– FOCUS Bibliographie
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« Les mécanismes de la répression en région ouïghoure » et « Crise ouïghoure : transformation et reconstruction des identités » Monde chinois-Nouvelle Asie, revue consacrée à l’analyse des évolutions économiques, stratégiques, politiques et culturelles du monde chinois et de ses régions riveraines, a choisi de publier plusieurs dossiers sur « l’envers des routes de la soie », en commençant par un numéro double offrant une analyse critique de la répression en région ouïghoure : ses origines, les processus et ses conséquences.
Alors que le projet « Une ceinture, une route » a été loué comme le plus grand projet de financement du développement de l’ère moderne, ou bien condamné comme la manifestation d’une nouvelle forme de diplomatie coercitive par le moyen de l’endettement, ce dossier sur la « crise ouïghoure » étudie l’autre face du « modèle chinois ». Dirigé par Vanessa Frangville, directrice de l’EASt, centre de recherche sur l’Asie de l’Est de l’Université libre de Bruxelles, et Jean-Yves Heurtebise, maître de conférences à l’Université Catholique Fujen à Taïwan et membre du Centre d’études français sur la Chine contemporaine, ce double dossier rassemble les contributions d’une dizaine de spécialistes francophones et anglophones issus de diverses disciplines (anthropologie, science politique, relations internationales et ethnomusicologie). Il combine des analyses scientifiques de témoignages, de textes officiels chinois ou encore des idéologies à l’oeuvre, soulignant notamment la difficulté du travail scientifique face à l’impossibilité de se rendre sur le terrain. Extrêmement dense, complet et rigoureux, ce travail non seulement représente un état de l’art des connaissances scientifiques sur la répression en cours, mais il expose aussi les mécanismes de la colonisation interne menée depuis bien plus longtemps par le Parti communiste chinois, et le travail de sape mené par les autorités de Pékin sur la culture et les formes traditionnelles de lien social ouïghoures — non sans poser des questions difficiles, notamment celle de la comparabilité entre la République populaire de Xi Jinping et le IIIe Reich de Goering et Hitler. Dans ce dossier, il est, enfin, question de résistance : résistance artistique, souvent sur les réseaux sociaux, et résistance de la diaspora qui se mobilise de plus en plus, malgré les risques, pour faire éclater la vérité. Sans nul doute une référence pour qui s’intéresse de près au sort des Ouïghours, mais aussi à la politique et à la géopolitique de la Chine. La Turquie et la Chine :
Une nouvelle convergence en Eurasie ? Préfacé par Jean Marcou, notamment titulaire de la chaire Méditerranée-Moyen-Orient de Sciences Po Grenoble, cet ouvrage reprend les travaux de thèse de Tolga Bilener, docteur en sciences politiques, et enseignant-chercheur à l’Université de Galatasaray (Istanbul), qui posent la question d’une « eurasianisation » de la politique étrangère turque. À l’heure où l’axe pro-occidental traditionnel de la politique étrangère turque est ébranlé, la volonté chinoise de mettre en oeuvre le projet des nouvelles routes de la soie incite les deux pays à se rapprocher davantage. Pour Ankara, c’est un moyen de s’imposer comme un acteur inévitable dans la région. L’auteur analyse également les limites de la coopération sino-turque et, parmi elles, la question ouïghoure.
Les atteintes chinoises contre cette communauté turcique très présente en Turquie mettent Ankara dans une position délicate. L’ouvrage développe, enfin, les ambitions géostratégiques parfois concurrentes des deux pays. Parmi les principaux sujets de conflit : la gestion des ressources naturelles et l’amplification du commerce en Asie centrale, mais aussi en Méditerranée et en Afrique. Cette publication permet ainsi au
Témoignages
Rescapée du Goulag chinois :
Premier témoignage d’une survivante ouïghoure Survivante. C’est ainsi que se décrit Gulbahar, Chinoise dont les origines ouïghoures lui ont valu d’être enfermée et torturée, en 2016, au sein d’un des nombreux camps de rééducation installés dans la région autonome chinoise du Xinjiang (alors qu’elle vivait en France depuis dix ans). La détention en masse dans ces camps s’apparentant aux goulags soviétiques est l’ultime outil de répression développé par le Parti-État chinois contre la minorité musulmane et turcophone ouïghoure, sous couvert de lutte contre le terrorisme islamique. Le récit poignant de Gulbahar dévoile les mécanismes orwelliens développés par le PCC, qui continue de qualifier de « rééducation » un processus qui ressemble étrangement à l’élimination planifiée de tout un peuple. Condamnée à l’exil :
Témoignage d’une rescapée de l’enfer des camps chinois Musulmane kazakhe, Sayragul Sauytbay, directrice d’école, a été recrutée de force et internée dans un camp de rééducation du Xinjiang afin d’y enseigner le mandarin, la culture chinoise, mais également l’idéologie du Parti Comuniste chinois. Son « poste » lui a permis d’observer les conditions d’internement dans lesquelles se trouvent les prisonniers, mais aussi les tortures qui leur sont infligées chaque jour : médication forcée, autocritique et confession arrachée (rappelant les heures noires de la révolution culturelle), viol, lavage de cerveau… Désormais réfugiée en Suède, Sayragul se bat pour que « le monde entier [sache] ce qui se passe dans les camps et connai[sse] les réelles intentions de la Chine ». lecteur d’acquérir une vision complète de la relation sino-turque, dont les ambitions déclarées semblent prometteuses, mais dont les contradictions pourraient nuire à son approfondissement. Marges et frontières de la Chine Cet ouvrage montre les fragilités de la Chine à ses marges territoriales et dans ses zones frontalières, remettant en question la puissance et l’unité même de la nation chinoise, à l’heure où celle-ci se projette dans le monde entier à travers le vaste projet des nouvelles routes de la soie. Comment la Chine conçoit-elle ses relations avec ses provinces éloignées (notamment le Xinjiang) et les pays voisins ? Quelles sont ses ambitions diplomatiques, sécuritaires et économiques et comment modèle-t-elle ses politiques à cet égard ? C’est ce que les spécialistes de l’Asie-Pacifique réunis ici se proposent d’examiner, sur la base de leurs travaux et terrains de recherche.
Deux numéros de la revue Monde chinois-Nouvelle Asie coordonnés par Vanessa Frangville et Jean-Yves Heurtebise, nos 62, 2020/2, et 63, 2020/3.
Tolga Bilener, Paris, L’Harmattan, juin 2019, 334 p.
Rozenn Morgat, Gulbahar Haitiwaji, Paris, Éditions des Équateurs, janvier 2021, 244 p.
Sayragul Sauytbay et Alexandra Cavelius, et Sophie Lecoq (trad.), Paris, Hugo Document, mai 2021, 333 p. Éric Mottet, Frédéric Lasserre, Barthélémy Courmont et Serge Granger (dir.), Montréal, PUM, novembre 2020, 298 p. (avec une contribution d’Emmanuel Lincot)