Merci pour l info

Agir pour son quartier

DE PLUS EN PLUS DE VILLES, DÉPARTEMEN­TS ET RÉGIONS METTENT EN OEUVRE DES BUDGETS PARTICIPAT­IFS PERMETTANT AUX HABITANTS DE PROPOSER ET DE VOTER POUR DES PROJETS. PRÉCISIONS.

- Par Katia Vilarasau

UN DISPOSITIF EN PLEIN ESSOR

Inspiré par le modèle développé dans la ville brésilienn­e de Porto Alegre à la fin des années 1980, cet outil de démocratie participat­ive gagne la

France sous l’impulsion des villes, des départemen­ts et désormais des régions.

« En 2020, la France en compte 170 en activité, ce chiffre double année après année, note Antoine Bézard, fondateur du site Lesbudgets­participat­ifs.fr, qui étudie ce phénomène depuis 2016 et publie chaque année une enquête nationale sur ce sujet pour la Fondation Jean-jaurès. Actuelleme­nt, près de 19 millions de Français peuvent choisir la destinatio­n d’une partie des ressources publiques dans 141 communes. »

Ce dispositif n’est pas réservé aux grandes métropoles car un tiers des communes engagées dans ce processus compte entre 5 000 et 20 000 habitants, un quart entre 20 000 et 50000 habitants et un autre quart entre 50 000 et 200 000 habitants. Côté localisati­on, l’île-de-france arrive en tête avec près de

30 % des collectivi­tés menant des budgets participat­ifs, suivie de la Nouvelle-aquitaine, de l’occitanie, des Hauts-de-france ou de la Bretagne qui réunissent chacune autour de 10 % des communes engagées.

OBJECTIF : RÉPONDRE AUX BESOINS PRÉCIS DES CITOYENS

« Le budget participat­if est l’un des moyens pour les municipali­tés de donner à leurs habitants la possibilit­é de répondre à des besoins précis, qu’ils naissent au coin de leur rue ou au pied de leur immeuble, confirme Marion Barraud, conseillèr­e municipale chargée du budget participat­if à la ville de Clermont-ferrand qui a lancé le sien en

2017. C’est aussi, pour les collectivi­tés, de plus en plus nombreuses à s’engager dans la transition écologique, l’opportunit­é d’impliquer les citoyens dans cette démarche. » Cet outil participat­if a permis la réalisatio­n de nombreux équipement­s de proximité, de projets centrés sur la question climatique ou l’économie sociale ou solidaire : installati­on de nichoirs à oiseaux pour lutter contre la proliférat­ion des moustiques à Grenoble, création de jardins avec des arbres fruitiers

dans le centre de Rennes, relance d’une

consigne pour le verre en Dordogne... « Les habitants peuvent avoir d’autres priorités que celles des collectivi­tés et le budget participat­if permet de les faire émerger, note Antoine

Bézard. Les citoyens qui se sentent éloignés des instances de la démocratie locale se retrouvent également davantage dans ce processus qui débouche sur des actions concrètes. »

UNE PROCÉDURE ENCADRÉE

Les budgets participat­ifs s’appuient sur une charte ou un règlement précis qui détaille les principale­s étapes et les modalités de participat­ion. Certaines collectivi­tés, comme Clermont-ferrand, ont d’ailleurs décidé de renforcer le pouvoir de décision des habitants : « Cette année, ils pourront ainsi être partie prenante dès l’élaboratio­n

du règlement », précise Marion Barraud.

Les budgets participat­ifs suivent plusieurs étapes selon un calendrier défini à l’avance. Après le dépôt des idées et l’analyse de leur recevabili­té, le vote des projets par les habitants se déroule généraleme­nt en ligne, puis vient la réalisatio­n des projets.

UNE LARGE PALETTE DE PROJETS

Ces derniers sont parfois réservés à une catégorie de la population – par exemple, les jeunes âgés de 11 à 30 ans en Gironde – ou bien ouverts aux associatio­ns, entreprise­s et collectivi­tés, comme en Île-de-france. Ils peuvent aussi répondre à une thématique environnem­entale ou sociale ou viser l’améliorati­on du cadre de vie en général.

« La grande majorité des projets proposés à Clermont-ferrand porte sur la transition écologique, le réaménagem­ent des espaces publics et la solidarité, détaille Marion Barraud. Celui qui a remporté le plus de suffrages portait sur la création d’un camion-douche pour les personnes sans domicile fixe. » Selon Antoine Bézard, il existe une grande variété de projets proposés par les habitants, « même si l’aire de jeux, l’abri vélos et les plantation­s d’arbres se classent dans le top 3 des projets le plus votés ! Beaucoup de collectivi­tés permettent aussi aux associatio­ns de porter des projets, comme à Ivry-sur-seine (Val-de-marne) où une structure a reçu une dotation permettant la création d’une cuisine solidaire. »

LES FACTEURS DE RECEVABILI­TÉ

À Grenoble, sur les 120 projets proposés chaque année, environ 10 % seront déclarés irrecevabl­es car ne correspond­ant pas aux critères d’investisse­ment ou d’intérêt général. Plusieurs règles doivent donc être prises en compte par les candidats pour que leur projet soit retenu pour la phase finale des votes.

« En premier lieu, il faut se demander si le projet a une utilité sociale, précise Antoine Bézard.

Profite-t-il à une majorité d’habitants du quartier? Sera-t-il réalisable économique­ment? Ne va-t-il pas engendrer de nouvelles dépenses de fonctionne­ment en impliquant la création de postes de personnel? Ensuite, il doit être dans les compétence­s de la collectivi­té, ce qui, pour les habitants, peut être compliqué à déterminer, même si la ville recourt en général au partenaria­t pour pouvoir réaliser les projets. »

Antoine Bézard conseille aussi d’être le plus précis possible sur leur contenu et leur implantati­on, en prenant appui sur des réalisatio­ns existantes. Pour réussir son budget participat­if, il est également recommandé de se saisir des outils mis généraleme­nt à la dispositio­n par les collectivi­tés : ateliers, kits de communicat­ion, modules vidéo qui seront diffusés sur internet…

Il ne faut pas non plus craindre de revoir sa copie.

« Les candidats sont parfois amenés à fusionner plusieurs projets à l’échelle d’un quartier et à les retravaill­er afin qu’ils répondent aux attentes du plus grand nombre, note Marion Barraud. Une nécessité dans certaines villes, comme Rennes, qui reçoivent de 300 à 400 projets par an !

LE VOTE DES HABITANTS

Enfin, il revient aux porteurs des projets de retenir l’attention des votants potentiels. Ils sont donc invités à mener campagne sur les réseaux sociaux, à présenter leur idée dans les quartiers, à distribuer des tracts sur les marchés… « La clé de la réussite ? Être en accord avec les aspiration­s des habitants », expliquent

Clémence Belloir et Chloé Murard. Cofondatri­ce de La Boucle, un lieu de vie au sud de Bordeaux Métropole destiné à la réparation et au réemploi qui englobe recyclerie, atelier de réparation, espace de coworking, activités culturelle­s et café cantine, elles ont décroché la troisième place du premier budget participat­if lancé par la Gironde en 2020. À l’échelle nationale, la participat­ion des habitants aux votes peut sembler encore limitée, quand elle avoisine

7 % de la population en moyenne, et 10 % à Paris. Elle est pourtant plus large que celle enregistré­e lors des processus électoraux, la procédure étant ouverte à tous les citoyens, quels que soient leur nationalit­é et leur âge. Dans le Gers, la participat­ion a même atteint un record en 2019 avec un quart des habitants qui a pris part au vote !

LE FINANCEMEN­T DU PROJET, INDISPENSA­BLE À SA CONCRÉTISA­TION

À l’issue du vote, la collectivi­té s’engage à financer et/ou à réaliser les projets élus, généraleme­nt dans un délai d’un à deux ans. Le montant moyen accordé par les collectivi­tés tourne autour de 6,50 euros par habitant,

selon l’enquête d’antoine Bézard. « C’est Paris qui propose le montant le plus important, avec 45 euros par habitant. Et dans la catégorie des communes de moins de 5000 habitants figure Suaux, en Charente, avec 25 euros pour à peine 400 habitants. » « En Gironde, un plafond de financemen­t a été fixé à 20000 euros pour chaque projet, explique Clémence Belloir. Cette somme vient à point nommé pour compléter les subvention­s obtenues auprès de la région et de l’ademe ». « Au-delà de l’aide financière, les retombées sont extrêmemen­t positives,

complète Chloé Murard. Nous avons reçu le soutien de la ville de Bègles, et nous savons que notre concept est très attendu des citoyens, ce qui va certaineme­nt faciliter la recherche d’un local pour lancer notre activité.»

Pour son prochain budget participat­if, Clermont-ferrand a prévu de limiter le nombre de projets élus. « En revanche, ceux-ci seront de plus grande ampleur, afin de renforcer leur impact sur le quotidien des habitants », note Marion Barraud. Aux collectivi­tés, in fine, de ne pas mettre de côté les porteurs de projets lors de la phase de la réalisatio­n, sous peine de doucher leurs attentes, et de compromett­re ainsi la légitimité du processus.

 ??  ?? Mars 2018, dans le cadre du projet Plus de nature en ville, lauréat du budget participat­if 2016 de Paris, des habitants plantent des arbres au-dessus du périphériq­ue près de la porte de Montreuil. Objectif : créer une forêt de 400 m2.
Mars 2018, dans le cadre du projet Plus de nature en ville, lauréat du budget participat­if 2016 de Paris, des habitants plantent des arbres au-dessus du périphériq­ue près de la porte de Montreuil. Objectif : créer une forêt de 400 m2.
 ??  ??
 ??  ?? Depuis 2019, à Clermont-ferrand, le vote-mégots incite les fumeurs à ne pas jeter leur mégot à terre mais à l’utiliser pour répondre à des questions plus ou moins sérieuses. Ici, place de Jaude.
Depuis 2019, à Clermont-ferrand, le vote-mégots incite les fumeurs à ne pas jeter leur mégot à terre mais à l’utiliser pour répondre à des questions plus ou moins sérieuses. Ici, place de Jaude.
 ??  ?? La municipali­té rennaise appelle ses habitants à voter pour leurs projets préférés (février 2018).
La municipali­té rennaise appelle ses habitants à voter pour leurs projets préférés (février 2018).

Newspapers in French

Newspapers from France