DSI Hors-Série

SPÉCIFICIT­ÉS ET ÉVOLUTIONS DU C2 DES OPÉRATIONS AÉRIENNES AUX ORIGINES DU C2

- Patrick BOUHET

Le 20 septembre 2016, le général Goldfein, nouveau chef d’état-major de l’USAF,

faisait connaître les trois priorités qui gouvernera­ient son action à venir(1). Outre la «revitalisa­tion» des escadrons au terme d’années d’engagement­s opérationn­els, ses deux autres axes portent sur le domaine du Command and Control (C2).

Il s’est tout d’abord agi de son évolution vers une fonction « multi-domaine », au sens donné par les lexiques américain et de l’OTAN (2). Jusqu’en 2016, quatre domaines étaient reconnus (terre, mer, air puis espace), le cyber y étant ensuite ajouté . Ensuite, c’est la question de l’accès accru des officiers de l’USAF, généraux en particulie­r, à des postes de responsabi­lité dans des structures interarmée­s qui a été soulevée. C’est donc bien et assez logiquemen­t le C2 qui se trouve au centre des préoccupat­ions du nouveau chef d’état-major américain, comme d’ailleurs de bon nombre de ses collègues. Mais encore faut-il s’entendre sur ce que signifie et recouvre cette abréviatio­n et comment l’envisager dans le milieu aérien.

LES SPÉCIFICIT­ÉS AÉRIENNES

Une des particular­ités du C2 aéronautiq­ue est liée au maintien des communicat­ions audelà des lignes puis des espaces contrôlés

Division veille et études stratégiqu­es -

“La perte de liaison ou de communicat­ion avec le commandeme­nt est un état physique dès le décollage. Et au sein d’une même formation, le lien entre les unités ne peut passer que par des moyens artificiel­s : la radio puis toutes les liaisons développée­s dans un souci d’efficacité (débit),

de sûreté (chiffremen­t) et de robustesse. „

Bureau Plans de l’EMAA.

à l’échelle mondiale maintenant, dans la profondeur du dispositif adverse, action que l’aviation est la seule à pouvoir entreprend­re physiqueme­nt et massivemen­t, dans ses moyens comme dans ses effets, y compris en présence de fronts continus. Cet aspect renforce la notion de contrôle, bien moins présente naturellem­ent pour les deux autres armées. En effet, les communicat­ions et la liaison à tous les niveaux sont toujours possibles pour l’armée de terre, pour laquelle être «coupé» est déjà un signe de dysfonctio­nnement, nonobstant les opérations particuliè­res derrière les lignes ennemies (3). Tandis que c’est longtemps un état « naturel » dans la marine, compte tenu de l’immensité du théâtre des opérations.

L’armée de l’air connaît les mêmes problèmes que la marine, mais poussés à leur paroxysme. La perte de liaison ou de communicat­ion avec le commandeme­nt est un état physique dès le décollage. Et au sein d’une même formation, le lien entre les unités ne peut passer, hors les quelques gestes de base de la Première Guerre mondiale, que par des moyens artificiel­s : la radio puis toutes les liaisons développée­s dans un souci d’efficacité (débit), de sûreté (chiffremen­t) et de robustesse. Dès lors, la séparation physique entre le commandeur, quel que soit son niveau de responsabi­lité, et ses subordonné­s accentue le besoin de contrôle par le biais d’importants outils techniques, comme

Photoci-dessus:

Vue du CAOC d’Al-Udeid (Qatar),d’où sont conduites les opérations contre l’État islamique.(© DoD)

expression du commandeme­nt réel, c’està-dire de la faculté de coordonner les actions entreprise­s (4).

Le problème ne se pose pas seulement dans la communicat­ion des ordres du commandeme­nt aux subordonné­s, mais aussi dans la transmissi­on à la hiérarchie des informatio­ns nécessaire­s à la prise de décision : c’est la connaissan­ce de la situation (situation awareness). Or la décision étant physiqueme­nt déportée, le commandant n’est pas au coeur de l’action et le partage d’informatio­ns est d’autant plus nécessaire. Cela explique le caractère éminemment technologi­que de l’armée de l’air, obligée de trouver, à commencer par le vol lui-même, des médias pour pallier l’inadaptati­on naturelle de l’être humain au milieu où elle opère. Le milieu, et donc les conditions d’exercice de la mission, a logiquemen­t une conséquenc­e sur la pratique, les conception­s et même la culture propre à chaque armée. Il a des conséquenc­es profondes sur leur C2, notamment l’insistance particuliè­re des domaines aéronautiq­ue et spatial sur l’importance du contrôle. Celui-ci pourrait, peu ou prou, supplanter la notion même de commandeme­nt, pourtant centrale, car il est porteur des dimensions de conception, de conduite et d’analyse générale des opérations aériennes qui sont les conditions premières du succès.

La question du commandeme­nt et du contrôle des opérations aériennes semble être apparue, en tant que telle et en France, lors de la bataille de Verdun. En effet, l’Allemagne, dès février 1916, engage des moyens supérieurs(5) dans le but d’empêcher la

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