VENT ARRIÈRE POUR DASSAULT
Le lancement du développement du standard F4 du Rafale a été validé par le ministre
de la Défense le 22 mars dernier, mais assez peu de choses ont été dites à son sujet, en dehors de l’intégration des retours d’expérience et de celle des logiques de réseau avancées. Comment Dassault voit-il le F4 ?
Éric Trappier : La logique de conduite du programme Rafale s’appuie sur des développements continus pour adapter l’appareil, par standards successifs, aux nouveaux besoins définis par les retours d’expérience opérationnels. Le F4 doit permettre de renforcer les capacités du Rafale à opérer seul ou en coalition. Les développements vont porter notamment sur l’évolution des capteurs (performances et modes d’action), sur la prise en compte des progrès attendus des missiles (en particulier AASM ou MICA), sur la motorisation (principalement les calculateurs) et sur l’intégration de nouvelles capacités étendues de travail en réseau (communications sécurisées, interopérabilité, modes d’action, etc.).
Le F4 met l’accent sur l’intégration de systèmes avancés. L’appareil présente-t-il des contraintes structurelles quant à son adaptation à ce standard ? Autrement dit, un retrofit des avions livrés sera-t-il possible ?
Comme pour les standards précédents, les Rafale de l’armée de l’Air et de la Marine déjà en service seront rétrofités, essentiellement par mise à niveau des équipements. L’avion a
Avec Éric TRAPPIER
Les travaux concernant “le F4 commenceront début 2018 pour une qualification en 2023-2025. Ce nouveau standard sera alors pris en compte pour les offres à venir. „
Essais en vol du démonstrateur de drone Neuron dans un environnement naval. (© Dassault Aviation/Anthony Pecchi)
PDG de Dassault Aviation.
été conçu de base avec une architecture ouverte et des potentialités d’évolution.
Un certain nombre de pays sont engagés dans des appels d’offres où le F-35 est concurrent du Rafale, mais c’est le F3R qui est proposé, là où les Américains indiquent que le F-35 est vecteur des premiers résultats des systèmes de cinquième génération. N’est-il pas plus pertinent de proposer le futur F4 ?
Le standard F3R a été lancé en 2014 pour une qualification en 2018. Il constitue donc la base de notre offre export. Les travaux concernant le F4 commenceront début 2018 pour une qualification en 2023-2025. Ce nouveau standard sera alors pris en compte pour les offres à venir. J’en profite pour dire que nous ne souscrivons pas à la logique du classement des avions par «génération». Il s’agit d’une nomenclature «marketing» forgée par les constructeurs d’outre-Atlantique pour promouvoir leurs produits. Vous remarquerez que c’est toujours un avion américain qui incarne la dernière génération… Cela n’a pas de sens : le Rafale a des capacités que le F-35 n’aura jamais.
Après les contrats passés avec le Qatar, l’Inde et l’Égypte, comment Dassault voit-il ses futurs prospects ? On parle beaucoup de la Malaisie, mais d’autres États sont-ils également suffisamment intéressés pour avoir ouvert des négociations ?
Photo ci-dessus :
Nous sommes en discussion, à différents stades, avec plusieurs pays en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Mais, comme toujours, nous préférons rester discrets sur ces dossiers à caractère confidentiel. Aujourd’hui, le Rafale s’impose comme le meilleur avion de combat au monde. Ses concurrents sont moins polyvalents, plus chers ou difficiles à mettre au point. Certains souffrent des trois défauts à la fois… Le Rafale cumule plus de 30000 heures de vol au combat en Afghanistan, en Libye, au Mali, en Irak et en Syrie. Il a aussi fait ses preuves à l’export. Par ailleurs, la politique de défense de la France est stable et inspire confiance à de nombreux États. Il y a donc toutes les raisons de penser que nous volons vers de nouveaux succès commerciaux.
Le Neuron poursuit ses essais en vol. Ont-ils réservé des surprises, bonnes ou mauvaises ?
Le Neuron a démontré des performances au-delà des prévisions. La première phase du programme a donné lieu à 123 vols d’essai, dont certains à caractère opérationnel, en France, en Italie et en Suède, avec notamment le largage d’une bombe. La fiabilité et le potentiel de l’engin ont encouragé les autorités françaises à commanditer une nouvelle campagne d’essais pour évaluer le Neuron dans un contexte naval : 15 vols ont eu lieu face à des systèmes de détection spécifiques à la Marine et en interaction avec le groupe aéronaval. Le Neuron termine par ailleurs son deuxième séjour dans la chambre anéchoïde de la DGA, à Bruz, pour des mesures exhaustives de furtivité. Les résultats de tous ces essais sont confidentiels ; je peux cependant
“Le Neuron termine son deuxième séjour dans la chambre anéchoïde de la DGA, à Bruz, pour des mesures exhaustives de furtivité. „
vous dire qu’ils sont excellents, à tel point que la DGA souhaite prolonger le programme pour trois ans afin de contribuer à la préparation du futur.
Où en êtes-vous avec le programme FCAS franco-britannique? Est-il menacé par le Brexit ?
Le 5 novembre 2014, Dassault Aviation, BAE Systems et leurs partenaires industriels ont reçu un contrat de la part des gouvernements français et britannique pour réaliser, sur deux ans, une étude conjointe de faisabilité dans le cadre du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) – ou Future Combat Air system (FCAS). Il s’agit d’étudier la composante non pilotée d’un système de combat qui sera complémentaire des appareils en service aujourd’hui. L’étude de faisabilité insiste sur deux points clés :
• le développement de concepts pour un système opérationnel ;
• la maturation des principales technologies nécessaires à un futur système aérien de combat sans pilote à bord (UCAS) à vocation opérationnelle.
Ces travaux préliminaires ont été prolongés d’un an, jusqu’à fin 2017. À cette date doit être
lancée la première phase de développement d’un démonstrateur opérationnel d’UCAS franco-britannique, comme annoncé au sommet d’Amiens en mars 2016. Ce programme s’inscrit dans la continuité des accords de Lancaster House, signés en novembre 2010, qui consacrent un certain nombre de convergences stratégiques entre Paris et Londres en matière de défense. Les deux pays sont en effet les seuls en Europe à maintenir un budget de défense cohérent avec une certaine ambition capacitaire. Malgré le Brexit, les récentes déclarations des autorités britanniques nous incitent à penser que ces accords sont solides et que les coopérations qui en découlent iront à leur terme puisque l’Europe n’est pas concernée : c’est du bilatéral à 100 %.
En mai 2015 était signée la déclaration d’intention autour du drone MALE européen, duquel Dassault est partie prenante. Le dossier a-t-il avancé depuis lors, sachant que le multinational est toujours délicat à gérer ? Avez-vous déjà défini les caractéristiques de la plate-forme ?
Depuis le début du mois de septembre 2016, le développement du drone européen de moyenne altitude et longue endurance MALE RPAS (Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System) est entré dans une nouvelle phase. Le contrat de l’étude de définition du programme, confié à Dassault Aviation, Airbus Defence and Space et Leonardo, a été officialisé à l’occasion d’une réunion présidée par l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement (OCCAR), en présence des représentants des États partenaires du programme (Allemagne, Espagne, France et Italie).
Le MALE RPAS sera un système aérien non habité de nouvelle génération destiné aux missions armées de renseignement, surveillance, ciblage et reconnaissance (ISTAR). Son intégration au trafic aérien et sa certification en vue d’opérer dans le ciel extrêmement dense de l’Europe font partie des principaux objectifs distinctifs de ce programme. L’étude de définition de deux ans est menée conjointement par Dassault Aviation, Airbus Defence and Space et Leonardo, à raison d’une répartition égale des tâches. Ces trois entreprises agissent, par conséquent, en tant que cotraitants. La conclusion de cette étude marquera le coup d’envoi de la phase de développement, prévue en 2018, en vue du vol inaugural d’un prototype en 2023 et de la livraison du premier système à l’horizon 2025. Les exigences opérationnelles sont définies en étroite coopération avec les forces armées des nations partenaires. g
Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 6 avril 2017
Représentation d’un Rafale aux couleurs indiennes. Les perspectives sur ce marché sont encore ouvertes. (© Dassault Aviation)