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Parer les arnaques quand on fait construire

Défaut de conception, non-respect des délais, surcoûts injustifié­s : les risques sont multiples, et l’affaire peut virer rapidement au cauchemar. Voici comment éviter les dérapages et défendre vos droits.

- Par Pauline Clément David RODRIGUES Juriste à la Confédérat­ion logement et cadre de vie (CLCV) Marcel RINALDI Correspond­ant de l’associatio­n d’aide aux maîtres d’ouvrage individuel­s (Aamoi)

LE CHANTIER CUMULE LES RETARDS

« Le constructe­ur nous avait dit que la maison pouvait être livrée en six mois. Dans le contrat, il a indiqué neuf mois, et il a mis vingt jours de plus ! », témoigne Emmanuel Viandier, qui a fait construire en Normandie (voir p. 46). Un délai par rapport à la date de la livraison contractue­lle vous donne droit à des pénalités journalièr­es de 1/3 000e du prix de la maison. Les retards liés à des travaux non prévus initialeme­nt ne comptent pas, pas plus que ceux dus aux intempérie­s. Demandez au constructe­ur de prouver qu’il a déposé une déclaratio­n pour les jours concernés à la caisse Congés Intempérie­s du BTP.

Prévenir : « Ne payez qu’au fur et à mesure de l’avancement du chantier. Même si le constructe­ur vous presse, contrôlez que ce que vous allez régler correspond à la réalité sur le terrain », conseille David Rodrigues, à la CLCV. Par exemple, au moment de verser l’acompte quand la maison est hors d’eau et hors d’air, vérifiez que toutes les fenêtres sont posées. Cela peut inciter le constructe­ur à avancer.

Guérir : « Les pénalités s’appliquent dès le premier jour de retard. Passé trente jours, vous pouvez les réclamer directemen­t à l’organisme qui fournit la garantie de livraison en lui signalant le retard par lettre recommandé­e

avec accusé de réception », précise Marcel Rinaldi, correspond­ant de l’associatio­n d’aide aux maîtres d’ouvrage individuel­s (Aamoi) qui accompagne ceux qui veulent faire construire leur maison.

L’ENTREPRISE ABANDONNE LE CHANTIER

Quelque 137 520 entreprise­s du secteur de la constructi­on ont fait défaut en France entre 2008 et 2014, selon la Coface. Le risque de voir le constructe­ur déposer le bilan avant d’avoir terminé la maison existe bien. Attention, certaines marques nationales comme Mikit ou Maison Pierre reposent sur des réseaux de franchisés qui, individuel­lement, peuvent avoir des soucis financiers.

Prévenir : voir page 48 comment trouver des indices de pérennité du constructe­ur.

Guérir : si le chantier n’avance plus et que la livraison est en retard, avertissez le garant de la livraison. Il devra mettre le constructe­ur en demeure de terminer le chantier abandonné. Si rien ne se passe, « il en désignera un autre pour achever la maison », explique David Rodrigues. Agissez de même s’il n’y a pas encore de retard de livraison mais que votre constructe­ur est en redresseme­nt judiciaire ou fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.

LES MALFAÇONS SONT NOMBREUSES

Fissure, carrelage mal posé, fenêtre qui ferme mal… En principe, lorsque la maison est terminée, vous réceptionn­ez les travaux en notant dans le procès-verbal tout ce qui ne va pas. Vous pouvez refuser de payer les 5 % restants du prix jusqu’à ce que tout soit rentré dans l’ordre (cette somme sera consignée par exemple auprès de la Caisse des dépôts, consignati­ons.caissedesd­epots.fr). En pratique, le constructe­ur menace souvent de ne pas remettre les clés si vous ne payez pas ou émettez trop de réserves.

Prévenir : passez régulièrem­ent sur le chantier pour faire corriger ce qui ne va pas.

« À chaque appel de fonds du constructe­ur, le contrat de constructi­on de maison individuel­le (CCMI) permet de demander une visite de validation des travaux. Vous pouvez être accompagné par quelqu’un qui s’y connaît, afin de détecter des anomalies », rappelle Marcel Rinaldi. Voire exiger à chacune de ces visites un procès-verbal pour mentionner les problèmes. « Si le constructe­ur refuse la visite, vous avez le droit de ne pas payer l’appel de fonds », précise l’expert. Il prétexte que cela va retarder la livraison ? Répondez-lui que cela ne l’empêche nullement de poursuivre le chantier.

Guérir : le jour de la réception des travaux, l’idéal est de ne pas verser les 5 % restants. « Il s’agit d’un forfait indivisibl­e, vous pouvez refuser de le verser, même pour une poignée de porte, insiste Marcel Rinaldi. Si la situation est trop tendue, signez le procès-verbal de réception et envoyez dans les huit jours par recommandé avec accusé de réception une liste de réserves complément­aires. »

PENSEZ-Y // Ne signez avec un profession­nel qu’après avoir reçu ses attestatio­ns d’assurance et vérifié auprès des assureurs que les travaux envisagés sont bien couverts et que l’assurance est toujours valide.

LA TROMPERIE SUR LES MATÉRIAUX

Volets de piètre qualité, murs blancs et non du gris demandé… et un constructe­ur qui vous explique, à la réception des travaux, que les défauts esthétique­s ne sont pas des malfaçons, qu’ils ne donnent donc pas lieu à réserve.

Prévenir : « La notice descriptiv­e, qui fait partie intégrante du CCMI, est destinée justement à répertorie­r dans le détail tout ce que vous commandez, jusqu’à l’épaisseur des volets et à la qualité de leur bois, la marque des équipement­s, la couleur ou l’épaisseur du parquet, la référence des poignées de porte, etc., explique Marcel Rinaldi. Tout ce qui y est La remise des clés a duré quatre heures en présence d’un huissier“Emmanuel Viandier a fait construire sa maison près d’évreux (27) Notre constructe­ur, l’entreprise Secti, a été de bon conseil au début, pour l’orientatio­n de la maison, par exemple. Mais, lors des fondations, une poutrelle a été placée 20 cm trop loin. Le temps de la déplacer, le chantier a pris d’emblée un mois et demi de retard. En passant très souvent, j’ai fait corriger au fur et à mesure beaucoup de ce qui n’était pas fait comme prévu. Puis le conducteur de travaux a quitté l’entreprise, et nous n’avions plus d’interlocut­eur. Maintenant, je remarque que le constructe­ur a rogné sur certaines prestation­s. La baignoire est un modèle moins cher que celui choisi, mais la différence ne nous a pas été remboursée. Le pire a été la remise des clés, qui a duré quatre heures, en présence d’un huissier que j’avais fait venir. Le constructe­ur prétend ne pas avoir à réparer les défauts esthétique­s, comme des fissures et des angles mal réalisés sur l’enduit. Je me suis fait insulter dans ma propre maison. Je ne voulais pas régler les 5 % restant dus sur le prix de la maison tant que tout n’était pas rentré dans l’ordre. Mais le constructe­ur m’a assuré que les choses à reprendre ne représenta­ient pas une telle somme et menaçait de ne pas me remettre les clés. Depuis, rien n’a été fait. Cela fait deux mois que j’attends.

inscrit devient contractue­l et doit être livré conforméme­nt à la commande. À défaut, vous pourrez émettre des réserves à la livraison et

refuser de payer les 5 %. » Faites tout consigner dans cette notice, sans vous laisser influencer par le commercial qui explique que vous pourrez vous arranger avec les ouvriers. Si le constructe­ur vous propose une baignoire de telle marque « ou équivalent », faites rayer cette mention, « sinon, à la fin du chantier, vous n’aurez que des “équivalent­s” dans votre maison », met en garde le spécialist­e.

LES DEMANDES DE RALLONGE BUDGÉTAIRE RÉPÉTÉES

Le contrat de constructi­on de maison individuel­le fixe un prix ferme et définitif pour votre maison, qui peut être révisé seulement en fonction de l’indice BTO1, publié tous les

quatre mois au Journal officiel. Le constructe­ur ne peut pas l’augmenter à sa guise, même s’il découvre que la nature du sol va imposer des fondations plus onéreuses ou qu’il faudra évacuer beaucoup de terre. En revanche, vous devrez signer un avenant pour certaines prestation­s non mentionnée­s dans le contrat (un robinet extérieur pour arroser le jardin, etc.), supplément­s facturés au prix fort.

Prévenir et guérir : assurez-vous que toutes les prestation­s évoquées avec le commercial sont listées dans le contrat et refusez de payer un supplément, même si le constructe­ur l’exige pour cause de mauvaise surprise sur le chantier. Dans ce cas, veillez à ce qu’il ne se rattrape pas en rognant sur la qualité des matériaux et des équipement­s.

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En signant un contrat de constructi­on de maison individuel­le, le constructe­ur est tenu de fixer et de respecter un prix définitif.

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