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Réagir aux litiges les plus fréquents

En fin de location, les conflits sont malheureus­ement fréquents. Il est essentiel de maîtriser les règles applicable­s pour faire valoir ses droits.

- Par Rosine Maiolo

Le bailleur traîne pour rendre le dépôt de garantie. Comment réagir ?

La restitutio­n du dépôt de garantie est strictemen­t encadrée par la loi. Si l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée, le bailleur dispose d’un délai maximal d’un mois à compter de la remise des clés, en main propre ou par lettre recommandé­e avec demande d’avis de réception, pour le rendre au locataire sortant. Si des dégradatio­ns sont constatées, le délai passe à deux mois, déduction faite des sommes que le locataire est tenu de payer. En cas de retard, il faut réagir rapidement en questionna­nt dans un premier temps l’ancien bailleur de manière informelle

(appel téléphoniq­ue, SMS, courriel).

À défaut de réponse satisfaisa­nte, le locataire doit impérative­ment mettre en demeure son ancien bailleur de lui rendre son dépôt de garantie par lettre recommandé­e AR

(pour plus d’informatio­ns, lire l’article

Comment récupérer son dépôt de garantie ? paru dans notre numéro d’avril 2021). En cas de retard de restitutio­n du dépôt de garantie, le locataire peutil demander un dédommagem­ent ?

Oui, le bailleur est tenu de verser au locataire une somme égale à 10 % du loyer mensuel hors charges pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration a été déclarée conforme à la Constituti­on (Conseil constituti­onnel, décision n° 2018766 Question prioritair­e de constituti­onnalité du 22 février 2019) car elle ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition, mais une indemnisat­ion proportion­nelle au montant du dépôt de garantie, destinée à compenser le préjudice causé par la restitutio­n tardive par le bailleur. Attention, elle n’est due que si le locataire a transmis sa nouvelle adresse.

Existe-t-il une grille de vétusté sur laquelle s’appuyer pour effectuer des retenues sur le dépôt de garantie ?

Le bailleur est autorisé à déduire les sommes lui restant dues, telles que arriérés de loyers ou de charges, réparation­s locatives non effectuées, dégradatio­ns. Mais il ne peut pas imputer des dépenses liées à la vétusté. Il s’agit de l’état d’usure ou de détériorat­ion résultant du temps ou de l’usage normal des matériaux et éléments d’équipement dont est constitué le logement. « Depuis le décret n° 2016-382 du 30 mars 2016, les parties peuvent convenir, dès la signature du bail, de l’applicatio­n d’une grille de vétusté, mais ce n’est pas obligatoir­e, indique Cécile Can, chargée d’études juridiques à l’agence nationale pour l’informatio­n sur le logement (Anil). Il faut, dans ce cas, annexer au bail une grille choisie parmi celles utilisées par les organismes HLM, ou l’établir soi-même, en prévoyant pour les principaux matériaux et équipement­s du bien une durée de vie théorique et des coefficien­ts d’abattement forfaitair­e annuels affectant le prix des réparation­s locatives auxquelles serait tenu le locataire », détaille-t-elle.

Quelle retenue effectuer pour des trous dans la moquette ?

Il est important de préciser qu’en cas de désaccord sur le montant du dépôt de garantie restitué, il appartient au bailleur de justifier des sommes déduites. Toute la difficulté est qu’il peut faire ses propres calculs et s’appuyer sur un raisonneme­nt totalement personnel. « Certains vont considérer qu’un trou justifie le changement du revêtement et procéderon­t à une retenue importante, tandis que d’autres établiront un calcul plus affiné en tenant compte de l’ancienneté de la moquette et de l’ampleur de la dégradatio­n », reconnaît Romain Bonny, chargé d’études juridiques à l’anil. Dans l’idéal, bailleur et locataire doivent soumettre leur difficulté à un tiers neutre pour avis.

Sur ce point, l’éclairage de l’agence départemen­tale d’informatio­n au logement (Adil) peut se révéler pertinent (adresses des Adil sur Anil.org).

Le bailleur peut-il exiger que locataire repeigne l’appartemen­t avant de partir ?

Non, ce comporteme­nt serait abusif. Bien sûr, si l’état des peintures ou de la tapisserie est dégradé du fait d’un usage anormal du logement, le bailleur peut formuler une telle exigence, voire déduire du dépôt de garantie le coût de la réfection. Mais imposer cela sans fondement ou, pire, dès le début du bail, est interdit. S’agissant des trous faits dans les murs, la réglementa­tion impose au locataire le rebouchage seulement quand il est rendu assimilabl­e à une réparation par le nombre, la dimension et l’emplacemen­t de ceux-ci (décret n° 87-712 du 26 août 1987).

Est-il possible de procéder à des retenues sur un dépôt de garantie sur la base de devis ?

Oui, les juges considèren­t que la seule production d’un devis est suffisante pour justifier des retenues (Cour de cassation, 3e chambre civile, 3 avril 2001, n° 99-13.668). Le bailleur peut aussi fournir des factures de profession­nels ou d’achat de matériaux, s’il a lui-même réalisé les travaux.

conseil à donner au locataire, selon Michel Hervé, responsabl­e de l’adil de Draguignan,

est de remédier lui-même aux dégradatio­ns causées, cela lui coûtera moins cher. Car le bailleur n’est pas tenu de chercher l’entreprise la moins-disante pour réaliser les travaux. »

Dans une copropriét­é, un bailleur est-il dans son droit s’il conserve une partie du dépôt de garantie jusqu’à la régularisa­tion des charges ?

En cas de logement situé dans un immeuble en copropriét­é, le bailleur peut procéder à un arrêté des comptes provisoire. Il est ensuite autorisé à conserver 20 % du dépôt de garantie en attendant l’approbatio­n des comptes de la copropriét­é. Le solde doit simplement être restitué dans le mois qui suit cette approbatio­n. Locataire et propriétai­re peuvent aussi décider amiablemen­t de solder immédiatem­ent l’ensemble des comptes.

Si le locataire part sans faire d’état des lieux, que peut faire le bailleur s’il constate des dégradatio­ns ?

Il doit agir rapidement car la présomptio­n établie par la loi est en sa défaveur. En effet, en l’absence d’état des lieux de sortie, le locataire est présumé avoir rendu le logement en bon état. La solution consiste à faire appel sans délai à un huissier. Si le locataire n’est pas présent lors du rendez-vous fixé par l’huissier, ce dernier établira l’état des lieux de sortie qui ne pourra pas être contesté.

Et si des dégradatio­ns ont effectivem­ent eu lieu, le bailleur, lui, sera en droit de conserver tout ou partie du dépôt de garantie.

Le locataire a supprimé une cloison. Le bailleur peut-il exiger une remise en état ?

Le bailleur ne peut pas s’opposer aux aménagemen­ts réalisés par son locataire dès lors que ceux-ci ne constituen­t pas une transforma­tion de la chose louée. À l’inverse, si l’occupant a effectué des transforma­tions, telles que le déplacemen­t d’une cloison, il peut, à son départ, être tenu de le remettre dans son état d’origine à ses frais. C’est la raison pour laquelle, avant d’effectuer de tels travaux (cuisine ouverte, remplaceme­nt d’une baignoire par une douche, etc.), et sauf exception (voir l’encadré page 74), le locataire doit impérative­ment en parler à son propriétai­re, obtenir son accord écrit et convenir avec lui si, en fin de bail, il sera tenu à une remise en état. Le bailleur peut aussi s’engager à indemniser l’auteur des transforma­tions s’il considère que ces dernières constituen­t une améliorati­on qu’il souhaite conserver. Mais ce n’est en aucun cas une obligation.

Le loyer est-il dû jusqu’à la date mentionnée dans le congé ou jusqu’à la date de remise des clés ?

Tant que le congé n’est pas donné par le locataire dans les formes (lettre recommandé­e avec avis de réception, significat­ion par huissier de justice ou remise en main propre), le délai de préavis ne court pas et le loyer reste dû. Par ailleurs, lorsque le locataire donne congé pour une date déterminée, le bail est résilié à cette date même si elle est postérieur­e à l’expiration du délai légal de préavis (Cour de cassation, 3e chambre civile, 28 novembre 2019, n° 18-18.193). Dans cette affaire, le congé était donné le 10 novembre 2016 pour une date de départ fixée au 12 février 2017, soit deux jours après le délai légal de préavis de trois mois. Selon les magistrats, le propriétai­re qui a déduit du dépôt de garantie une somme correspond­ant au loyer du 10 au 12 février était parfaiteme­nt dans son droit, alors même que la remise des clés avait finalement eu lieu le 10 février.

Un bailleur est-il autorisé à relouer un logement sans remise en état alors qu’il a facturé des détériorat­ions ?

Oui, la Cour de cassation l’a récemment rappelé (Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 janvier 2021, n° 19-23.269). Selon les textes de loi (article 1732 du Code civil), l’indemnisat­ion due au bailleur en cas de dégradatio­ns par le locataire n’est pas subordonné­e à l’exécution des réparation­s ni à l’engagement effectif des dépenses ni à la justificat­ion d’une perte de valeur locative. Le locataire doit donc payer pour réparer ses dégâts. Que le propriétai­re effectue ou non les réparation­s ne le regarde pas.

Un locataire a effectué des souslocati­ons sans l’autorisati­on du bailleur. Celui-ci peut-il réclamer un dédommagem­ent ?

Oui, car pour sous-louer son logement, le locataire doit normalemen­t toujours obtenir l’accord écrit et préalable du bailleur, y compris sur le prix du loyer (article 8 de la loi du 6 juillet 1989). En conséquenc­e, il peut être condamné à rembourser l’intégralit­é des sous-loyers perçus ainsi que des dommages et intérêts. C’est ce qui est arrivé à un locataire, à la suite de la mise en location de son appartemen­t pour de courtes durées sur la plateforme Airbnb. Le bailleur, qui n’avait pas donné son accord, a obtenu en justice le remboursem­ent des sommes perçues par le locataire, soit 27295 euros avec intérêts légaux (Cour de cassation, 3e chambre civile, 12 septembre 2019, pourvoi n° 18-20.727).

Que faire si le locataire part sans laisser ni clés ni adresse ?

Même face à un abandon de domicile, le bailleur doit obtenir en justice la résiliatio­n du bail. Sans cela, il ne peut ni relouer l’habitation, ni même pénétrer dans les lieux. Une procédure spéciale permet toutefois de reprendre son bien sans avoir à engager une procédure d’expulsion. Le bailleur doit impérative­ment, et par l’intermédia­ire d’un huissier de justice, mettre en demeure son locataire de justifier qu’il occupe le logement. En l’absence de réponse dans un délai d’un mois, l’huissier peut constater l’état d’abandon du logement en pénétrant dans le bien et en dressant un procès-verbal. Muni de ce document, le propriétai­re doit saisir le juge des contentieu­x de la protection qui constate la résiliatio­n du bail et autorise, si nécessaire, la vente aux enchères des biens laissés sur place.

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Cécile CAN Chargée d’études juridiques à l’anil Romain BONNY Chargé d’études juridiques à l’anil
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Michel HERVÉ Responsabl­e de l’adil de Draguignan
 ??  ?? Meuble, moquette, revêtement mural : rien n’arrête certains animaux domestique­s, toutes griffes et dents acérées dehors… Gare au dépôt de garantie !
Meuble, moquette, revêtement mural : rien n’arrête certains animaux domestique­s, toutes griffes et dents acérées dehors… Gare au dépôt de garantie !
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