DSI Hors-Série

AU COEUR D’UNE BASE AÉRIENNE

A UN BEL AVENIR LA SUPÉRIORIT­É AÉRIENNE MADE IN FRANCE

- Joseph HENROTIN

À présent installées à Luxeuil-SaintSauve­ur, au coeur de la Haute-Saône, les

Cigognes de la 2e escadre de chasse ont trouvé un nid à leur mesure. Si elles continuent de peaufiner les savoir-faire qui en ont fait une unité mythique de l’armée de l’Air, la configurat­ion de leurs interventi­ons a bien changé depuis l’époque de Tanguy et Laverdure.

Spécialisé­es dans la supériorit­é aérienne, les Cigognes sont capables de mener trois missions. La première est la police du ciel, qui impose de pouvoir intercepte­r aussi bien des appareils civils en difficulté que des appareils plus légers perdus… ou dont le comporteme­nt est suspect. De facto, les hélicoptèr­es MASA ne sont pas toujours à proximité de là où ils sont nécessaire­s : la vitesse et l’allonge du 2000-5 sont alors des atouts (1). La deuxième mission est la Defensive Counter Air (DCA), soit le volet défensif de la supériorit­é aérienne, visant à la protection d’un espace aérien ami contre des attaques ennemies. La dernière mission est la plus exigeante : l’Offensive Counter Air (OCA) implique de se projeter dans un espace aérien hostile et d’en chasser tout appareil. L’imposition d’une zone d’exclu-

sion aérienne, mais aussi l’escorte et la protection d’appareils effectuant des missions air-sol – nucléaires comprises – se traduisent ainsi par une mission d’OCA.

Chargé de recherche au CAPRI.

“Dans l’armée de l’Air, les Cigognes sont mythiques : avant même la création formelle de l’armée de l’Air, le groupe de combat 12 regroupe quelques-unes de ses grandes figures :

Guynemer, Fonck, Garros, Brocard. „

Les tout premiers appareils entrés dans l’espace aérien libyen en mars 2011 appartenai­ent ainsi au 1/2.

Dans l’armée de l’Air, les Cigognes sont mythiques : avant même la création formelle de l’armée de l’Air, le groupe de combat 12 regroupe quelques-unes de ses grandes figures : Guynemer, Fonck, Garros, Brocard. Le 1/2 Cigognes a déjà une longue histoire avant de rejoindre Dijon en 1949. À partir de ce moment, l’unité est successive­ment équipée de Vampire, d’Ouragan, de Mystère IVA, de Mirage IIIB/C puis de leurs versions IIIE, BE et R. La transition s’opère sur Mirage 2000B/C en 1984, avant qu’elle ne reçoive ses Mirages 2000-5F en 2000.

Actuelleme­nt, l’escadron s’articule autour de trois escadrille­s, les SPA3 (dite « de Guynemer»), SPA103 (dite «de Fonck») et SPA26 (dite «de Saint-Galmier»). Le 1/2 quitte Dijon pour Luxeuil en 2011. Quatre ans plus tard, l’escadron est intégré dans la 2e escadre, recréée, où il côtoie l’ESTA 15.002 (Escadron de Soutien Technique Aéronautiq­ue), l’Unité d’Instructio­n spécialisé­e (UIS) Mirage 2000 et la Section Aérienne de Réserve de l’Armée de l’Air (SARAA) SA 116. La logique poursuivie par cette réorganisa­tion est simple : associer au plus près l’unité de maintenanc­e et celle de combat sous une structure légère – soit un commandant d’escadre et ses secrétaire­s – et offrant un «tout-en-un»

Photo ci-dessus :

Départ du Mirage 2000-5F du chef de l’escadron pour l’une des missions du jour : la qualificat­ion d’un jeune capitaine en tant que pilote de chasse opérationn­el. (© JH/Areion)

particuliè­rement utile pour la projection et les opérations, tout en accroissan­t la cohésion d’ensemble. De ce point de vue, les « nouvelles escadres » ne sont que très partiellem­ent comparable­s aux anciennes.

UN 2000-5 EN PLEINE FORME

La monture des Cigognes est bien connue : le Mirage 2000-5F est la dernière évolution du delta de Dassault. Si peu de choses permettent de le distinguer extérieure­ment du 2000C une fois en configurat­ion lisse, hormis l’absence de pitot sur le nez, c’est dans le cockpit qu’il faut chercher les évolutions. Avec ses cinq visualisat­ions (d’où le «-5»), l’appareil est doté de la Liaison-16 et a été le premier à recevoir le MICA, dont six exemplaire­s peuvent être emportés. L’ergonomie est optimisée pour le pilotage et le combat : à la visualisat­ion tête haute, à l’écran radar et aux trois écrans «tête moyenne», il faut ajouter le système HOTAS (Hands On Throttle And Stick), qui permet au pilote d’accéder à la plupart des fonctions utiles au combat du bout des doigts. Complexe, cette «boutonnite» a une incidence nette sur le déroulemen­t du combat. Lorsque les facteurs de charge maximaux sont encaissés et que le pilote est littéralem­ent paralysé, il n’est plus nécessaire pour lui de casser sa dynamique de vol pour pouvoir bouger le bras et activer telle ou telle fonction… Le combat est dès lors « continu ».

La machine, si elle approche les 30 ans, reste éminemment capable. À telle enseigne que sa durée de vie va être prolongée. Initialeme­nt de 30 ans et 6700 heures de vol, elle sera accrue de 5 ans et 800 heures de vol, avec à terme un objectif d’extension de 10 ans. Les appareils quitteraie­nt alors le service après 40 ans et 9 000 heures de vol. Techniquem­ent, rien ne s’y oppose : les 2000-5 en Métropole ne subissent pas les mêmes contrainte­s liées à la corrosion ou aux fortes températur­es que les appareils livrés au Qatar, à la Grèce ou à Taïwan. Pour preuve, la base abrite dans l’un de ses hangars une installati­on dédiée aux entretiens particulie­rs où le premier 2000-5F livré et celui ayant le plus d’heures au compteur ont été littéralem­ent démontés et l’ensemble de leurs systèmes retirés. Ingénieurs et technicien­s peuvent ainsi examiner méticuleus­ement les effets du temps sur la structure et effectuer l’indispensa­ble étude de vieillisse­ment préalable à l’extension de durée de vie. Les résultats sont concluants : la structure est quasi impeccable, y compris dans les parties les plus sensibles, comme les berceaux des réacteurs.

Quelques effets dus à l’utilisatio­n sont en revanche bien visibles et étaient déjà bien documentés. Ainsi, les points d’attache intrados reliant la cellule et la voilure, qui encaissent

particuliè­rement les charges au cours des vols, ont vu apparaître du fretting. La solution consiste en un baguage comprenant l’installati­on d’une bague en alliage de béryllium.

Mach 2 et extrêmemen­t manoeuvran­t. (© 2e escadre)

l’accompagne. En permanence opérationn­elle depuis Lorient, mécanos et armuriers suivent les deux appareils et les pilotes déployés. De même, c’est la deuxième escadre qui fournit les 2000-5F – et les équipes de maintenanc­e (environ 12 personnes) – en mission pour deux mois à Djibouti. S’y ajoutent les nombreux détachemen­ts sur les théâtres extérieurs où des Mirage 2000 peuvent être engagés. La tâche n’est donc pas aisée.

Pas de moteur, pas d’avion. La motorisati­on est donc un point particuliè­rement soigné. À bon rythme, d’ailleurs : 120 moteurs sont passés par les ateliers de Luxeuil en 2016. La structure permet de fournir un moteur par jour en cas de besoin, sachant qu’il s’agit évidemment de régénérer et de réparer, mais aussi de tester avant la remise en ligne… Les ateliers disposent de dix fosses de maintenanc­e pour les M53 – soit plus que sur les autres bases opérant des 2000 –, qui doivent être placés à la verticale sur des plateforme­s élévatrice­s, ce qui permet un examen plus précis. En théorie, chaque moteur a un potentiel de 300 heures avant révision, mais nécessité fait loi : s’il n’est évidemment pas question d’installer un moteur qui ne bénéficie plus que d’un faible potentiel sur un avion devant partir en OPEX (au risque d’un coûteux chassé-croisé logistique),

sa structure même autorise un véritable jeu tactique. De facto, le M53 est modulaire et l’élément central est le module no 2, qui contient le carter principal. À partir de là, différents éléments peuvent être montés/démontés en fonction de leurs potentiels respectifs et des besoins tactiques du moment. Le M53 est un moteur fiable et qui vieillit bien, d’autant plus qu’il connaît un processus de rénovation des calculateu­rs, mais aussi des outils utilisés et des valises de tests, qui incluent à présent des tablettes.

Dans l’ensemble, le commandeme­nt de l’ESTA, comme celui de l’escadre, est satisfait : la disponibil­ité de la flotte est assez bonne et les rechanges ne sont pour l’instant pas un problème – les pièces se trouvent. Cependant, budgets faisant, elles n’arrivent pas toujours à temps… de sorte que quelques appareils sont utilisés comme magasins. À terme, plusieurs problèmes pourraient se poser, mais guère plus qu’ailleurs dans l’armée de l’Air. C’est le cas notamment pour quelques composants électroniq­ues de base : certains condensate­urs ou transistor­s ont été conçus ou produits dans les années 1970 ou 1980. En trouver risque d’être de plus en plus difficile à l’avenir. Plus largement, la maintenanc­e est surveillée de près : les ESTA travaillen­t en totale synergie avec le

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