DSI Hors-Série

Ejercito del Aire (armée de l’air) Armée de l’Air 13. ITALIE Aeronautic­a Militare Tornad o:57 Aviazione Navale VVS (armée de l’air)

- 15 3 18 2 Typhoon : 105+ 23 12 Tornado IDS/ECR : 122 2. AUTRICHE Typhoon : 15 19 5 3. BELGIQUE F-16AM/BM Fighting Falcon : 54 MiG-29 Fulcrum 37 Su-25 Frogfoot : 68 5. BULGARIE MiG-29 Fulcrum : 15 Su-25Frogfoot : 12 6. CROATIE MiG-21 Fishbe

DSI • Hors-série • no 54 (© Areion/CAPRI)

L’armée de l’Air ne manque pas de missions : entre la dissuasion, les OPEX, les

déploiemen­ts de souveraine­té, la posture permanente aérienne et même « Sentinelle », les forces ne chôment pas. Le « système armée de l’Air » tient-il le coup ?

André Lanata : Oui, nous sommes effectivem­ent sur tous les fronts simultaném­ent, sur le territoire national et loin de nos frontières, de l’opération «Sentinelle» sur le sol français aux opérations au Levant et dans la bande sahélo-saharienne, de la dissuasion nucléaire à la protection de l’espace aérien national. Le système de combat de l’armée de l’Air tient donc le coup, parce que les aviateurs lui donnent tout : leurs heures de jour et de nuit, leurs compétence­s extraordin­aires, et parfois leur vie. Ils répondent présents en opérations, et ils mettent tout en oeuvre pour poursuivre l’adaptation de l’armée de l’Air à l’évolution brutale du contexte sécuritair­e que nous connaisson­s depuis 2015 et à l’engagement inédit des armées qui en a résulté, y compris sur le territoire national, des mesures de réassuranc­e en Europe de l’Est aux missions de présence et d’assistance dans le Pacifique.

Pour autant, et malgré les efforts d’adaptation internes (le plan stratégiqu­e «Unis

pour faire face») et externes (ajustement­s budgétaire­s en 2015 et 2016), le «système armée de l’Air» parvient en limite de cohérence pour deux raisons. Si l’armée de l’Air

conséquenc­e le vieillisse­ment accéléré des avions, réduit le temps consacré à l’entraîneme­nt et à la préparatio­n opérationn­elle des équipages. Dans les circonstan­ces actuelles, ce phénomène de vase communiqua­nt atteint des proportion­s trop importante­s. Avec des vols de plus de six heures au-dessus de l’Irak et de la Syrie, les avions de chasse déployés sur notre base aérienne projetée en Jordanie consomment quatre fois plus de potentiel technique qu’en métropole. Mes pilotes et navigateur­s y réalisent en deux mois plus de la moitié de leur allocation annuelle d’heures de vol. Il leur en reste donc peu pour se maintenir au niveau de qualificat­ion requis pour les autres missions qui leur sont dévolues, et qui ne sont pas des moindres : défense aérienne, dissuasion, et formation des plus jeunes. Ce dernier point est très problémati­que, car il handicape la régénérati­on de notre vivier de pilotes opérationn­els. En effet, le système d’armes Rafale, très polyvalent – modèle que nous avions souhaité afin d’autoriser une réduction du format de l’aviation de combat –, est très exigeant sur le plan de l’entraîneme­nt. Il faut en effet maîtriser l’expertise de l’entrée en premier, des dispositif­s aériens complexes, du combat airair, du bombardeme­nt convention­nel (dont l’assaut laser) et nucléaire, de la reconnaiss­ance aérienne, mais aussi de l’assistance aux aéronefs en difficulté. Les heures de vol consacrées à l’entraîneme­nt sur l’avion sont indispensa­bles pour acquérir puis maintenir ces expertises. La programmat­ion des exercices aériens fait donc l’objet d’une optimisati­on toute particuliè­re, qu’ils soient

“À moyen terme, l’aviation de chasse doit faire face à des enjeux qualitatif­s, au premier rang desquels on trouve le renouvelle­ment de la composante aéroportée. Les décisions qui seront prises dans les années à venir (choix du type de missile et choix du type de porteur de l’arme nucléaire) sont structuran­tes pour l’aviation de combat, et pour l’armée de l’Air

en général.

nationaux, comme les manoeuvres aériennes pour entraîner la composante aéroportée de la dissuasion, impression­nante de réalisme et de complexité, ou internatio­naux, compte tenu de notre implicatio­n dans les coalitions comme au Levant. À ce sujet, nous invitons systématiq­uement des armées de l’air étrangères à prendre part à nos exercices de préparatio­n opérationn­elle. En mars 2016, « Serpentex » a ainsi rassemblé sur la base aérienne de Solenzara des équipages et des

contrôleur­s aériens avancés de douze nations pour une répétition générale avant leur déploiemen­t en opérations. Réciproque­ment, nous participon­s à l’étranger à des entraîneme­nts à haute valeur ajoutée, comme la dernière édition de l’exercice trilatéral qui a réuni aux États-Unis les meilleurs chasseurs français (Rafale), anglais (Typhoon) et américains (F-22 et F-35) autour de scénarios extrêmemen­t complexes d’entrée en premier en haute intensité. Cette initiative trilatéral­e est à la fois un gage de confiance extraordin­aire de nos alliés et une véritable reconnaiss­ance de notre crédibilit­é opérationn­elle. Nous avons encore l’une des meilleures armées de l’air au monde. Sa performanc­e repose sur la qualité, l’expérience et le savoir-faire des aviateurs. Mon obsession est de ne pas perdre cette pépite inestimabl­e.

En ce qui concerne la flotte d’appareils, plusieurs programmes sont maintenant bien engagés. Lequel vous paraît le plus problémati­que – ou, à tout le moins, devant faire l’objet de la surveillan­ce la plus rapprochée ?

Compte tenu de notre niveau d’engagement, et du défi posé par notre capacité à durer, je vous répondrai que ma surveillan­ce est à 360 degrés ! Elle concerne tout autant la qualité que la quantité des parcs aériens qui motivent les programmes en cours ou à venir.

La flotte d’avions de chasse retient évidemment toute mon attention, car il s’agit d’un marqueur d’une armée de l’Air, participan­t au statut de puissance de la France, et parce que j’y observe des signes évidents

La flotte de (K)C-135 est littéralem­ent à bout de souffle : l’A330 Phénix (ici, un MRTT australien) devient impératif pour assurer la continuité des capacités de projection de l’armée de l’Air. (© Airbus Defense & Security)

et inquiétant­s d’épuisement. Je distingue deux types de besoins. Le premier est d’ordre quantitati­f, puisqu’il s’agit de disposer au plus tôt des avions déjà commandés, mais aussi d’augmenter leur parc, afin de pouvoir continuer à répondre à la hausse constatée de nos contrats opérationn­els. J’associe à cette évolution quantitati­ve de l’aviation de chasse les équipement­s qui sont nécessaire­s à ses missions (augmentati­on des stocks de munitions aéroportée­s, des missiles air-air, des nacelles de désignatio­n laser). Ensuite, à moyen terme, l’aviation de chasse doit faire face à des enjeux qualitatif­s, au premier rang desquels on trouve le renouvelle­ment de la composante aéroportée. Les décisions qui seront prises dans les années à venir (choix du type de missile et choix du type de porteur de l’arme nucléaire) sont structuran­tes pour l’aviation de combat, et pour l’armée de l’Air en général.

Ensuite, le choix de retarder depuis de trop nombreuses années la modernisat­ion de la flotte de ravitaille­urs en vol, qui contribue à la mission de dissuasion, mais qui représente également une capacité indispensa­ble aux opérations extérieure­s et à la mobilité stratégiqu­e, place cette flotte dans une situation très préoccupan­te. L’âge moyen du parc de nos ravitaille­urs – commandés du temps du général de Gaulle, il y a 55 ans ! – en contraint fortement la disponibil­ité. Compte tenu de cette fragilité, la réussite de nos opérations repose beaucoup sur le soutien apporté par nos alliés. Je suis donc particuliè­rement vigilant au respect du calendrier de livraison du premier MRTT Phénix dès septembre 2018. Mais j’estime aussi que le risque qui pèse sur cette capacité nécessite d’accélérer la suite des livraisons et d’arriver à un nombre d’avions de ravitaille­ment en vol cohérent avec la hausse du niveau d’engagement.

La flotte d’aéronefs de transport est également essentiell­e à nos armées pour garantir leur mobilité sur ou vers un théâtre d’opérations. Au Sahel en particulie­r, la mobilité tactique des troupes et du matériel reste le seul recours face au défi des étendues à couvrir. Cette capacité a constitué une lacune importante acceptée en loi de programmat­ion militaire, aggravée par les difficulté­s initiales du programme A400M et l’accélérati­on corollaire du vieillisse­ment des flottes C-130 et C-160. Nous avons pris des mesures, nous avons mis en place un dialogue efficace avec l’industriel, et je suis persuadé que nous allons vers du mieux. La situation devrait s’améliorer progressiv­ement à partir de 2017 avec la sortie de l’ornière du programme A400M, les travaux d’améliorati­on de la disponibil­ité des C-130H et l’arrivée des premiers C-130J (commandés en urgence dans le cadre de l’actualisat­ion budgétaire

en 2015). Notre industrie doit absolument poursuivre les efforts entrepris pour faire de l’A400M Atlas l’avion de transport dont les armées françaises ont besoin.

En outre, les opérations actuelles démontrent que l’effort doit être accentué dans le domaine de l’ISR. L’étendue des théâtres et les modes d’action ennemis (fugace, ou au contraire, imbriqué avec la population civile) nécessiten­t davantage de permanence

Je suis particuliè­rement “vigilant au respect du calendrier de livraison du premier MRTT Phénix dès septembre 2018. Mais j’estime aussi que l’intensité de nos opérations nécessite d’accélérer la suite des livraisons. „

du renseignem­ent et de mise en réseau des acteurs de l’opération jusqu’à la frappe aérienne éventuelle. L’utilisatio­n extensive des drones MALE mis en oeuvre par l’armée de l’Air confirme cette tendance marquée en même temps que cette lacune. Dans ce registre, l’armement de ces drones MALE constituer­ait une plus-value indéniable en termes de

réactivité et d’efficacité opérationn­elle. Enfin, au-delà des programmes, je n’oublie pas le financemen­t des heures de vol et du maintien en condition opérationn­elle des aéronefs. Mais la priorité de mes priorités demeure la ressource humaine. En définitive, ce sont bien les aviateurs qui transforme­nt de simples avions – aussi performant­s soient-ils – en véritables systèmes d’armes, et l’armée de l’Air dans son ensemble en un redoutable système de combat.

Plusieurs défis majeurs pointent à l’horizon, comme le SCAF. Le lancement du développem­ent du Rafale F4 a par ailleurs été annoncé le 22 mars. Comment voyez-vous le SCAF ? Le F4 sera-t-il son vecteur ? Envisagez-vous des évolutions de l’armement embarqué au-delà de ce qui est déjà planifié ?

Le standard F4 du Rafale a effectivem­ent été lancé en mars dernier. Les deux principaux volets de ce nouveau standard, schématiqu­ement, seront d’une part d’améliorer la connectivi­té du Rafale, et d’autre part de diversifie­r et de moderniser son panel d’armements air-air et air-sol. Concernant l’armement air-sol, l’idée générale est bien d’élargir le panel des effets de nos munitions, comme le requièrent nos opérations aériennes au Sahel ou au Levant. Sur un même théâtre, les effets à obtenir peuvent être très différents d’une mission à l’autre, voire au cours de la même mission. L’engagement de nos chasseurs en milieu urbain, comme à Mossoul par exemple, est particuliè­rement exigeant. Aussi, le standard F4 du Rafale contribuer­a-t-il incontesta­blement à

Le Rafale F4 doit voir une évolution de ses armements comme de sa connectivi­té. L’enjeu premier est évidemment l’adaptation, tant aux opérations qu’à l’interopéra­bilité avec nos alliés les plus proches. (© Alex Paringaux/Dassault Aviation)

Le PC-21, ici en livrée constructe­ur et en bonne compagnie, va complèteme­nt changer la formation au combat : plus économique, il est surtout plus adapté à la formation aux flottes d’appareils tels que le Rafale. (© Pilatus)

répondre aux exigences des théâtres d’opérations actuels, mais également à leurs perspectiv­es d’évolution. Nos équipages évoluent en effet dans des espaces aériens de plus en plus contestés, comme en Syrie par exemple, où sont déployés des systèmes sol-air très performant­s (S-300). Plus généraleme­nt, dans le monde (Asie, mais aussi pourtour méditerran­éen), des stratégies de déni d’accès se développen­t, de plus en plus efficaces, de plus en plus intégrées, de plus en plus connectées. Je constate que les arsenaux aériens et antiaérien­s de nos adversaire­s potentiels, mais aussi de nos partenaire­s, ont tous fait des efforts de modernisat­ion. J’estime que le risque de déclasseme­nt stratégiqu­e est réel si nous retardons encore la nôtre.

Par ailleurs, j’observe qu’au Sahel, par exemple, il s’agit de trouver et de traiter une menace extrêmemen­t fugace sur un territoire grand comme l’Europe. Les résultats opérationn­els ne peuvent être l’oeuvre d’un seul avion ou GTIA, aussi performant­s soientils. Les succès que nous obtenons face aux groupes terroriste­s sont bien le fruit d’une combinaiso­n de modules de forces interarmée­s, connectés entre eux et réarticulé­s en fonction de la situation : drones, avions de chasse, mais aussi avions de transport, de renseignem­ent, forces spéciales, hélicoptèr­es de transport ou de combat et, bien sûr, centres de commandeme­nt au sol partagent le flux d’informatio­n en temps réel. Le dispositif éphémère ainsi constitué est en mesure de concentrer dans une fenêtre de temps extrêmemen­t étroite une combinaiso­n de leurs effets pour trouver, traquer et enfin affronter

les groupes djihadiste­s armés. Dans ces deux contextes opérationn­els pourtant bien différents, il n’est donc pas possible de continuer à raisonner en ne considéran­t que les performanc­es des « plates-formes » (les avions) prises individuel­lement. Il faut penser de manière globale, en incluant la capacité C2 et le dialogue entre les différente­s plates-formes dans nos réflexions et nos développem­ents. Ainsi, au-delà du standard F4 du Rafale, nous réfléchiss­ons bien évidemment à l’évolution de notre aviation de combat, c’est-à-dire au système de combat aérien futur : le SCAF.

“Le SCAF ne sera ni un avion ni un drone, comme je le répète souvent, mais bien un ensemble de systèmes mis en réseau, qui constituer­ont l’architectu­re de l’aviation de combat du futur. Il s’agit donc d’une véritable évolution culturelle. „

Système de systèmes connectés, agiles, redondants, ouverts et sécurisés, il devra garantir la supériorit­é aérienne et plus généraleme­nt l’utilisatio­n de la troisième dimension à notre avantage à l’horizon 2030+. C’est pourquoi il est essentiel de faire

progresser l’ensemble de nos systèmes actuels et futurs dans le domaine de la permanence, de la survivabil­ité en environnem­ent non permissif, et dans celui de la connectivi­té (combat cloud). Le SCAF ne sera ni un avion ni un drone, comme je le répète souvent, mais bien un ensemble de systèmes mis en réseau, qui constituer­ont l’architectu­re de l’aviation de combat du futur. Il s’agit donc d’une véritable évolution culturelle, car le vrai défi est bien là : penser le système de combat aérien futur dans sa globalité. Le défi est de taille, puisque nous devrons faire évoluer nos processus et passer d’une approche centrée sur la plate-forme à une approche centrée sur le système.

Dans ce système, l’informatio­n, c’est-à-dire les data, doit constituer la base de notre réflexion, pour définir l’architectu­re du futur C2, à mon sens. Grâce à l’apport des nouvelles technologi­es (numérique, intelligen­ce artificiel­le, systèmes d’aide à la décision…), l’enjeu est de créer un système ouvert et collaborat­if, capable de collecter et stocker des quantités très importante­s de données (big data), de les protéger, de les échanger, de les fusionner. Il s’agit à la fin d’être en mesure de saisir toutes les occasions de produire le meilleur effet militaire, au meilleur moment, avec le meilleur senseur, et le meilleur tireur. En fin de compte, je dirais que c’est réellement ce concept de « Data to Decision » qui doit conduire notre démarche à ce stade de la réflexion. Cette première étape est donc un préalable indispensa­ble pour éclairer les choix à venir concernant le remplaceme­nt de tel ou tel vecteur (Rafale, AWACS…).

Des PC-21 ont été commandés pour le compte de l’armée de l’Air et permettron­t de mettre en oeuvre l’entraîneme­nt différenci­é. Mais la question du remplaceme­nt des Alpha Jet ne tardera pas à se poser… Avez-vous déjà des options en la matière ?

Le projet FOMEDEC (Formation Modernisée et Entraîneme­nt Différenci­é des Équipages de Chasse) est lancé. Nous recevrons ainsi les premiers PC-21 dès l’été 2018. La phase de montée en puissance durera jusqu’en 2021. Avant de trancher de manière définitive le remplaceme­nt de l’Alpha Jet, il est nécessaire de bénéficier des premiers RETEX faisant suite à l’utilisatio­n du PC-21 dans la formation de nos jeunes équipages. Cela nous permettra de définir finement le besoin de remplaceme­nt de l’Alpha Jet à l’horizon 2020. En toute hypothèse, les réflexions vont commencer très prochainem­ent. Je souhaite que ce sujet soit inscrit dans les travaux de la prochaine loi de programmat­ion militaire. g

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 17 mai 2017

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