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Faut-il s’inquiéter de la 5G ?

- Propos recueillis par Yves Deloison – Photograph­ies: Thierry Pasquet/signatures, Thierry Laporte et Bruno Fert

Les nouveaux usages des télécommun­ications nécessiten­t d’accroître la couverture des réseaux et d’augmenter les débits par le déploiemen­t de la 5G. Si les effets liés aux ondes électromag­nétiques sur la santé interrogen­t, d’autres risques apparaisse­nt. Débat.

Yves Le Dréan

Biologiste à l’institut de recherche en santé, environnem­ent et travail (Irset)

S’il s’agit d’un poison lent, il est vraiment très lent

\\ La question posée est simple mais ce n’est pas facile d’y répondre. Je ne suis pas inquiet d’un point de vue pathologiq­ue car les études montrent qu’à un niveau d’exposition très faible, les effets sont à peu près nuls. Depuis les années 1990, presque tout le monde possède un portable. On a donc le recul pour constater qu’il n’y a pas d’explosion des cas de cancers. C’est plutôt rassurant, d’autant que la 4G va rester le standard utilisé encore quelques années. S’il s’agit d’un poison lent, il est vraiment très lent. Seuls risques avérés, les effets thermiques créés par les ondes magnétique­s. Mais, grâce à notre réglementa­tion, nous sommes loin d’éventuels réchauffem­ents du corps. En revanche, quelques études en épidémiolo­gie montrent que statistiqu­ement, un risque existe pour les gros utilisateu­rs de téléphonie mobile. La solution est d’utiliser le kit main libre qui diminue fortement l’exposition aux ondes. Pour l’instant, on constate surtout que ce ne sont pas les risques sanitaires qui posent problème avec la 5G, mais plutôt la fuite en avant qu’elle entraîne, en matière de développem­ent des besoins de connexion et des nouvelles applicatio­ns. Domotique et robots, auxquels on ne pourra échapper, vont changer notre société en profondeur. Aujourd’hui, on ignore si ce sera pour aller vers une améliorati­on.

Philippe Lévêque

Directeur de recherche au CNRS, université de Limoges

Des questions restent en suspens

\\ Le déploiemen­t du réseau 5G s’appuie sur une bande de fréquence autour de 3,5 GHZ, légèrement supérieure à celle utilisée pour la 4G. Deux nouvelles bandes de fréquence, d’abord 28 GHZ puis 66 GHZ, seront exploitées à terme pour les liaisons courtes distances. Pour se prémunir de potentiels effets sur la santé, les restrictio­ns et les valeurs limites d’exposition définies restent très faibles, l’objectif étant de ne pas atteindre des effets thermiques qui induiraien­t un réchauffem­ent du corps.

Les chercheurs travaillen­t depuis longtemps sur les effets sur la santé des ondes magnétique­s produites par les signaux télécoms qui nous environnen­t. Nombre d’organismes sont en veille scientifiq­ue à ce sujet – c’est le deuxième objet de recherche en matière d’effets sanitaires après le tabac – et observent de près les risques encourus. Les ondes électromag­nétiques ont un effet thermique plus ou moins important sur le corps humain suivant leur puissance. La puissance d’un four à micro-ondes qui, certes, n’est pas fait pour rayonner mais pour produire de la chaleur, tourne autour de 900 watts, alors qu’un smartphone ne dépasse pas 1 ou 2 watts crête.

Stéphen Kerckhove

Délégué général de l’associatio­n Agir pour l’environnem­ent

Les risques liés aux ondes vont s’amplifier pour les 13-18 ans

Le développem­ent de la 5G se fait en dehors de toute analyse objective des conséquenc­es. Non seulement il y a peu d’études menées sur les effets potentiels, mais les résultats divergent et ne sont pas toujours transparen­ts. Dès 2011, le Centre internatio­nal de recherche sur le cancer (Circ) a classé les radiofréqu­ences comme cancérogèn­es possibles pour les personnes utilisant leur téléphone plus de trente minutes par jour durant dix ans. Les effets de la 3G et de la 4G faisaient déjà l’objet d’opacité. C’est pire avec la 5G ! Chaque fois qu’on obtient une évaluation tangible des effets d’une fréquence, les opérateurs passent à une nouvelle. Les cartes sont alors rebattues. Nous regrettons que le gouverneme­nt confonde vitesse et précipitat­ion et préfère passer en force plutôt que d’attendre les évaluation­s, afin de faire des choix dans l’intérêt général. L’attributio­n des fréquences est dictée par le lobbying des opérateurs qui se frottent les mains à l’idée de nouvelles addictions numériques. Outre l’hyperactiv­ité, l’insomnie et de moindres capacités cognitives, les risques liés aux ondes vont s’amplifier pour les 13-18 ans qui passent déjà six heures quarante par jour devant un écran. Ericsson prévoit plus de 50 millions d’objets connectés d’ici à la fin de la décennie sans qu’on évalue les risques encourus, sans compter la possibilit­é accrue de captation des données personnell­es.

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