Faut-il s’inquiéter de la 5G ?
Les nouveaux usages des télécommunications nécessitent d’accroître la couverture des réseaux et d’augmenter les débits par le déploiement de la 5G. Si les effets liés aux ondes électromagnétiques sur la santé interrogent, d’autres risques apparaissent. Débat.
Yves Le Dréan
Biologiste à l’institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset)
S’il s’agit d’un poison lent, il est vraiment très lent
\\ La question posée est simple mais ce n’est pas facile d’y répondre. Je ne suis pas inquiet d’un point de vue pathologique car les études montrent qu’à un niveau d’exposition très faible, les effets sont à peu près nuls. Depuis les années 1990, presque tout le monde possède un portable. On a donc le recul pour constater qu’il n’y a pas d’explosion des cas de cancers. C’est plutôt rassurant, d’autant que la 4G va rester le standard utilisé encore quelques années. S’il s’agit d’un poison lent, il est vraiment très lent. Seuls risques avérés, les effets thermiques créés par les ondes magnétiques. Mais, grâce à notre réglementation, nous sommes loin d’éventuels réchauffements du corps. En revanche, quelques études en épidémiologie montrent que statistiquement, un risque existe pour les gros utilisateurs de téléphonie mobile. La solution est d’utiliser le kit main libre qui diminue fortement l’exposition aux ondes. Pour l’instant, on constate surtout que ce ne sont pas les risques sanitaires qui posent problème avec la 5G, mais plutôt la fuite en avant qu’elle entraîne, en matière de développement des besoins de connexion et des nouvelles applications. Domotique et robots, auxquels on ne pourra échapper, vont changer notre société en profondeur. Aujourd’hui, on ignore si ce sera pour aller vers une amélioration.
Philippe Lévêque
Directeur de recherche au CNRS, université de Limoges
Des questions restent en suspens
\\ Le déploiement du réseau 5G s’appuie sur une bande de fréquence autour de 3,5 GHZ, légèrement supérieure à celle utilisée pour la 4G. Deux nouvelles bandes de fréquence, d’abord 28 GHZ puis 66 GHZ, seront exploitées à terme pour les liaisons courtes distances. Pour se prémunir de potentiels effets sur la santé, les restrictions et les valeurs limites d’exposition définies restent très faibles, l’objectif étant de ne pas atteindre des effets thermiques qui induiraient un réchauffement du corps.
Les chercheurs travaillent depuis longtemps sur les effets sur la santé des ondes magnétiques produites par les signaux télécoms qui nous environnent. Nombre d’organismes sont en veille scientifique à ce sujet – c’est le deuxième objet de recherche en matière d’effets sanitaires après le tabac – et observent de près les risques encourus. Les ondes électromagnétiques ont un effet thermique plus ou moins important sur le corps humain suivant leur puissance. La puissance d’un four à micro-ondes qui, certes, n’est pas fait pour rayonner mais pour produire de la chaleur, tourne autour de 900 watts, alors qu’un smartphone ne dépasse pas 1 ou 2 watts crête.
Stéphen Kerckhove
Délégué général de l’association Agir pour l’environnement
Les risques liés aux ondes vont s’amplifier pour les 13-18 ans
Le développement de la 5G se fait en dehors de toute analyse objective des conséquences. Non seulement il y a peu d’études menées sur les effets potentiels, mais les résultats divergent et ne sont pas toujours transparents. Dès 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé les radiofréquences comme cancérogènes possibles pour les personnes utilisant leur téléphone plus de trente minutes par jour durant dix ans. Les effets de la 3G et de la 4G faisaient déjà l’objet d’opacité. C’est pire avec la 5G ! Chaque fois qu’on obtient une évaluation tangible des effets d’une fréquence, les opérateurs passent à une nouvelle. Les cartes sont alors rebattues. Nous regrettons que le gouvernement confonde vitesse et précipitation et préfère passer en force plutôt que d’attendre les évaluations, afin de faire des choix dans l’intérêt général. L’attribution des fréquences est dictée par le lobbying des opérateurs qui se frottent les mains à l’idée de nouvelles addictions numériques. Outre l’hyperactivité, l’insomnie et de moindres capacités cognitives, les risques liés aux ondes vont s’amplifier pour les 13-18 ans qui passent déjà six heures quarante par jour devant un écran. Ericsson prévoit plus de 50 millions d’objets connectés d’ici à la fin de la décennie sans qu’on évalue les risques encourus, sans compter la possibilité accrue de captation des données personnelles.