– ANALYSE La bataille de Verdun (1916) : du mythe précoce au mythe mondialisé
Face aux éclipses imposées par l’histoire, certaines batailles confèrent une historicité à la nation dont elles nourrissent le récit. Elles viennent aussi faire date à l’échelle d’un continent. Verdun, devenu haut lieu du pacifisme et d’une construction européenne basée sur la réconciliation franco-allemande, après avoir été consacré en France symbole de victoire dès 1916, en est un archétype.
En 1947, le guide de l’ossuaire de Douaumont accueille ainsi le visiteur pèlerin : « Le champ de bataille de Verdun fut le plus sanglant, le plus important par la durée et l’âpreté des combats, par le chiffre des tués et la très forte proportion des corps non identifiés. » La bataille de Verdun est bien celle de tous les superlatifs. Alors que l’on se bat dans le secteur depuis 1914, et que l’on s’y battra jusqu’en 1918, ce sont les combats déclenchés le 21 février 1916 qui accèdent, au moment même où explose le premier obus, au statut de mythe (1).
La prophétie autoréalisatrice de la bataille décisive
D’un point de vue stratégique, les conséquences de la bataille sont capitales. Mais c’est sans doute dans le domaine symbolique qu’elle a le plus marqué les peuples européens, en premier lieu la France, où Verdun est érigée, selon l’historien Antoine Prost, en « métonymie » de la Grande Guerre, depuis l’attaque et le recul jusqu’au sursaut et à la victoire finale. En surplomb de la mémoire française de la Grande Guerre, dont elle est le premier des lieux de mémoire — la quasi-totalité des villes françaises ont une « rue de Verdun » —, la bataille a nourri l’image d’un conflit que l’on sait mondial, mais que l’on se rappelle franco-allemand. En Allemagne, si Verdun n’est pas un lieu de mémoire, la bataille revêt cependant d’emblée une très forte dimension mythique. Par la suite, de symbole de la Grande Guerre très franco-allemand, Verdun est devenue celui de toutes les guerres puis de toutes les paix, accédant ainsi à un statut universel.
Des combats exceptionnels
En France comme en Allemagne, les combats sont dès le début célébrés comme exceptionnels, et la précocité du mythe explique en partie sa continuité et sa persistance. C’est ainsi que, par voie de presse, les peuples sont d’emblée mobilisés sur la prophétie autoréalisatrice de la bataille décisive. La presse alliée et neutre fait à cet égard caisse de résonance.
Aux États-Unis, les journaux — dont les trois organes principaux : le New York Times, le Washington Post et le Chicago Daily — suivent de près la bataille, avec le souci de prendre leurs renseignements auprès des deux camps. Sous un déluge d’informations qui ont tendance à surenchérir les unes sur les autres, les journalistes américains annoncent « l’une des plus meurtrières [batailles] au monde » ( Chicago Daily, le 29 février 1916), « la plus impressionnante [bataille] de l’histoire mondiale » (New York Times, le 14 mai).
Les témoignages sur les amputations subies sans anesthésie et « sans une plainte » côtoient les descriptions dignes du Jugement dernier où les masses de cadavres entravent le passage, où les morts se relèvent pour se battre. Cette répercussion des lointains combats permet aux Américains d’instrumentaliser le mythe de Verdun : il s’agit de prévenir le lecteur de la complexité de la guerre industrielle et donc de le préparer à l’effort nécessaire pour se mettre à niveau. Washington est lancé dans une modernisation de ses forces armées qui aura un coût : il faut 3500 balles « pour tuer un homme », titre le Washington Post dans un article sur Verdun du 8 mai 1916.
L’héroïsation des soldats
Effectivement, le mythe, surgi en même temps que la bataille, se nourrit en premier lieu de l’héroïsation des soldats. Comme l’a noté l’historien Nicolas Beaupré, les combattants sont canonisés sur le champ de bataille : « Les Héros de Verdun » titre Le Matin du 2 août 1916. La presse allemande salue aussi ses vaillants soldats, en prenant la précaution de souligner l’aspect préventif d’une attaque qui prive l’armée française de la possibilité d’agresser l’Allemagne par le saillant de Verdun ( Frankfurter Zeitung du 23 février). Cependant, ce discours de radicalisation des enjeux est gêné par la responsabilité allemande dans le déclenchement de la bataille : les articles saluent la supériorité de la tactique allemande, illustrée par la prise des forts de Douaumont ou de Vaux, mais très peu de photos accompagnent ces récits quand les violences de la Somme — où les Allemands ont été attaqués — seront abondamment illustrées. Même le journal de marche de la Ve armée reste discret sur les conséquences des bombardements, comme le note l’historien allemand Gerd Krumeich. La mobilisation de l’opinion allemande sur Verdun est donc tout aussi précoce qu’en France, mais partielle et provisoire. Dans la collection des Lettres du front, publiée annuellement par Philipp Witkop à partir de 1915, il y a dix fois moins de courrier relatif à Verdun qu’à la Somme, qui fait définitivement figure d’engagement décisif. Et en août, alors que leurs troupes reculent, Verdun disparaît des communiqués militaires allemands.
Du côté français, le mythe continue de se construire. Les terribles conditions du terrain y sont suffisamment connues pour que s’impose l’image de la ville
En surplomb de la mémoire française de la Grande Guerre, dont elle est le premier des lieux de mémoire, la bataille a nourri l’image d’un conflit que l’on sait mondial, mais que l’on se rappelle franco-allemand.
martyre. Les Alliés de l’Entente défilent pour remettre à la ville de Verdun leurs plus hautes distinctions : sabre de samouraï offert par l’empereur du Japon, mais aussi décorations britannique, russe, serbe, monténégrine, italienne, belge… en plus de la Légion d’honneur. Revers de cette sanctification, les défaites initiales sont lourdes d’émotions : « Verdun ! Verdun ! En ce moment il ne peut y avoir d’autres pensées. Toutes les âmes, tous les coeurs, sont tendus vers ces champs tragiques », s’écrie Clemenceau dans L’Homme enchaîné du 13 mars. Et de nombreux hommes politiques — Poincaré notamment, le 1er mars — et académiciens se rendent au quartier général de la « Bataille ». Pour ne pas écorner l’image canonique du soldat tenace et infaillible, le silence recouvre les mouvements d’indiscipline, voire d’insoumission, qui ont lieu à Verdun entre fin mai et fin juin dans les rangs français, préfigurant les épisodes de 1917.
Pétain architecte du premier mythe
Grand ordonnateur de la mémoire officielle, Pétain fut l’un des artisans du mythe précoce de Verdun, travaillant avec succès à fusionner avec l’évènement. Ce lien est d’ailleurs immédiatement consacré par la presse : L’Illustration du 4 mars 1916 publie un dossier sur Verdun avec un portrait en couleurs détachable du général. Son mot d’ordre du 10 avril : « On les aura ! » est répercuté, fixant l’image du chef calme et rassurant. Mais l’autoproclamation joue ici aussi son rôle : dans son message d’adieu aux troupes, le 30 avril 1916, Pétain acclame « une des plus grandes batailles de l’Histoire ». En 1929, année où il est élu à l’Académie française, il publie La Bataille de Verdun. Il semble devenu impossible de commémorer Verdun sans célébrer Pétain qui n’y a pourtant commandé que deux mois, certes dans la phase la plus active de la bataille. Il est la principale figure des commémorations officielles qui commencent dès 1920, ce qui pose un problème après 1945 et son indignité nationale : on essaie de mettre au premier plan le général Mangin — « l’animateur de cette bataille », proclame le général de Lattre de Tassigny en 1946 pour le trentième anniversaire —, mais la substitution ne prend pas. La photo de Montoire a beau s’être superposée aux chromos de la tournée des popotes, certains anciens combattants s’entêtent à vouloir transférer ses restes au fort de Douaumont. De Gaulle, qui y a été fait prisonnier en mars 1916, saisit l’occasion du cinquantième anniversaire en 1966 pour clarifier la distribution des rôles, mais aussi enfoncer le clou de la réconciliation nationale : « Si, par malheur, en d’autres temps, […] l’usure de l’âge mena le maréchal Pétain à des défaillances condamnables, la gloire qu’il acquit à Verdun […] ne saurait être contestée ni méconnue par la patrie », déclame-t-il devant une assistance dont les Allemands ont été écartés, malgré les demandes répétées de Konrad Adenauer puis de son successeur Ludwig Erhard… Trois ans après le traité de l’Élysée, « autour de Verdun le silence s’établit », note l’écrivain allemand Ernst Jünger dans son Journal. L’identification entre Pétain et Verdun est si totale que François Mitterrand s’autorisera à fleurir sa tombe jusqu’en 1992.
France et Allemagne entre deux guerres : à chacun son Verdun
Après la guerre, l’activité commémorative française s’empare donc de Verdun. Le premier guide Michelin des champs de bataille paraît en 1919 : les familles de soldats tombés — à qui la loi du 2 octobre 1921 octroie un voyage gratuit par an —, mais aussi les groupes amenés en car Citroën ou encore les associations d’anciens combattants viennent visiter la « zone rouge », ces 17 000 hectares de terrain laissés en l’état : six villages entièrement détruits (Fleury, pris et repris seize fois durant le mois de juillet), terres laissées à l’abandon, bois rasés.
La mémoire des anciens combattants
Focalisée sur la souffrance des soldats, cette mémoire d’après-guerre forge en partie le mouvement des anciens combattants, d’autant plus que le système de relève régulière des divisions engagées a pour conséquence que plus des deux tiers de l’armée française — 70 des 95 divisions, dont six divisions d’outremer — sont montés à Verdun, archétype de la bataille égalitaire. Car si le mythe précoce a été imposé d’en haut, ce sont les individus, relayés par des collectivités, qui font vivre Verdun durant l’entredeux-guerres : au récit de la plus grande et de la plus héroïque des batailles succède, sans s’y substituer, la mémoire endeuillée. On continue certes de célébrer la victoire, mais l’hommage aux camarades disparus et à leur sacrifice prend la première place. Il faut dire qu’en 1926 encore, 3000 hommes fouillent à plusieurs mètres de profondeur le sol de Verdun pour recueillir les restes non identifiés. L’évêque de Verdun, Mgr Ginisty, a d’ailleurs entrepris de construire un ossuaire qui serait le « sanctuaire national des disparus sans sépulture » exprimant la « piété reconnaissante » du peuple français. Pour lever des fonds, la princesse de Polignac organise une campagne très moderne, à la rencontre de la société (conférences, cérémonies, comités locaux de souscription) : cette mémoire de Verdun est bien civile et nationale. Jusqu’à l’inauguration partielle
Grand ordonnateur de la mémoire officielle, Pétain fut l’un des artisans du mythe précoce de Verdun, travaillant avec succès à fusionner avec l’évènement.
du bâtiment en 1927, les dépouilles non identifiées sont déposées dans une baraque de planches, au creux de cercueils nommés par secteurs de fouilles. Officiellement inauguré le 7 avril 1932, l’Ossuaire de Douaumont marque le glissement des cérémonies depuis la citadelle de Verdun vers les champs de bataille. Toutes les facettes du mythe de Verdun sont dès lors honorées : la victoire à travers la sculpture du « Lion terrassé » témoignant, à Souville, que les Allemands ne sont pas allés plus loin ; l’héroïsme combattant à travers la « tranchée des baïonnettes », premier lieu mémoriel édifié sur le champ de bataille, monument financé par un banquier américain en hommage à une section qui aurait été ensevelie juste avant l’assaut, debout, les armes à la main ; le deuil dans le cimetière de 17 000 tombes où s’expriment les religions catholique, juive et musulmane. Mais le site témoigne bien de toute la séquence 1914-1918 — une crypte accueille les sept soldats inconnus qui n’ont pas été tirés au sort pour reposer sous l’Arc de Triomphe. Ainsi, durant l’entre-deuxguerres français, le mythe de Verdun appartient aux combattants et à leurs familles. La Grande Guerre, qui apparaît dans les manuels scolaires en 1923, est traitée selon une pédagogie doloriste, insistant sur la terrible vie quotidienne au front, étonnamment peu germanophobe pour l’époque. De nos jours, la bataille reste étudiée au prisme de la vie du soldat, y compris et surtout dans le manuel franco-allemand publié conjointement par des historiens des deux pays depuis 2006. Mais au milieu des années 1930, la mémoire combattante de Verdun, en mettant en avant l’enfer du front, a nourri l’illusion d’une unanimité franco-allemande contre la guerre et ses ravages, malgré la déferlante paramilitaire dans l’Allemagne nazie. Le 12 juillet 1936, une grande manifestation pacifiste réunit devant l’Ossuaire de Douaumont 30 000 anciens combattants de France, d’Allemagne et d’Italie. Sous les drapeaux nazis et fascistes, une retraite aux flambeaux vient y sceller la promesse solennelle de défendre la paix.
L’investissement mémoriel reste plus faible chez les Allemands, où la bataille de Verdun s’avère un engagement parmi d’autres, éclipsé par la Somme. Un certain tourisme mémoriel s’organise cependant dans l’Allemagne de Weimar : et vu l’échec de l’offensive telle qu’elle avait été projetée, la prise du fort de Douaumont tend à être présentée comme le dernier acte de la bataille dans les guides touristiques allemands… jusqu’à nos jours. De même, à l’heure de faire les comptes, au milieu des années 1920, la publication par le Reichsarchiv des quarante volumes des Batailles de la guerre mondiale s’ouvre avec le tome sur « Douaumont », grand succès qui sera réédité jusqu’en 1933. Et comme en France, l’immédiat après-guerre laisse s’exprimer des témoignages sur la violence inédite des combats.
Verdun dans la littérature et le cinéma
Par ailleurs, les armées belligérantes s’étant dotées de services cinématographiques organisés, des images sont restées de Verdun. En France comme en Allemagne, des films sortent dans l’entre-deux-guerres, qui mêlent ces archives à des plans de coupe et des scènes d’arrière reconstituées ( Douaumont, de Heinz Paul, en 1931) pour un cinéma de documentaire et de fiction, souvent pacifiste ( Verdun tel que le poilu l’a vécu, d’Émile Buhot, en 1927). De part et d’autre du Rhin, la littérature s’est emparée des témoignages de soldats pour des romans de reconstitution, et là aussi, le phénomène est accentué en France, où Verdun constitue un véritable « moment » de l’histoire intellectuelle qui perdure dans les années 1930 : Jules Romains publie Prélude à Verdun, et Verdun en 1938. La mémoire allemande prend, elle, un tour radicalement différent. Car les nazis vont redécouvrir et réinventer Verdun. Par l’intermédiaire de films, de livres ou d’expositions, ils se saisissent du mythe pour servir leur idéal de « communauté du peuple ». Dès l’extrême fin des années 1920, les ultranationalistes forgent une mémoire glorieuse de Verdun. Parmi les manifestations itinérantes organisées dans ce cadre, le célèbre diorama intitulé « Le front allemand » attire 150000 visiteurs venus admirer cette maquette panoramique tout au long des années 1930. La bataille de Verdun reconstituée au 1/15000 y occupe 25 mètres carrés, au service d’une mise en scène de victoire. À partir de 1937, le diorama est exposé de façon permanente à Berlin. Parallèlement, et dès 1929, le roman sur Douaumont de Werner Beumelburg, Gruppe Bosemüller, connaît un grand succès public : le soldat allemand à la volonté de fer y est dépeint comme imperméable au désespoir et à la douleur. Verdun devient ainsi emblématique de la Grande Guerre nazifiée, et le tourisme de guerre mène, à côté des anciens combattants et de leurs familles, de nouvelles générations sur les champs de bataille : les dégâts infligés au sol et aux effectifs de l’ennemi leur prouvent que les Allemands se
Si le mythe précoce a été imposé d’en haut, ce sont les individus, relayés par des collectivités, qui font vivre Verdun durant l’entredeux-guerres : au récit de la plus grande et de la plus héroïque des batailles succède, sans s’y substituer, la mémoire endeuillée.
sont bien battus et qu’ils ont donc gagné la guerre ; la prise du fort de Douaumont devient préfiguration du souffle conquérant qui s’est levé en 1933. En juin 1940, la prise de Verdun par la Wehrmacht parachèvera ce lien.
L’unification du « mythe Verdun »
Après la Seconde Guerre mondiale, sur fond de construction européenne, Verdun devient par sa mémoire combattante indifférenciée le symbole de tous les maux infligés par la guerre. En effet, l’enfer de Verdun ne distingue pas les nationalités, et cette symétrie des expériences allemande et française, découverte sur fond de réconciliation, a aussi nourri le mythe. Les courbes des pertes suivent le même rythme pour les soldats des deux camps, et les témoignages y sont identiques. La soif est une torture pour tous, et 80 % des morts sont le fait des obus. Partout, les mêmes descriptions de paysages de fin du monde où il faut sans cesse grimper des ravins ou dégringoler des cratères, et où, malgré le corps-à-corps final, la mort, donnée comme reçue, est aveugle, anonyme. Dans toute l’Allemagne comme dans toute la France, l’image d’une terrible « boucherie » a survécu à la censure et à la glorification.
Au-delà du contexte binational
Dans un premier temps, la France continue seule à porter le mythe de Verdun. À partir de 1956, la tradition exige le déplacement du président de la République : vingt ans après René Coty, Valéry Giscard d’Estaing s’y rendra en hélicoptère pour les cérémonies du soixantième anniversaire ; il sera aussi le premier président à n’avoir pas connu 14-18. De plus en plus clairement à partir des années 1970, l’objet historique et mythique qu’est « Verdun » s’internationalise. Parallèlement, la cérémonie devient un évènement en elle-même, générateur de nouveaux mythes. Le 22 septembre 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl se retrouvent à Verdun pour la première commémoration franco-allemande des chefs d’État et de gouvernement. Après s’être rendus dans le cimetière allemand de Verdun, où Mitterrand est le premier président de la République à pénétrer, les deux hommes se tiennent devant l’ossuaire, main dans la main. En devenant la capitale du « Plus jamais ça ! », Verdun sort de son contexte binational.
Deux ans plus tard, le Centre mondial de la paix, des libertés et des droits de l’homme est inauguré dans le palais épiscopal de Verdun par le secrétaire général de l’ONU, Javier Perez de Cuellar. Depuis lors, et jusqu’au centenaire de 1918 en présence d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron, toutes les commémorations de Verdun sont des célébrations de l’amitié franco-allemande, où — d’accolade en joue contre joue — s’opère une surenchère du langage corporel.
Malgré tout, le mythe hexagonal peut toujours être réactivé en période de grave crise politique. Président élu après le choc de la présence inédite du candidat du Front national au second tour en 2002, Jacques Chirac glorifie la nation française dans toute la diversité de ses origines pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille : « À Verdun et pour Verdun, la nation française a su se rassembler, faire face, tenir jusqu’au bout. […] L’instituteur et le curé. Le républicain et le monarchiste. Celui qui croit au Ciel et celui qui n’y croit pas. Toutes les conditions, toutes les opinions, toutes les religions sont à Verdun. » Au fort de Douaumont, il rend un hommage aux soldats musulmans.
L’internationalisation du mythe
Au début du XXIe siècle, sous l’effet du centenaire notamment, le mythe de Verdun s’est globalisé. De son intronisation comme bataille emblématique, la preuve est fournie par le jeu vidéo sur la Première Guerre mondiale sorti des studios M2H en 2015 et qui s’intitule « Verdun. 1914-1918 ». Né pendant la bataille, le mythe de Verdun agit comme un miroir brisé qui renvoie des images distordues : Falkenhayn « saigneur de l’armée française », Pétain « vainqueur de Verdun », bataille « la plus meurtrière » (alors que ce terrible trophée revient à la Somme… Il a ensuite évolué, à tel point que l’on pourrait écrire : à chaque époque son Verdun. Citadelle érigée contre l’envahisseur,
Verdun est devenue sanctuaire de la mémoire puis rempart contre l’oubli. Mais le centenaire de la Première Guerre mondiale a revivifié l’intérêt pour le site même de Verdun, victime depuis la fin du XXe siècle de la concurrence des lieux de la Seconde Guerre mondiale et de l’éloignement chronologique. La presse française a alors revisité le « mythe Verdun » et toute sa grammaire : le déluge d’obus, la détermination des soldats, les Thermopyles de l’Europe contemporaine où se joue l’avenir de la civilisation. Note Pour un descriptif des temps forts de (1) la bataille, voir I.Davion et B.Heuser (dir.), Batailles : une histoire des grands mythes nationaux, Paris, Belin, 2020, p. 267-271.