Le jeu du chat et de la chauve-souris
Bien avant d'être associée au box-office, Catwoman était une héroïne de papier, née en 1940 entre les pages des comics Batman. Et déjà, son masque de chat suggérait que le personnage, tout en ambivalence, était plus complexe que ses confrères.
“Mon téléphone a sonné plus que jamais. Plus que pour mon anniversaire, plus que pour mon mariage, plus que pour tout. J’ai ressenti immédiatement la pression”, racontait Zoë Kravitz au magazine américain Variety il y a quelques mois. La source de ce charivari ? L’actrice endosse, aux côtés de Robert Pattinson, le rôle de Catwoman dans le prochain Batman signé Matt Reeves. Avant de devenir une ligne prestigieuse dans un CV d’actrice, et l’un des rouages d’une machine à dollars, la super-héroïne aux oreilles de chat a dû faire du chemin. La féline naît sous la plume de Bill Finger et Bob Kane qui l’introduisent dès le premier épisode du comics book Batman en 1940. Il s’agit d’une cambrioleuse, sobrement surnommée The Cat. Arrêtée par l’homme chauve-souris alors qu’elle tente de voler un collier de grande valeur, elle est finalement relâchée. Le personnage, croisement de la cousine de Kane et de Jean Harlow, femme fatale des années 1930, avance alors à visage découvert et ne porte pas de costume. Dès 1941, elle prend son nom définitif, Catwoman et se voit affublée de son fameux masque aux oreilles. Lequel n’est pas arrivé là par hasard. “Il évoque à la fois le jeu du chat et de la souris auquel elle se livre avec Batman, l’homme chauve-souris, et le fait qu’elle est une ‘cat burglar’, une cambrioleuse, qui dévalise les appartements”, relève Jordan Mintzer, critique cinéma au Hollywood Reporter.
Ce masque lui confère les attributs, réels ou symboliques, du félin. Catwoman est une athlète accomplie, capable de réaliser des acrobaties dignes d’un matou, alliant discrétion, rapidité et agilité. Mais c’est aussi le signe qu’il est difficile d’y voir clair dans son jeu. Contrairement aux autres malfrats de Gotham City, elle se situe des deux côtés de la loi : elle a un penchant pour les cambriolages, mais lutte contre la criminalité. “Pour manichéen que puisse paraître l’univers des super-héros, un niveau d’analyse plus approfondi laisse entrevoir l’ambivalence du monde et des personnages hors normes qui l’habitent. Ainsi les super-héros qui luttent contre le mal peuvent-ils eux-mêmes avoir un côté sombre”, rappelle Céline BryonPortet dans son article Les superhéros, nouvelles figures mythiques des temps modernes ? Cette zone grise où elle évolue est l’une des raisons pour lesquelles elle entretient avec Batman une relation tumultueuse, alternance de flirts et de combats, d’entraides et de trahisons. L’une des causes de son ambivalence ? Son passé difficile. Les origines de Catwoman, alias Selina Kyle, évoluent avec ses déclinaisons en BD, en dessin animé ou en film – après le succès de l’adaptation de Tim Burton en 1992 avec Michelle Pfeiffer en féline, elle a droit à sa propre série de comics et en 2004 à son propre film, malheureusement peu réussi. Elle y est tour à tour une prostituée assassinée par son proxénète, une secrétaire assassinée par son patron et sauvée par des chats sauvages, une écologiste fanatique des félins… Avec un point commun : elle est souvent une femme violentée qui reprend le contrôle de sa vie pour se venger. “Dans l’ère #metoo, elle mériterait à nouveau d’avoir son propre film”, suggère Jordan Mintzer. Quant à Michelle Pfeiffer, elle a annoncé publiquement qu’elle se verrait bien reprendre du service. Avis aux amateurs.
Catwoman est souvent une femme violentée qui reprend le contrôle de sa vie pour se venger.