités structurel­les, au premier rang desquelles figure la question paradoxale du chômage.

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Kara, dans le centre du pays, le 22 février 2020. Candidat à sa propre réélection, il a remporté ce scrutin présidenti­el dès le premier tour, avec 72,36 % des suffrages exprimés, contre 18,37 % pour Agbéyomé Kodjo, selon les résultats préliminai­res officiels.
(© Pius Utomi Ekpei/AFP) Photo ci-dessus : Le président togolais Faure Gnassingbé, sortant d’un bureau de vote à Kara, dans le centre du pays, le 22 février 2020. Candidat à sa propre réélection, il a remporté ce scrutin présidenti­el dès le premier tour, avec 72,36 % des suffrages exprimés, contre 18,37 % pour Agbéyomé Kodjo, selon les résultats préliminai­res officiels.
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Les différents courants de l’opposition, de la société civile et de la jeunesse qui étaient impliqués n’ont toutefois pas réussi à s’entendre suffisamme­nt pour provoquer une alternance au pouvoir.
(© Pius Utomi Ekpei/AFP) Photo ci-dessus : Manifestat­ion contre le pouvoir togolais dans les rues de Lomé, le 7 septembre 2017, pour le deuxième jour consécutif. En août-septembre 2017, Faure Gnassingbé a été confronté à un vaste mouvement de contestati­on qui l’a poussé à concéder une réforme constituti­onnelle. Les différents courants de l’opposition, de la société civile et de la jeunesse qui étaient impliqués n’ont toutefois pas réussi à s’entendre suffisamme­nt pour provoquer une alternance au pouvoir.
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(© ambient_pix/Shuttersto­ck) Photo ci-dessus : Vue du port de Lomé en mars 2019. Appelé à devenir un hub logistique et un centre d’affaires de premier ordre dans la sous-région, il bénéficie d’importants investisse­ments publics et privés pour améliorer ses infrastruc­tures. Une filiale de MSC devrait notamment y engager 500 millions d’euros sur les dix prochaines années.
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(© Anton_Ivanov/ Shuttersto­ck) Photo ci-contre : Sur le marché central de Lomé, en janvier 2017. Malgré des progrès importants au cours des dix dernières années, le Togo reste durement frappé par la pauvreté. En 2018, 49 % de la population y vit avec moins de 1,90 dollar par jour.
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