Doolittle

LA GRANDE SOPHIE DAREL

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Quelques pas chaloupés, comme en souvenir du bon vieux temps. Sous les éclairs des stroboscop­es du théâtre Rutebeuf de Clichy-la-Garenne, Germaine, 80 ans, ondule du bassin, se cambre, tourne sur elle-même, puis ôte son large chapeau rose pour saluer les 400 spectateur­s massés dans la salle, la plupart occupés à braquer leur iPhone vers la scène pour ne rien manquer du spectacle. “Je recherche un fiancé, blague la mamie martiniqua­ise en remettant son couvre-chef, tandis que résonnent les dernières notes d'un zouk endiablé. J’essaie d’être toujours en joie, c’est ce qui me rend bien. Les problèmes, ça passe après la gaieté.” Dans la salle sont assis quelques-uns des membres de sa grande famille, regroupant sept enfants, seize petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants. “J’ai l’habitude de la voir danser, glisse dans un rire gêné l'une de ses petites-filles. Elle se trémousse pour Noël, la fête des mères et même quand elle fait la vaisselle.” Ce dimanche après-midi de printemps, la reine du déhanché n'est pas venue jouer les figurantes. Comme les quatre autres participan­tes à cette élection régionale, Germaine concourt pour le titre de Super Mamie Île-de-France 2016. Quelques minutes avant sa danse torride, un écran diffusait le palmarès national depuis la création du concours. Première grand-mère à recevoir le prix : Odette Petit, en 1997. Un petit bout de femme à lunettes venue de Champagne-Ardenne, tombée dans une grave dépression en 1958, puis remise sur pieds dix-huit ans plus tard après avoir assisté à un spectacle de Robert Hossein. Pour ne pas faire de jalouses, la rétrospect­ive met aussi à l'honneur Simone, Mado, Ginette, Bernadette ou Marie-Madeleine, autant de dames du troisième âge sacrées Super Mamie lors des années suivantes. En creux, le film raconte aussi l'histoire d'un concours qui a pris du galon, des “people” comme Enrico Macias, Mouss Diouf ou Annie Cordy rejoignant peu à peu la fête, tandis que les sponsors se multiplien­t. Le concept, lui, n'a pas bougé : chaque année, un jury trié sur le volet élit la mamie la plus fringante de l'année au terme d'un spectacle bien huilé. Les candidates se présentent aux côtés de leurs enfants ou de leurs petits-enfants, puis participen­t à un “challenge artistique” sous forme d'un tour de chant, d'une poésie,

“Les mamies sont aujourd'hui plus dynamiques, plus toniques, elles n'ont pas envie de regarder la télé toute la journée, elles ont envie d'être actives. L'idée, c'est qu'il y aussi une vie en dehors des petits-enfants.”

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