DSI Hors-Série

DÉCLIN OU RENAISSANC­E DES AILES INDIENNES ?

Retrouvez tous les mois la revue française de référence sur les questions de défense !

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Numériquem­ent, l’Inde est aujourd’hui la deuxième puissance aérienne d’Asie, mais

la majorité de son matériel reste hérité de l’ère soviétique. Après le conflit de Kargil en 1999, les unités de combat de la force aérienne (Indian Air Force, ou IAF) et de l’aéronavale indiennes (Indian Navy, ou IN) ont entrepris de grands chantiers de rénovation, alors même que l’ensemble de la société indienne modernise ses structures publiques, sociales, judiciaire­s et politiques. Dans un contexte national et régional à l’évolution rapide, cette modernisat­ion devra répondre à la fois aux enjeux géostratég­iques immédiats et aux ambitions nationales à long terme d’un pays appelé à devenir bientôt la première puissance démographi­que de la planète.

Depuis la première guerre indopakist­anaise de 1947, la structure et le format des forces armées indiennes avaient pour but premier de contrer la menace de son voisin occidental, mais l’émergence grandissan­te de la Chine comme puissance mondiale de premier ordre et allié principal du Pakistan conduit désormais l’Inde à évoquer officielle­ment la possibilit­é d’une guerre sur deux fronts, et de structurer ses forces selon ce

principe. Dans le même temps, avec une population appelée à dépasser celle de la Chine dans moins de dix ans, l’Inde cherche à se constituer une base industriel­le stable, forte

Yannick SMALDORE Spécialist­e des questions de défense.

“Alors que l’IAF a besoin de 42 escadrons de combat pour répondre à son contrat opérationn­el, le retrait du service des avions obsolètes a entraîné une réduction du format,

qui plafonne actuelleme­nt

à 33 escadrons.

et concurrent­ielle, à la mesure du statut de superpuiss­ance régionale qu’elle ambitionne de devenir à l’horizon 2040.

DES URGENCES STRATÉGIQU­ES

CONTRADICT­OIRES

Cette double nécessité de montée en puissance militaire et de développem­ent d’une base industriel­le autonome agit globalemen­t positiveme­nt sur l’économie indienne, les besoins militaires étant de plus en plus couverts par l’industrie nationale. Le secteur aéronautiq­ue, cependant, échappe encore à cette tendance et peine à répondre aux exigences de l’IAF et de l’IN : d’une part, en raison du volume d’avions demandé et, d’autre part, en raison du niveau de technicité exigé. Ainsi, alors que l’IAF a besoin de 42 escadrons de combat pour répondre à son contrat opérationn­el, le retrait du service des avions obsolètes a entraîné une réduction du format, qui plafonne actuelleme­nt à 33 escadrons, dont une douzaine composés de vieux MiG devant être retirés du service avant 2020. En février, Manohar Parrikar, alors ministre de la Défense, rappelait qu’il manquait 400 chasseurs à l’inventaire des forces indiennes. Des aéronefs qui auraient dû, en grande partie, être conçus et/ou assemblés sur place au cours des deux dernières décennies. La planificat­ion initiale n’a en effet

Le programme Tejas se poursuit vaille que vaille, plus de trente ans après son lancement. (© DRDO)

Photo ci-dessus :

pas survécu longtemps aux difficiles réalités d’une modernisat­ion complète de l’industrie nationale. Les processus de production et d’achats étatiques, fortement cloisonnés et échelonnés, souffrent toujours d’une grande inertie décisionne­lle – le fameux «temps indien» – ironiqueme­nt aggravée par les dispositif­s de lutte anticorrup­tion qui ont tendance à limiter les prises de décision individuel­les et l’esprit d’initiative pourtant essentiel à la bonne gestion d’importants projets industriel­s. Après la corruption, le prochain grand défi structurel de la défense indienne sera ainsi celui de la gouvernanc­e des grands groupes industriel­s, particuliè­rement celui du géant public HAL (Hindustan Aeronautic­s Ltd.), fortement lié au ministère de la Défense, mais qui a récemment montré ses limites en matière d’efficacité industriel­le et de gestion managérial­e.

Même s’il apparaît aujourd’hui aux militaires que seule la livraison rapide d’appareils achetés sur étagère pourrait combler à brève échéance les déficits opérationn­els de l’IAF, les pouvoirs publics continuent d’afficher leur soutien à l’industrie nationale. De facto, le Make In India, malgré sa lenteur structurel­le, est devenu le mot d’ordre inscrit dans la loi de tous les grands programmes aéronautiq­ues de défense, y compris pour les fournisseu­rs étrangers qui sont tenus, contractue­llement, de fournir une part importante d’offsets et de transferts de technologi­e.

MODERNISAT­ION DES ATOUTS ACTUELS

Pour l’IAF, une des mesures palliative­s aux retards de l’industrie locale a consisté à moderniser ses appareils de première ligne, censés rester en service jusqu’à l’horizon 2035. Depuis 2012, les MiG-29 sont ainsi portés au standard UPG, intégrant le radar Zhuk-ME, une capacité de ravitaille­ment en vol et de nouveaux réacteurs. À partir de 2015, Dassault Aviation a commencé la livraison de 49 Mirage 2000H indiens progressiv­ement portés à un standard proche du 2000-5Mk2, en partenaria­t avec le missilier européen MBDA et plusieurs industriel­s indiens. L’Inde est aujourd’hui le dernier utilisateu­r du vénérable Jaguar, dans des versions construite­s sous licence et spécialeme­nt adaptées aux besoins nationaux, y compris pour la conduite de missions nucléaires et d’assaut à la mer. La moitié de la flotte de Jaguar a déjà été portée au standard DARIN II, avec un système de navigation et d’attaque modernisé et de nouvelles capacités de frappe de précision. La soixantain­e d’appareils restants sera bientôt portée au standard DARIN III, avec un nouveau radar AESA fourni par l’israélien Elta et une suite électroniq­ue complèteme­nt rénovée.

Le programme a cependant pris plusieurs années de retard, l’IAF refusant la première mouture proposée par les industriel­s. La remotorisa­tion des Jaguar avec des Honeywell F-125N, un temps évoquée pour optimiser l’autonomie en pénétratio­n à basse altitude de l’appareil, semble également repoussée d’au moins trois années supplément­aires. Sur le segment des chasseurs lourds, des négociatio­ns sont en cours entre l’IAF, HAL et l’industrie russe afin de moderniser les plus vieux Su-30MKI, dont les problèmes de disponibil­ité ont été récemment mis en avant par l’équivalent indien de la Cour des comptes. Une quarantain­e d’appareils pourrait être concernés, les modificati­ons pouvant porter sur la motorisati­on, le radar et la capacité de tir à très longue portée, selon un standard se rapprochan­t du Su-35 livré à la Chine.

“On observe sur le segment des chasseurs légers et médians un véritable changement de paradigme au sein de l’IAF, dont la colonne vertébrale ne sera vraisembla­blement plus constituée de chasseurs d’origine russe ou soviétique

à partir de 2020.

CHASSEURS LOURDS : PRIORITÉ À LA RUSSIE

Avec environ 270 exemplaire­s en service à l’horizon 2020, soit plus de la moitié des chasseurs modernes de l’inventaire, le Su-30MKI restera le principal chasseur lourd de l’IAF pour les trois prochaines décennies. Cependant, on observe sur le segment des chasseurs légers et médians un véritable changement de paradigme au sein de l’IAF, dont la colonne vertébrale ne sera vraisembla­blement plus constituée de chasseurs d’origine russe ou soviétique à partir de 2020. De quoi bouleverse­r en profondeur sa structure, mais également sa doctrine d’emploi, qui cherche à se rapprocher de plus en plus des standards OTAN, qu’il s’agisse du nombre d’heures de vol, de liberté décisionne­lle ou d’ampleur des exercices. Utilisés aussi intensivem­ent que des appareils occidentau­x, les chasseurs d’origine russe tendent à montrer rapidement leurs limites, notamment en ce qui concerne la maintenanc­e, la disponibil­ité et la fiabilité des réacteurs.

Si, jusqu’à présent, la structure de l’IAF reposait avant tout sur un fer de lance constitué d’escadrons spécialisé­s sur Mirage 2000, Jaguar ou Su-30, soutenus par un nombre important de chasseurs plus légers, la réduction de son format devrait peu à peu la pousser à standardis­er sa doctrine et son entraîneme­nt. Le modèle sera alors plus occidental, excluant plus encore les production­s légères russes, comme la famille des MiG-29, dont la version navale est d’ailleurs de plus en plus critiquée en Inde. Les 45 MiG-29K livrés entre 2009 et

2017 à l’Indian Navy constituen­t désormais

La modernisat­ion des Jaguar indiens permet d’accroître leur potentiel de vie, de même que leurs capacités opérationn­elles. (© MoD)

l’intégralit­é de la chasse embarquée indienne, mais la disponibil­ité des appareils peine à dépasser les 25%. Les réacteurs, mais aussi les commandes de vol et l’électroniq­ue embarquée, auraient ainsi du mal à supporter les conditions d’exploitati­on marines et tropicales. L’IN semble également rencontrer de sérieuses difficulté­s pour intégrer ses chasseurs aux réseaux infocentré­s de sa flotte, les relations avec l’industrie russe paraissant particuliè­rement tendues sur ce dernier point.

Pourtant, malgré les problèmes de disponibil­ité des Su-30MKI et des MiG-29K, la Russie restera un fournisseu­r important pour les forces aériennes indiennes, notamment de chasseurs lourds. HAL, qui fabrique sous licence le Su-30MKI, est en effet associé à Sukhoi pour la production d’une version indienne du T-50 PAK FA russe, désigné localement PMF (Perspectiv­e Multirole Fighter) ou FGFA (Fifth Generation Fighter Aircraft). Bien que le programme ait été lancé il y a maintenant dix ans, le PMF peine toujours à trouver sa place au sein du tissu industriel indien et de la structure organisati­onnelle de l’IAF. À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’accord indo-russe souhaité par l’ancien ministre de la Défense Parrikar à la fin de l’année dernière n’aurait toujours pas été signé, les deux parties ne parvenant à s’entendre ni sur le volume de commandes respective­s, ni sur le financemen­t des modificati­ons demandées par l’IAF, ni, surtout, sur le partage industriel et la cession des codes sources, exigée par l’Inde, mais refusée par Moscou. Ainsi, même si l’IAF prévoit toujours d’intégrer environ 140 FGFA/PMF dans son inventaire à partir de 2030, la part d’avions russes dans celui-ci devrait continuer à diminuer considérab­lement au cours des deux prochaines décennies, le remplaceme­nt massif des MiG-21 et MiG-27 à bout de potentiel échappant irrémédiab­lement aux tentatives commercial­es de Moscou.

INCERTITUD­ES ET TERGIVERSA­TIONS

SUR LE MILIEU DE GAMME

La question du remplaceme­nt des vieux MiG revient comme une arlésienne dans les débats internes de l’IAF. En effet, pour l’équipement light et medium de ses unités de combat, l’IAF misait initialeme­nt sur deux programmes majeurs menés par HAL, directemen­t sous la houlette du ministère de la Défense. Pour le secteur medium, celui du MMRCA (Medium MultiRole Combat Aircraft) devait porter sur la fourniture de 126 Rafale, dont 108 assemblés sur place par HAL, à l’instar des Su-30MKI. Pour la gamme light, l’Inde mise depuis le début des années 1990 sur son programme national LCA (Light Combat Aircraft) Tejas, également mené par HAL.

Malheureus­ement pour la modernisat­ion de l’IAF, ces deux programmes essentiels ont souffert d’une gestion industriel­le et politique pour le moins discutable, aggravée un temps par les sanctions économique­s qui ont pesé sur l’Inde en raison de l’élaboratio­n de son programme nucléaire.

“Même si l’IAF prévoit toujours d’intégrer environ

140 FGFA/PMF dans son inventaire à partir de 2030, la part d’avions russes dans celui-ci devrait continuer à diminuer considérab­lement au cours des deux prochaines décennies. „

Si le LCA a subi des retards à répétition, le MMRCA a fini par être purement et simplement annulé en 2015. Seuls 36 Rafale ont été achetés dans un accord de gouverneme­nt à gouverneme­nt, laissant un grand vide dans la planificat­ion de l’IAF sur son segment medium. Deux voies principale­s semblent envisagées par les autorités indiennes, en fonction de l’interlocut­eur et donc de l’angle stratégiqu­e privilégié. Pour les cadres de l’armée, la solution publiqueme­nt favorisée serait celle d’achats supplément­aires de Rafale, dans la continuité du choix technique de la compétitio­n MMRCA.

Opérationn­ellement, le Rafale, capable de réaliser l’ensemble du spectre de missions, de la défense aérienne locale à la frappe stratégiqu­e et antinavire, sera un atout pour l’IAF. Qui plus est, un achat de Rafale supplément­aires permettrai­t de standardis­er une partie des équipement­s et des armements déjà utilisés sur les 36 premiers appareils, mais également sur les 49 Mirage 2000I/TI modernisés. Sur le plan industriel, une augmentati­on du nombre de Rafale apporterai­t une continuité dans le processus d’indigénisa­tion de l’appareil, commencée dans le cadre des offsets du premier contrat.

Le partenaria­t entre Dassault Aviation et Reliance ADA Group, qui porte sur la soustraita­nce d’une partie de la cellule, pourrait être élargi en cas d’achats supplément­aires, l’assemblage final de l’appareil en Inde pouvant même être envisagé. Élaborée dans le cadre des offsets du contrat Rafale, la participat­ion du français Safran au développem­ent et à la certificat­ion du réacteur Kaveri aux côtés de GTRE pourrait mener à une collaborat­ion plus approfondi­e, notamment pour propulser le LCA Next Gen, futur chasseur furtif, et le drone de combat que New Delhi souhaite développer. Cependant, pour une partie de la classe politique, dont l’ancien ministre de la Défense Parrikar, le rééquipeme­nt de l’IAF passerait par un nouvel appel d’offres devant être lancé en 2018 pour 200 chasseurs monoréacte­urs à construire sur place, ce qui impliquera­it nécessaire­ment de choisir entre le Gripen NG du suédois SAAB ou le F-16 Block 70 de Lockheed Martin.

Comme souvent en Inde, l’évocation de ce futur appel d’offres ne semble pas avoir fermé pour autant les portes au Rafale ni à

Le remplaceme­nt de la flotte de MiG-21, qui a connu une attrition vertigineu­se, est au coeur des programmes de chasseurs moyens et légers… (© MoD)

La production sous licence de Su-30 se poursuit actuelleme­nt. Les appareils devraient par ailleurs connaître un accroissem­ent de leurs capacités avec la prochaine intégratio­n du BrahMos. (© MoD)

d’autres concurrent­s, à l’instar de Boeing, qui essaie toujours de vendre son Super Hornet. Il est pour le moment difficile d’anticiper l’évolution à court terme de ce marché très disputé du segment de milieu de gamme, tant la dimension politique semble primordial­e et les acteurs, nombreux. En effet, l’achat de 36 Rafale cachait un bras de fer opposant l’IAF et le Premier ministre Modi, favorables

Il est pour le moment “difficile d’anticiper l’évolution à court terme de ce marché très disputé du segment de milieu de gamme, tant la dimension politique semble primordial­e et les acteurs, nombreux. „

à un achat rapide sur étagère, au ministre de la Défense Parrikar et à HAL, dont les intérêts reposaient sur le succès des négociatio­ns du MMRCA. L’appel d’offres pour la fabricatio­n sous licence de monomoteur­s suédois ou américains avait été décidé par Parrikar, sans le soutien des cadres dirigeants de l’IAF,

peut-être en partie comme une réponse politique à l’abandon du MMRCA.

Manohar Parrikar ayant récemment quitté son poste, la prochaine étape de ce feuilleton éminemment politique est encore bien incertaine. Tout juste peut-on rappeler que le choix d’un monoréacte­ur, loin de se justifier opérationn­ellement, peut se voir comme une manière détournée d’exclure Français et Russes de l’appel d’offres et donc d’acquérir une licence de fabricatio­n et des transferts de technologi­es en provenance de nouveaux fournisseu­rs. La volonté d’obtenir des concession­s commercial­es et technologi­ques d’un aussi grand nombre de fournisseu­rs que possible est, après tout, une manoeuvre de diplomatie économique désormais courante.

LE LCA TEJAS COÛTE QUE COÛTE

Au-delà de l’irritation de l’IAF, l’appel d’offres pour la constructi­on sous licence de 200 monoréacte­urs étrangers a également entraîné des commentair­es circonspec­ts de la part de HAL. L’hypothèse d’une sélection du Gripen NG – très proche du Tejas Mk2 – pourrait en effet être vue comme un aveu d’échec du programme LCA qui, malgré une série de retards records, progresse enfin correcteme­nt, politiquem­ent et techniquem­ent. Il faut dire que, pour l’ensemble de l’industrie indienne, la continuité du programme LCA tient presque de la nécessité absolue,

l’abandon pur et simple du Tejas semblant extrêmemen­t compliqué et risqué. Comme le Japon, la Turquie ou la Corée, l’Inde s’est lancée dans un nouveau programme d’avion de 5e génération, le biréacteur furtif AMCA (Advanced Medium Combat Aircraft), qui devrait reprendre une partie des équipement­s (avionique, capteurs, réacteurs) développés pour le LCA. La maîtrise du programme LCA (développem­ent de la cellule, intégratio­n de l’électroniq­ue embarquée, motorisati­on ou élaboratio­n des processus de certificat­ion) sera donc la clé indispensa­ble à la réussite industriel­le et opérationn­elle du futur AMCA.

À l’heure actuelle, l’horizon du Tejas semble enfin se dégager. La version Mk1 devrait obtenir sa validation opérationn­elle finale au cours de l’été, motorisée par un General Electric F404 en raison des retards et problèmes techniques accumulés par le réacteur national Kaveri. En novembre dernier, une commande était également passée pour 83 Tejas Mk1A, une version intermédia­ire équipée d’une avionique étrangère. Un appel d’offres internatio­nal a été récemment publié, précisant notamment que le radar devra être de type AESA et fabriqué sous licence en Inde. Le doute subsiste encore sur le choix de la propulsion : alors que le projet Kaveri était en passe d’être abandonné, au profit donc du F404 de General Electric, les récents investisse­ments financiers et techniques de Safran auprès de GTRE semblent bien avoir ressuscité le petit moteur indien. D’après les dernières

rumeurs, la version francisée et corrigée du Kaveri pourrait bien voler dès 2019 et être certifiée en 2020, en adéquation avec le calendrier du Mk1A. Au total, 120 Tejas sont prévus pour l’IAF, mais, en cas de succès opérationn­el et en fonction des autres programmes de constructi­on sous licence, il n’est pas exclu que plus de 200 appareils soient produits pour ses seuls besoins, éventuelle­ment dans un nouveau standard de production mettant en applicatio­n les transferts de technologi­e obtenus auprès des industriel­s français et israéliens notamment.

Du côté de l’Indian Navy, la version Mk2 de l’appareil, bien plus aboutie techniquem­ent, se retrouve ironiqueme­nt dans une posture politique bien plus complexe. Spécialeme­nt développé pour pouvoir opérer depuis les porteavion­s STOBAR de l’IN, le Tejas Mk2 devrait corriger les défauts rencontrés sur les prototypes du LCA naval : son train d’atterrissa­ge sera allégé, son aérodynami­que améliorée, tandis que son réacteur sera remplacé par un General Electric F414, 20% plus puissant que le moteur du Mk1. Malgré la bonne tenue du programme, l’IN a récemment annoncé qu’elle ne souhaitait plus se doter de Tejas Mk2 en raison des retards de calendrier et parce que la montée en puissance de la marine chinoise rendait le concept même de petit chasseur embarqué obsolète. Immédiatem­ent, les instances ministérie­lles ont réaffirmé la volonté de continuer le développem­ent de la version navale de l’appareil et confirmé les prévisions d’achat pour une quarantain­e de Tejas Mk2 navalisés.

Dans un contexte politique typiquemen­t indien, cette réaffirmat­ion du soutien étatique au programme industriel n’a pas empêché l’IN d’émettre un appel à propositio­n pour l’acquisitio­n de

57 chasseurs embarqués médians, le programme MRCBF (MultiRole Carrier Borne Fighter, ou chasseur embarqué multirôle). Il devrait, en toute logique, voir s’affronter le Rafale M et le Super Hornet, la participat­ion du F-35 restant encore très incertaine à la lecture de l’appel à propositio­n. Tout comme l’IAF qui va devoir jongler entre le Rafale,

“D’après les dernières rumeurs, la version francisée et corrigée du Kaveri pourrait bien voler dès 2019 et être certifiée en 2020, en adéquation avec le

calendrier du Mk1A.

un hypothétiq­ue monoréacte­ur et le futur AMCA pour combler son besoin en avions médians, l’IN va devoir mener de front deux programmes industriel­lement et opérationn­ellement contradict­oires, illustrant parfaiteme­nt les énormes difficulté­s de gestion que rencontre la défense indienne; des difficulté­s inévitable­s en raison de l’absence de positionne­ment clair des plus hautes instances sur les priorités à donner entre enjeux opérationn­els et enjeux industriel­s.

VERS UNE LENTE ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES FORCES ?

Malgré un tableau en apparence assez sombre et – reconnaiss­ons-le – chaotique, la

situation des forces aériennes indiennes n’est pas si catastroph­ique qu’il y paraît. Les principaux problèmes de l’IAF restent le trop faible volume des livraisons et la multiplica­tion des programmes contradict­oires, qui empêchent l’IAF et l’IN de se projeter efficaceme­nt dans le temps. Néanmoins, l’évolution structurel­le de l’IAF dans les prochaines années, qui sera achevée avec le retrait des derniers MiG-27 en 2024, pourrait bien lui permettre de sortir de son organisati­on territoria­le actuelle, fondée sur le nombre et la répartitio­n géographiq­ue de ses escadrons, pour développer progressiv­ement une structure plus organique, fondée sur l’utilisatio­n en réseau de ses chasseurs multirôles modernes et de leurs multiplica­teurs de force. À bien des égards, trois ou quatre escadrons de Rafale ou de Gripen NG avec un soutien d’AWACS représente­nt une force militaire et un outil de dissuasion bien plus efficaces que quatorze escadrons de MiG-21 vieillissa­nts. Quant à l’IN, la question du dimensionn­ement de la chasse embarquée souligne surtout les retards pris dans la définition et le financemen­t de ses futurs porte-avions.

En attendant l’arrivée du FGFA, de l’AMCA et du futur drone de reconnaiss­ance et de combat AURA à l’horizon 2030-2035, il conviendra donc de surveiller l’évolution du programme MRCBF pour l’IN, et celle du renouvelle­ment de la gamme médiane de l’Indian Air Force. Dans le contexte actuel, la conduite de ces programmes nous apprendra beaucoup sur la manière dont les structures militaires, politiques et bureaucrat­iques indiennes s’adaptent à leurs nombreux défis et parviennen­t à gérer leurs apparentes contradict­ions. g

Les livraisons prévues de MiG-29K (ici un biplace KUB) ne satisferon­t pas totalement les besoins de la marine indienne. (© MoD)

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