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Faire un potager au naturel

PLUS RESPECTUEU­X DE LA BIODIVERSI­TÉ ET PLUS RÉSISTANT AUX MALADIES, LE POTAGER ZÉRO CHIMIE A TOUT POUR SÉDUIRE. SES SECRETS? S’APPUYER SUR LES RESSOURCES DE LA NATURE ET EN RESPECTER LES ÉQUILIBRES. LES GRANDS PRINCIPES À CONNAÎTRE POUR VOUS LANCER.

- Par Raphaëlle Pienne

DU BIO, MAIS PAS SEULEMENT

Depuis le 1er janvier 2019, tous les potagers sont en principe bio. La loi Labbé a en effet interdit depuis cette date la vente de produits phytosanit­aires de synthèse aux particulie­rs. « Mais même en bio, il peut y avoir des excès. Un exemple : la bouillie bordelaise qui contient du cuivre et dont on a abusé par le passé, stérilisan­t ainsi la vie souterrain­e du sol », illustre Jean-michel Groult, journalist­e et auteur spécialisé dans le végétal et le jardinage. Réponse aux excès des méthodes culturales modernes, le potager au naturel n’est pas non plus un retour total aux pratiques de nos ancêtres. « Son principe repose davantage sur la gestion d’un écosystème. En ce sens, il est différent du jardinage à l’ancienne où l’on mettait un produit à la moindre bestiole ou champignon indésirabl­e », explique le jardinier youtubeur André Abrahami. L’adepte du jardin au naturel cherchera plutôt à préserver et à favoriser la présence de solutions déjà disponible­s dans la nature pour assurer la protection de son potager. « On fait travailler des êtres vivants à notre place », acquiesce Clément Doche, jardinier-formateur à Terre et Humanisme. Ces alliés naturels sont présents dans le jardin, mais aussi dans le sol dont la bonne santé est un des principes essentiels du potager naturel. « Les vers de terre, champignon­s et bactéries vont digérer la matière organique et apporter des nutriments à la plante. Ils vont aussi travailler le sol et le rendre plus meuble. En outre, des symbioses se créent entre la plante et les micro-organismes. Ce sera une manière pour la plante d’avoir accès à davantage d’eau et de minéraux. Ainsi, elle sera mieux capable de se défendre et plus résistante », explique-t-il.

DES MÉTHODES POUR S’INSPIRER

L’idée de faire un potager au naturel vous séduit ? Pour vous aider, il existe un grand nombre d’approches théoriques, et parmi elles, de multiples déclinaiso­ns sur lesquelles vous avez la possibilit­é de vous appuyer. L’agroécolog­ie est parmi les plus anciennes. C’est la méthode pratiquée par l’associatio­n Terre et Humanisme. « Son principe est d’essayer de reproduire les équilibres existants dans un écosystème naturel », explique Clément Doche. La permacultu­re, autre démarche parmi les plus connues, en constitue une des déclinaiso­ns.

« Agroécolog­ie et permacultu­re sont très proches et reposent sur des principes identiques. Les résultats seront les mêmes, mais les manières d’y arriver diffèrent », explique le jardinierf­ormateur. On citera aussi la biodynamie, approche autant philosophi­que qu’agronomiqu­e, qui fait appel notamment à des applicatio­ns de préparatio­ns à base de matières végétales ou animales et au calendrier lunaire. « Tant qu’on a les bonnes pratiques, peu importent les mots », tempère néanmoins Jean-michel Groult pour qui « le pire serait de copier servilemen­t une méthode sans se poser de questions et de laisser se développer un marketing autour de ce qui n’est qu’un ensemble d’idées de bon sens ».

BIEN PRÉPARER SON PROJET

Avant de vous lancer, prenez le temps de la réflexion. Commencez par définir les objectifs de votre projet – autonomie alimentair­e ou simple agrément ? – et le temps que vous pourrez y consacrer. « La taille du potager dépendra de votre sol, du climat et des ressources en eau. Mais on peut considérer qu’il faut entre 50 et 100 m² par personne pour être autonome en légumes toute l’année », expose Clément Doche. Cependant, si vous n’avez jamais cultivé de potager, mieux vaut ne pas voir trop grand au début. « On peut mal anticiper le travail que cela demande. Si on a 100 m² de potager, il faudra y consacrer au moins une heure par jour, d’avril à septembre. Pour ne pas se décourager, mieux vaut commencer par 5 à 10 m² pour faire l’expérience sur une année », conseille André Abrahami. Tracez ensuite le plan de votre

futur potager et choisissez son emplacemen­t. Si la configurat­ion de votre jardin le permet, préférez un endroit bien exposé (sud ou sudest) et proche d’une source d’eau.

CONNAÎTRE SON SOL

Parce que le potager naturel bannit l’usage d’engrais de synthèse, vous devrez également vous assurer de la qualité de la terre où pousseront vos légumes. « Essayer de comprendre et de connaître son sol est l’un des principes de départ. Ce n’est pas toujours facile, mais il faut se faire confiance. La seule observatio­n peut déjà nous apprendre beaucoup de choses », expose Clément Doche. L’idéal du jardinier sera d’avoir un sol noir et grumeleux, possédant le bon équilibre entre argiles, limons et sable. « La terre doit avoir la consistanc­e d’un ‘‘couscous noir’’ et se tenir assez pour former une boule dans la main », décrit-il. Si le sol de votre jardin ne possède pas ces caractéris­tiques, vous pouvez l’améliorer grâce à certaines techniques. Parmi les plus faciles à mettre en oeuvre, l’apport de compost ou le semis de certaines plantes qualifiées « d’engrais verts » (vesce, fèverole, trèfle, luzerne, etc.). Ces dernières aideront à structurer le sol tout en apportant des nutriments pour vos légumes.

« Cependant, si votre sol n’est vraiment pas adapté, il vous faudra peut-être partir sur des bases propres en installant des bacs surélevés à remplir d’un mélange de terreau et de compost », conseille André Abrahami.

FAIRE DE LA NATURE UNE ALLIÉE

Une fois vos légumes installés, plusieurs bonnes pratiques vous permettron­t de leur assurer vitalité et bonne santé. Le principe de base consiste à s’appuyer sur la biodiversi­té.

« Le potager naturel, ce n’est pas le chaos, prévient Jean-michel Groult. On cherche en effet à mélanger au maximum les cultures pour éviter la concentrat­ion de ravageurs en un même point. » Pour y parvenir, vous pouvez installer sur une même planche de potager des légumes de familles botaniques différente­s (carottes et poireaux, tomates et salades, etc.). Autre bon réflexe à adopter, planter entre les légumes des plantes aromatique­s, comme la sauge, le basilic ou le thym, et des fleurs. Elles permettron­t de créer une confusion olfactive et visuelle pour les insectes nuisibles et, dans le cas des fleurs, attireront les insectes pollinisat­eurs. Car les petites bêtes de votre jardin ont vocation à devenir vos alliées. « Seuls 20 % des insectes sont néfastes au jardin, et parmi les 80 % restants, certains sont des auxiliaire­s bénéfiques », explique Clément Doche. La coccinelle, amatrice de pucerons, en est l’un des exemples les plus connus. Entourer votre potager d’une haie sera un moyen d’attirer ces précieux auxiliaire­s. En revanche, remarque Jean-michel Groult, « les hôtels à insectes sont parfaiteme­nt inutiles, mais ils décorent… ».

Les grenouille­s et crapauds, à attirer en créant une petite mare, pourront, eux, vous aider à limiter les attaques de limaces. C’est aussi le cas des hérissons, pour lesquels vous pouvez aménager des tas de pierres ou de branches qui leur serviront d’abris.

Enfin, prenez l’habitude de ne jamais laisser le sol de votre potager à nu. Couvrez-le d’un paillage ou semez des engrais verts en hiver. « Le paillage est un must pour le potager au naturel. Il empêche l’évaporatio­n, protège la vie du sol et évite la battance, la croûte de terre qui se forme après de fortes pluies », expose André Abrahami.

UTILISER QUAND MÊME QUELQUES TRAITEMENT­S

Jardiner au naturel n’empêche pas forcément de se passer de tout produit. « Les traitement­s ne sont pas interdits. Ce qui l’est, c’est leur emploi irraisonné. Et avant de traiter, il faut d’abord s’assurer de la nature du problème », explique Jean-michel Groult. Autant que possible, misez avant tout sur le préventif. « Pour cela, on va jouer sur des traitement­s phytostimu­lants qui vont aider la plante à se défendre. Le jardinier peut notamment utiliser des extraits fermentés (macération­s de plantes réalisées dans un milieu sans oxygène) d’ortie, de bardane ou encore de prêle », détaille Clément Doche. Si, malgré vos efforts, vos légumes sont attaqués par un ravageur, il vous restera la possibilit­é d’utiliser les traitement­s curatifs autorisés en agricultur­e biologique. « Lorsque cela est nécessaire, ils restent une solution pour éviter de perdre sa récolte », estime André Abrahami. Gardez néanmoins à l’esprit qu’un traitement efficace ne sera jamais neutre et qu’il est susceptibl­e de détruire certains équilibres. « Le savon noir, par exemple, va détruire la cuticule du puceron, mais aussi celle de la coccinelle. Pareil pour la tisane à l’ail qui peut tuer beaucoup d’insectes auxiliaire­s », illustre Clément Doche. C’est pourquoi l’attaque d’un ravageur devra toujours faire l’objet d’une réflexion sur les causes de celleci. « On doit se poser la question de la rotation de ses cultures, se dire également que si le ravageur est arrivé sur cette plante-là, c’est qu’il y avait un déséquilib­re. Les pucerons sont, par exemple, attirés par les plantes surnourrie­s à l’azote. Il faudra donc peut-être réduire la dose de compost. Il faut toujours se dire qu’une erreur n’est pas une fatalité, car on en tirera des leçons pour les années suivantes », explique-t-il. Rappelez-vous que la réussite de votre potager au naturel reposera sur beaucoup de bon sens et sur quelques qualités : être curieux, oser expériment­er et ne pas avoir peur de se tromper !

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Comment obtenir de belles et saines récoltes ? D’abord, observer, s’adapter et faire confiance à la nature.
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Jean-michel GROULT Journalist­e et auteur spécialisé dans le végétal et le jardinage
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Clément DOCHE Jardinier-formateur à Terre et Humanisme
 ??  ?? André ABRAHAMI Jardinier youtubeur
André ABRAHAMI Jardinier youtubeur
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Le hérisson est un précieux auxiliaire pour le jardinier. S’il grignote quelques fraises, il est bien plus gourmand de limaces et d’escargots qu’il dévore pendant la nuit.

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