Indépendants : réussir sa transition numérique
LE GOUVERNEMENT ENCOURAGE LES ENTREPRISES À ACCÉLÉRER LEUR TRANSITION DIGITALE, AIDES À L’APPUI. QUE SIGNIFIE CE CONCEPT ? COMMENT MENER À BIEN CETTE DÉMARCHE ? ÉCLAIRAGE.
« TRANSFORMATION NUMÉRIQUE », QUÈZAKO ?
« Spontanément, nous traduisons transition numérique des commerçants par développement des outils de vente en ligne, note Sandrine Wehrli, du réseau national des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. » La vente en ligne ne peut se concevoir sans la logistique de la gestion des expéditions. Cette activité est elle-même indissociable des problématiques de relations clients et de communication. Enfin, tout cela ne pourrait fonctionner sans la partie « back-office », c’est-à-dire la gestion administrative et la gestion des stocks.
« Les déclarations à l’administration fiscale, à l’urssaf, les outils de paiement et de suivi des comptes bancaires, les envois d’attestations à l’assurance-maladie pour un salarié en arrêt… Aujourd’hui, il y a une plateforme numérique pour tout ! », constate David Morales, chef d’entreprise et élu à la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment). En s’insinuant dans tous les aspects du quotidien, le numérique s’impose à tous. Partant de là, résume Sandrine Hirigoyen, fondatrice de Digitall conseil, « la transition digitale, c’est la capacité de l’entreprise à redéfinir sa stratégie de développement dans un environnement économique et social en perpétuelle évolution numérique ».
QUELS SONT LES ENJEUX ?
Maintenir son activité. Le confinement et la fermeture des commerces l’ont mise en danger. « Le "click and collect" ou la vente à distance avec livraison à domicile ont été les seules solutions pour les commerces fermés de maintenir un minimum d’activité, témoigne Sandrine Wehrli. La relance de l’activité passera aussi par là. »
Développer cette activité. Le numérique est devenu incontournable pour augmenter sa visibilité, diversifier les modalités de vente et, ce faisant, fidéliser et élargir sa clientèle.
La productivité. « J’ai rencontré récemment un chef d’entreprise qui, au fil de la croissance rapide de son activité, devait recruter du personnel à l’administration des ventes. En installant une gestion électronique des documents et de la relation clients adossée à un réseau intranet, il a pu réduire le temps passé à ces tâches administratives à faible
valeur ajoutée », illustre Sandrine Hirigoyen. C’est vrai aussi dans des domaines plus techniques. Mesurer une pièce et en déduire les besoins en matériaux de chantier peut se faire en quelques minutes. Idem pour l’évaluation des stocks, dès lors que les entrées et les sorties sont informatisées. Concevoir en détail une future construction, jusqu’à l’emplacement des tuyaux dans les murs, est possible grâce aux maquettes 3D.
« Globalement, cela permet de se concentrer
sur son coeur de métier », dit David Morales.
Améliorer les conditions de travail.
Des outils qui facilitent la coordination du travail (planning partagé, messageries instantanées…) aux technologies les plus
sophistiquées – le drone équipé pour mesurer un toit sans avoir à monter dessus : le digital est un levier.
La cybersécurité. « On a tendance à l’oublier, regrette Sandrine Hirigoyen, mais la protection des données et de l’image de l’entreprise est devenue un enjeu important. Or, les TPE sont souvent mal équipées. »
QUELLES SONT LES BONNES QUESTIONS À SE POSER ?
D’une entreprise à l’autre, la démarche de transition numérique sera différente, selon son contexte, ses besoins réels et ses moyens. « La première question à se poser est celle de l’objectif : des outils numériques,
pour quoi faire ? », avance Sandrine Hirigoyen. Il s’agit d’étudier les usages digitaux en vigueur dans son segment de marché : comment les clients interagissent avec les concurrents ? Quels outils utilisent ces derniers en matière de relations commerciale et de production ? Quels sont les progrès
technologiques en cours ? Autre sujet : le fonctionnement interne. « C’est une étape
fondamentale, commente Sandrine Hirigoyen.
Le digital ne peut fonctionner qu’avec des pratiques et des processus un minimum
uniformisés. » Ce qui suppose une analyse des modes de communication, des modalités de gestion des données (sur papier, sur tableur, centralisées ou éparpillées ?), des habitudes professionnelles en vigueur dans l’entreprise.
« Pour autant, met en garde la consultante, il ne s’agit pas d’imposer un modèle de fonctionnement ex nihilo. Il faut s’appuyer sur l’existant et impliquer les salariés.»
PAR OÙ COMMENCER ?
D’abord, le diagnostic. « Il s’agit de faire le point sur sa situation digitale : où en est l’entreprise dans ses usages et ses équipements ? », dit Sandrine Wehrli. Ensuite, il est important de se comparer à la concurrence, sans chercher pour autant à la copier. En troisième lieu, ajoute David Morales, il faut interroger ses besoins. « Surtout, ne pas se précipiter, insistet-il. Qu’est-ce qui peut nous aider à mieux travailler ? Dans quel objectif ? Gagner du temps ? De la visibilité ? Faire des économies ?
Améliorer les conditions de travail ? » Il s’agit donc d’identifier en quoi les outils numériques peuvent améliorer la situation de l’entreprise et de définir les priorités. L’entreprise peut alors élaborer son plan d’action et sa méthode. Enfin, dernière étape, rechercher des outils et solutions adaptés aux objectifs et, le cas échéant, les interlocuteurs qui pourront accompagner et financer.
PEUT-ON S’EN SORTIR SEUL ?
« On peut être un très bon professionnel dans son domaine mais ne pas être un expert en numérique, d’où la nécessité de ne pas avancer seul », prévient Sandrine Wehrli.
« Il est toujours bon pour une entreprise de bénéficier d’un regard extérieur et compétent pour améliorer son fonctionnement », plaide Sandrine Hirigoyen. Pour les entrepreneurs le plus familiers avec les outils numériques, des formations en ligne sur la transition digitale sont régulièrement lancées sur le web. Pour les autres, il existe de nombreux interlocuteurs.
Les CCI, les CMA, les fédérations professionnelles et les Opco (opérateurs de compétences) proposent pour la plupart un service d’accompagnement et de formation dans les premières étapes de la démarche. En parallèle, et pour une aide plus approfondie, de nombreux cabinets de conseil sont spécialisés dans ce domaine. La prestation est payante.
QUELLES AIDES SOLLICITER ?
Sous le label France Num, l’état propose une subvention de 500 euros à l’achat d’une prestation d’accompagnement à la transformation numérique ou d’une solution (un outil, une application) de vente, de communication et/ou de promotion de son activité sur internet. Localement, tous les conseils régionaux proposent des aides directes (chèque numérique) ou indirectes (financement d’un diagnostic, d’une place de marché virtuelle locale, etc.). Ces aides diffèrent d’un territoire à l’autre. Enfin, selon les secteurs d’activité, fédérations ou unions patronales ou de métiers et Opco proposent aussi un accompagnement technique et parfois financier.