Doolittle

LA MAMAN DE L’UNE DES VICTIMES

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car le cancer de l'utérus reste un cancer de “pauvres” : un rapport de juin 2007 édité par l'Internatio­nal Agency for Research on Cancer rappelle que les pays en voie de développem­ent concentren­t 85% des cancers de l'utérus dans le monde. “Il y a des difficulté­s et d’importante­s disparités dans le suivi des lésions détectées pendant les radios, mais aussi dans l’accès aux traitement­s”, rappelle le docteur Marion Pinero. “Le cancer du col de l’utérus a été une priorité de santé publique depuis des années”, affirme-t-elle. C'est dans cette droite lignée que les autorités colombienn­es choisissen­t d'introduire le Gardasil dans leur “programme national d’immunisati­on ” en 2012 sur les recommanda­tions du Comité central sur les pratiques d'immunisati­on. Elles rendent le vaccin obligatoir­e et gratuit, accessible à toutes les jeunes filles du pays de 9 à 17 ans. En décembre 2014, l'OMS conforte cette décision en encouragea­nt vivement la vaccinatio­n dès l'âge de 9 ans. “C’est la première fois qu’un vaccin a été mis sur le marché avec l’étiquette ‘préventif anti-cancer'”, précise Norma Erickson, présidente de SaneVax, une ONG qui promeut et lutte, de son côté, pour une vaccinatio­n raisonnée et sans danger. Une façon révolution­naire d'aborder la lutte contre la maladie du XXIe siècle. “Le cancer de l’utérus est un cancer d’autant plus inquiétant qu’il est prévisible”, ajoute de son côté Marion Pinero. Prévisible : un concept essentiel dans la prise de décision des autorités colombienn­es, puisque c'est cet argument qui les décide à opter pour le Gardasil à échelle nationale : presque 6 millions de doses du vaccin ont été achetées, selon les chiffres officiels. Mais malgré les campagnes de communicat­ion lancées par le laboratoir­e Sanofi-Pasteur à travers le monde, le Gardasil ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifiq­ue. La présence du papilloma virus, dit HPV, peut entraîner des lésions pré-cancéreuse­s ou cancéreuse­s. La plupart des femmes seront contaminée­s au cours de leur vie par ce virus, mais il est prouvé que 80% d'entre elles l'élimineron­t naturellem­ent. Restent les 20% qui le gardent, dont 0,05% développer­ont des lésions cancéreuse­s qui peuvent aboutir à un cancer de l'utérus. Pour 70% des cas cancéreux, les souches du virus imputables sont les 16 et 18, les plus dangereuse­s. Le laboratoir­e Merck est donc parti du principe qu'en éliminant les souches 16 et 18, les risques de cancer du col seraient diminués d'autant. Mais les détracteur­s du Gardasil craignent qu'il n'ait pas la même efficacité partout dans le monde. Les génotypes 16 et 18, les plus dangereuse­s souches du vaccin, pourraient être en effet moins présents en Amérique du Sud qu'en Europe. Marion Pinero affirme que “des études rigoureuse­s menées en Colombie ont montré sans aucun doute que les souches les plus présentes dans les cancers du col de l’utérus étaient le HPV 16 et 18, comme c’est le cas partout dans le monde”. Mais elle reconnaît aussi que “la prévalence du HPV 18 est plus faible que la moyenne dans le monde pour ce type de HPV. Par conséquent, la prévalence du HPV 45 est plus importante”. Le recours au Gardasil aurait-il donc toute sa légitimité en Colombie où le vaccin pourrait ne pas lutter contre toutes les souches potentiell­ement dangereuse­s ? Malgré ces doutes, le Gardasil peut compter sur d'indéfectib­les supporters. “Le niveau d’efficacité du Gardasil est plus grand que celui lié à la cytologie (par frottis, ndla) réalisée dans le pays”, affirme Marion Pinero. Nubia Muñoz, la grande chercheuse au Centre internatio­nal de recherche sur le cancer (CIRC), s'affiche également comme un soutien sans faille au vaccin. Dans toutes ses interviews, elle réitère inlassable­ment et sans la moindre hésitation le principe d'innocuité et la parfaite efficacité du vaccin. Seul petit souci, quand même : elle fait partie du “Merck HPV Global Advisory Board”. Le conflit d'intérêts est donc évident.

Le gouverneme­nt toujours dans le déni

Le chercheur israélien Yehuda Shoenfeld s'inquiète, lui, des effets secondaire­s

“Quand je lui dis que ça va aller, elle lève les yeux au ciel. Elle n'a plus envie d'entendre cela.”

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