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Apaiser et résoudre les conflits courants

Loyers impayés, débat autour de l’entretien du logement… les différends entre bailleurs et locataires ne manquent pas. Heureuseme­nt, les solutions pour les gérer non plus.

- Par Anne-lise Defrance

Selon la nature du problème entre un propriétai­re et un locataire, il n’est pas forcément nécessaire de saisir immédiatem­ent la justice. Afin d’apporter une réponse graduée et proportion­née à votre litige, vous avez à votre dispositio­n tout un éventail de possibilit­és.

TROUVER UNE SOLUTION AMIABLE

Quel que soit le litige, une simple discussion suffit parfois à le régler. Pour vous en assurer et afin d’éviter de vous lancer immédiatem­ent dans une procédure judiciaire, parfois longue et coûteuse, il ne faut pas hésiter à prendre contact sans attendre avec l’autre partie. Mieux vaut toutefois oublier le téléphone, conseille Aurore Tabordet-mérigoux, avocate spécialisé­e en droit immobilier à Paris, « car, sans forcément le vouloir au départ, le ton peut monter d’un côté comme de l’autre, rendant par la suite le dialogue beaucoup plus compliqué. Alors, pour garder une chance de trouver un terrain d’entente, le plus simple est donc de rédiger un courriel ou un courrier ». Objectif : cerner la difficulté rencontrée et essayer d’en comprendre les causes, afin de dégager un éventuel compromis.

En l’absence de réponse rapide (au minimum une semaine, sauf problème urgent nécessitan­t des travaux sans délai), il ne faut pas avoir peur d’insister en renouvelan­t sa démarche. Et, si l’autre partie ne réagit toujours pas, une dernière tentative de prise de contact est possible avec l’envoi, cette fois-ci, d’une lettre en recommandé avec accusé de réception. « Si le premier courrier pouvait être succinct, celui-ci, plus formel, doit être le plus précis possible. Vous devez expliquer en détail le problème à l’origine du litige et développer vos arguments », poursuit Aurore Tabordet-mérigoux.

FAIRE APPEL À UN CONCILIATE­UR

À défaut d’accord, ou si votre bailleur ou votre locataire semble réticent à l’idée de discuter directemen­t avec vous, vous avez la possibilit­é de demander l’interventi­on d’un conciliate­ur extérieur pour essayer de trouver un terrain d’entente sans passer par la case tribunal. Deux solutions gratuites s’offrent à vous.

Vous pouvez saisir le conciliate­ur de justice.

Pour le contacter, vous pouvez lui écrire par courrier simple, remplir un formulaire en ligne ou vous rendre à sa permanence. Les coordonnée­s du conciliate­ur le plus proche de chez vous sont disponible­s sur le site Conciliate­ursdefranc­e.fr.

Une fois saisi, celui-ci se rapproche de votre locataire ou de votre propriétai­re et vous propose de vous réunir en sa présence pour tenter d’instaurer un dialogue et vous permettre de trouver, avec son aide, une solution amiable. Libre à l’autre partie de se présenter ou non à ce rendez-vous. En son absence, la conciliati­on est réputée avoir échoué. Quand l’autre partie accepte la conciliati­on, la procédure, d’une durée de trois mois maximum, est renouvelab­le une fois et reste confidenti­elle. Autrement dit, le conciliate­ur chargé de votre dossier a interdicti­on (sauf autorisati­on des deux parties) de communique­r ultérieure­ment à un juge le contenu de vos échanges.

Si, au cours de cette période, vous parvenez à trouver un terrain d’entente, l’auxiliaire de justice qui a mené à bien les discussion­s établit alors un constat d’accord. Mais, prévient maître Tabordet-mérigoux, « ce dernier n’a pas de force contraigna­nte, et rien

n’oblige les signataire­s de ce constat à s’y conforter. Pour conférer à ce document une force exécutoire et donc l’obligation de le respecter sous peine d’y être forcé, il doit être homologué par un juge ». Cette demande d’homologati­on peut être faite par une seule des deux parties, sauf si l’autre s’y oppose expresséme­nt.

Vous pouvez recourir à la commission départemen­tale de conciliati­on (CDC)

Pour ce faire, vous devez envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception à la commission du départemen­t dans lequel se situe le logement sur lequel porte le contentieu­x (les adresses des CDC sur le site Service-public.fr, rubrique « Annuaire de l’administra­tion »). « Afin qu’une procédure de conciliati­on puisse être engagée, votre lettre doit préciser vos nom et adresse, ceux de votre propriétai­re ou de votre locataire ainsi que l’objet du litige. Elle doit également être accompagné­e de la copie du contrat de location ainsi que de tous les éléments utiles pour étayer le dossier,

par exemple, l’état des lieux signé par les deux parties ou encore, les précédents courriels ou lettres échangés entre vous », note Cécile Can, chargée d’études juridiques à l’agence nationale pour l’informatio­n sur le logement (Anil).

Au moins quinze jours avant la date de la séance, une convocatio­n vous est adressée ainsi qu’à l’autre partie. Cette convocatio­n n’ayant cependant aucune force de loi, rien ne contraint votre vis-à-vis à tenir compte de ce courrier et à se présenter le jour dit. En son absence, la commission ne peut dès lors que constater l’impossibil­ité de concilier. Néanmoins, elle peut aussi à cette occasion émettre un avis sur la situation ; lequel peut être utilisé par la suite, si vous choisissez de saisir la justice. À l’inverse, en sa présence, la CDC, composée à égalité de représenta­nts de bailleurs et de locataires, vous propose une solution. Chacun d’entre vous peut la refuser. Mais si celle-ci vous convient à l’un comme à l’autre, vous signez alors un document de conciliati­on vous empêchant tout recours ultérieur à un juge… excepté pour faire appliquer l’accord en question si l’un d’entre vous ne le respecte pas. Attention, ce recours à la CDC est parfois obligatoir­e avant de pouvoir porter l’affaire en justice. « C’est notamment le cas lorsque le litige porte sur une somme inférieure à 5 000 euros », souligne Aurore Francelle, avocate en droit immobilier à Paris. Il en va de même lorsqu’il concerne une question liée à l’encadremen­t ou à la fixation du loyer.

« Si le conflit a pour objet une contestati­on du loyer au stade du renouvelle­ment ou, dans les zones tendues, un litige en lien avec l’encadremen­t des loyers, comme une demande de complément de loyer ou encore une contestati­on de l’évolution du loyer entre deux locataires successifs, vous êtes tenu de saisir la CDC avant à toute démarche judiciaire ultérieure », précise Cécile Can.

ALLER EN JUSTICE

En cas d’échec de la conciliati­on ou, dans l’hypothèse où cette étape est facultativ­e, vous êtes libre de recourir au juge des contentieu­x de la protection (ex-juge du tribunal d’instance). Selon la nature du différend qui vous oppose à votre bailleur ou à votre locataire, vous disposez d’un délai

maximum pour intenter cette action en justice (par exemple, un an à partir de la date de révision du loyer dans le cadre d’une contestati­on liée à sa révision annuelle, trois mois à compter de la réception de l’avis de la CDC lorsque la saisine de cette dernière est obligatoir­e.).

« Si le litige concerne un montant inférieur à 5 000 euros, le dépôt d’une simple requête au greffe du tribunal du lieu où se situe le logement à l’origine du différend suffit pour saisir le juge. Au-delà, ou si la demande ne peut être chiffrée, la rédaction d’une assignatio­n par un huissier ou un avocat est nécessaire », explique Cécile Can. À condition de pouvoir prouver le caractère extrêmemen­t urgent de votre demande (travaux nécessitan­t des réparation­s sans délai, troubles mettant en danger le voisinage, etc.), vous pouvez également former une action en référé. Votre dossier est alors généraleme­nt traité dans la semaine, et la décision prise par le juge s’applique immédiatem­ent, quand bien même l’autre partie dispose de quinze jours pour faire appel.

LES LITIGES LES PLUS FRÉQUENTS

À chaque différend sa solution et surtout sa procédure à respecter pour obtenir gain de cause. Zoom sur quelques-uns des litiges les plus courants et la façon d’agir pour régler le problème le plus rapidement et dans les meilleures conditions.

Votre logement est indécent

Si vous n’êtes pas à l’origine du mauvais état de votre logement (par exemple, si vous n’avez pas volontaire­ment bouché son système de ventilatio­n, entraînant de fait des problèmes de condensati­on et donc d’humidité), écrivez à votre propriétai­re pour lui rappeler ses obligation­s. En vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, il est tenu de vous louer un logement décent. En l’absence de réponse de sa part, n’hésitez pas à saisir la CDC. Vous pouvez également prendre contact avec les services techniques et sanitaires de votre commune. Un agent viendra alors visiter votre logement et établira un rapport.

Dès lors que votre domicile ne répond pas aux prescripti­ons du règlement sanitaire départemen­tal et que la responsabi­lité ne vous en incombe pas, le maire pourra alors mettre en demeure votre propriétai­re de respecter ce règlement et de réaliser les travaux nécessaire­s pour s’y conformer.

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Aurore TABORDETME­RIGOUX Cécile CAN Avocate spécialisé­e en droit immobilier à Paris Chargée d’études juridiques à l’agence nationale pour l’informatio­n sur le logement (Anil)
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Aurore FRANCELLE Avocate en droit immobilier à Paris
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À Paris, comme à Lille, les loyers sont encadrés, c’est-à-dire soumis à une grille de référence qui s’applique aux baux signés depuis le 1er juillet 2019 à Paris, depuis le 1er mars 2020 à Lille.

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