Doolittle

Colonies de vacances

Nourriture en gourde, breakaway effect, impesanteu­r… Les enfants sont les premiers à pouvoir endurer et apprécier un séjour dans l'espace. Pourtant, aucun n'a été recensé parmi les 600 astronaute­s qui ont déjà entrepris ce voyage. Une injustice qui doit ê

- texte Éléonore Théry illustrati­on Emily Isabella

Dimanche 11 juillet, Richard Branson réussissai­t son pari le plus fou : aller dans l’espace à bord d’un vaisseau de son entreprise Virgin Galactic, doublant au passage ses petits copains milliardai­res candidats au voyage, à savoir Jeff Bezos et sa fusée New Shepard, et Elon Musk, patron de SpaceX. “J’ai rêvé de ce moment depuis que je suis tout petit”, déclarait alors l’entreprene­ur britanniqu­e. Pourquoi diable attendre ses 70 ans pour entreprend­re ce séjour ? Exaucer les rêves des tout petits, qui se voient pilotes d’une fusée dès leur première dent, n’est-ce pas un cadeau pour l’humanité tout entière ? Et de fait, les enfants sont d’excellents candidats pour un départ vers l’espace – précisons qu’il s’agit de dépasser la ligne de Kármán, soit 100 kilomètres au-dessus de la Terre, comme le définit la Fédération aéronautiq­ue internatio­nale. En 2013, un père de famille exauçait le voeu de ses rejetons en envoyant dans l’espace une figurine Hello Kitty et un cochon Angry Birds accompagné­s d’un ballon gonflé à l’hélium, d’un parachute pour la descente, d’un GPS, d’un iPhone et deux caméras GoPro. Si deux jouets issus des pires franchises peuvent se balader au-delà de la ligne de Kármán, aucune raison que leurs propriétai­res n’y aient pas droit. Des études de la Nasa ont d’ailleurs démontré qu’un enfant pouvait tout à fait effectuer un vol spatial sans aucun danger, et ce, dès 6 mois. Jusqu’à présent, 600 astronaute­s ont pu tenter l’aventure, et jamais aucun d’entre eux n’avait moins de 15 ans, ce qui est bien peu représenta­tif de la vie sur Terre, où ils comptent pour 26 % de la population mondiale en 2018. Une véritable injustice donc, d’autant que les kids ont bien des atouts en la matière.

Premier bon point, dans la mesure où le décollage et l’atterrissa­ge d’une fusée ou d’un Soyouz (version russe de la propulsion dans l’espace) multiplie le poids de son conducteur par neuf, il est bien plus aisé d’être un petit gabarit. Par ailleurs, les enfants sont tout à fait aptes à supporter le mal de l’espace, qu’un astronaute sur deux ressent les premiers jours de son arrivée parmi les étoiles. S’ils ne vomissent pas à l’arrière de la Citroën BX de leur grand-père qui ne se déplace jamais sans son chien et affectionn­e la conduite sportive en route de montagne, ce n’est évidemment pas l’espace qui leur donnera la nausée.

Ils sont aussi les plus aptes à apprécier les effets de l’impesanteu­r. D’abord, elle leur évite de tomber lorsque leur démarche est encore mal assurée. Et quel meilleur spectacle pour eux que des objets qui s’envolent sans baguette magique ou, mieux, des miettes de caca qui s’échappent des toilettes ? Grands amateurs de Pom’potes, ils seront également les premiers à apprécier la gastronomi­e spatiale, qui se décline en gourdes et sachets lyophilisé­s. Aussi, étant donné leur propension à passer du rire aux larmes en un battement de cils, ce n’est sans doute pas le breakaway

effect – brusque euphorie ou désespoir très intense ressentis en voyant la Terre dans son intégralit­é depuis l’espace – qui leur retournera le cerveau. Réparer les panneaux solaires, les modules, les divers systèmes électroniq­ues de la Station spatiale internatio­nale ? Une promenade de santé, étant donné leur dextérité en Lego ou Meccano. Imaginons toujours qu’ils soient à bord de l’ISS : ils sont alors contraints d’endosser une multitude de responsabi­lités, comme tous les astronaute­s qui y séjournent : mécano, scientifiq­ue, médecin, pompier, directeur de la communicat­ion… Mieux qu’un stage de 3e ou qu’une conseillèr­e d’orientatio­n mutique pour choisir son futur métier ! Enfin reste un argument de poids. Dans l’espace, à cause de l’absence de gravité, les viscères ne pèsent plus et flottent plus haut dans l’abdomen, ce qui perturbe le transit. Résultat : on pète beaucoup plus fréquemmen­t que sur Terre. Et en matière de pets, les enfants ne sont-ils pas les champions ? Il y a un hic, le prix. Ce petit voyage coûte au minimum 200 000 euros (pour un simple séjour de quelques minutes), soit le coût de 20 000 heures de baby-sitting. En fonction de vos moyens, vous pourrez sinon opter pour la fusée et sa plateforme de lancement Playmobil pour la somme de 67,99 euros. Et qui sait, cette boîte pourrait provoquer la même joie chez eux qu’un séjour dans l’espace.

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