PENSER L’ARMÉE DE L’AIR DE DEMAIN : LE SYSTÈME DE COMBAT AÉRIEN FUTUR
LE SYSTÈME DE COMBAT AÉRIEN FUTUR
plus de vingt-cinq ans, les armées de l’air occidentales ont bénéficié d’une supériorité opérationnelle incontestée. Or une nouvelle donne géostratégique ainsi que des évolutions technologiques majeures bouleversent cette situation et imposent de repenser l’aviation de combat des prochaines années.
Alors que se dessine la perspective de conflits menaçant l’europe, notamment à sa périphérie, et tandis que les conflits asymétriques se multiplient, les nations européennes sont invitées par leur allié américain à prendre des responsabilités croissantes en matière de sécurité. Il est plus que jamais nécessaire d’investir dans l’arme aérienne, par ailleurs fragilisée par des années d’économies budgétaires et de surengagement opérationnel. L’armée de l’air accompagne cette indispensable réflexion stratégique pour répondre aux défis des prochaines décennies. C’est l’ambition portée par le système de combat aérien futur.
LES FONDAMENTAUX DES OPÉRATIONS AÉRIENNES
La puissance aérienne bénéficie de trois atouts majeurs intrinsèquement liés au milieu aérospatial : hauteur, vitesse, allonge. Leur combinaison permet d’agir rapidement, de manière flexible, réactive et dans la profondeur du dispositif adverse. L’arme aérienne est un outil non seulement militaire, mais également éminemment politique au service de la stratégie de défense et de sécurité nationale. La maîtrise de l’air est nécessaire à la liberté de toute action militaire, qu’elle soit aérienne, terrestre ou maritime. Elle permet de contraindre drastiquement l’adversaire, y compris sur son territoire. Pour être efficace, l’action aérienne doit s’inscrire dans la durée et exige une coordination parfaite des acteurs pour, le moment venu, concentrer les moyens et agir depuis l’air.
La maîtrise de l’air est nécessaire à la liberté de toute action militaire, qu’elle soit aérienne, terrestre ou maritime. Elle permet de contraindre drastiquement l’adversaire, y compris sur son territoire.
LES MISSIONS DE L’ARMÉE DE L’AIR
Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale décrit la nécessité d’un modèle d’armée cohérent, autonome et réactif, capable d’un impact décisif quand nos intérêts sont en jeu. Dans ce cadre, l’armée de l’air doit réaliser les missions permanentes de dissuasion nucléaire et de protection de l’espace aérien national. Elle doit également réaliser des interventions extérieures, d’abord pour acquérir la supériorité aérienne puis pour agir depuis l’air sur tout le spectre opérationnel : renseignement, frappes au sol, aérotransport. Lors des dernières décennies, la supériorité aérienne a permis d’agir avec réactivité et efficacité, en limitant très fortement les pertes humaines. Or cette supériorité est aujourd’hui contestée dans la nouvelle donne stratégique.
L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE STRATÉGIQUE
L’évolution du contexte stratégique tend à modifier les rapports de force, que ce soit sur le champ des menaces, sur celui du repositionnement stratégique de nos principaux alliés ou sur celui des ruptures technologiques. En haut du spectre vient s’inscrire la menace d’adversaires étatiques qui ont très largement augmenté leurs investissements de défense pour se doter de capacités militaires en nombre et de savoir-faire de très haut niveau. Aux grandes puissances s’en ajoutent d’autres, régionales, qui bénéficient de la prolifération des systèmes d’armes. Ces pays développent ainsi des stratégies de déni d’accès reposant sur l’utilisation combinée d’avions de combat de dernière génération, de systèmes de défenses antiaériennes intégrées de très longue portée et de moyens de guerre électronique (dont brouillage GPS). L’anti-access Area Denial (A2AD) modifie les rapports de force internationaux par la contestation de la maîtrise des espaces aériens. En outre, ces adversaires sont désormais en mesure de s’attaquer à nos moyens spatiaux, jusqu’alors considérés comme invulnérables, alors que ces derniers constituent des capacités incontournables pour conduire les opérations militaires modernes. À l’autre extrémité du spectre, des groupes non étatiques opèrent contre nos intérêts en évitant la confrontation directe. Ils utilisent des modes d’action asymétriques : dissimulation au milieu de civils, guérilla, terrorisme, emploi d’armes à bas coût et de technologies démocratisées permettant d’amoindrir l’avantage technologique occidental (mini-drones, engins explosifs improvisés, Smartphones, propagande sur les réseaux sociaux, etc.). Dans les deux cas, nos adversaires ont largement recours aux actions dans le champ cybernétique. Par ailleurs, alors que depuis des années certains pays ont significativement augmenté leurs investissements dans le secteur militaire, les pays européens ont continué à désarmer et ont réduit leurs parcs aériens de 30 à 50 % en dix ans. Parallèlement, les États-unis réorientent leurs priorités géostratégiques vers l’asie et le Pacifique. Cela renforce la nécessité pour l’armée de l’air de disposer en permanence d’un spectre de capacités militaires pour préserver la souveraineté nationale. Enfin, des ruptures technologiques majeures sont, elles aussi, susceptibles de modifier les rapports de force. Il s’agit notamment des domaines du numérique, de l’intelligence artificielle, de la robotique, de la détection (radars multistatiques, basse fréquence, passifs), de l’hypervélocité, voire des armes à effets dirigés. L’avantage opérationnel des forces aériennes occidentales s’érode et ne sera plus garanti sans modernisation du système de combat aérien lors de la prochaine décennie.
Le combat collaboratif doit rendre possible l’action coordonnée et concentrée des moyens en gagnant la bataille informationnelle. À la logique de meilleure plateforme sensor-shooter doit succéder celle d’efficacité en réseau ( best sensor-best shooter available).
L’ADAPTATION DU SYSTÈME DE COMBAT AÉRIEN
Face à ce changement de paradigme, l’armée de l’air doit s’inscrire dans un système de combat aérien global qui doit être constitué d’un réseau interopérable de systèmes d’armes habités ou non, au spectre d’intervention le plus large possible, interconnectés entre eux et avec une architecture de commandement robuste. Il doit être capable de s’adapter avec rapidité et être résilient, notamment vis-à-vis de la menace cybernétique. Face au déni d’accès et aux menaces du haut du spectre, l’armée de l’air doit conserver sa capacité d’entrée en premier, y compris dans la profondeur du dispositif adverse et en premier lieu pour réaliser la mission de dissuasion nucléaire. Elle doit maîtriser l’air pour pouvoir agir depuis l’air. Pour ce faire, la survivabilité globale du système de combat aérien doit être renforcée : d’une part, grâce aux qualités intrinsèques des plates-formes, comme l’autoprotection, la discrétion, la vitesse ou la manoeuvrabilité ; d’autre part, grâce à la mise en réseau. Le combat collaboratif doit rendre possible l’action coordonnée et concentrée des moyens en gagnant la bataille informationnelle. À la logique de meilleure plate-forme sensor-shooter doit succéder celle d’efficacité en réseau ( best sensor-best shooter available). Contre les menaces fugaces des conflits asymétriques, l’armée de l’air doit améliorer ses capacités de recueil de renseignement, de reconnaissance et de surveillance. Là encore, plates-formes et capteurs doivent être mis en réseau pour accélérer les processus décisionnels en quasi-temps réel, et engager l’ennemi au bon moment grâce à des armements adaptés à l’environnement et aux effets militaires à atteindre. Quelle que soit la menace, le besoin en connectivité constitue le socle commun du système de combat aérien futur. La mise en réseau des systèmes d’armes, associée à l’exploitation en temps réel de quantités toujours plus grandes de données valorisées au moyen de systèmes d’aide à la décision ( big data, intelligence artificielle), rend possibles les modes de combat collaboratifs qui vont démultiplier les forces intrinsèques des plates-formes. Cette mise en réseau offre également des perspectives d’action dans le champ cybernétique. La connectivité est donc un enjeu de premier ordre qui structure bien au-delà des seules améliorations technologiques. Elle touche aux processus décisionnels, aux choix de commandement et aux modes opératoires. Toute cette technologie ne doit cependant pas faire oublier les principes essentiels de l’action aérienne. L’éloignement des théâtres d’opération, dont les dimensions sont de surcroît quasi continentales, oblige également l’armée de l’air à renforcer la permanence de son action, qui devra être recherchée par la combinaison d’une meilleure endurance des plates-formes, de moyens de ravitaillement en vol et d’un nombre suffisant d’aéronefs. Des investissements importants sont donc nécessaires pour relever les défis de l’aviation de combat, notamment dès la prochaine loi de programmation militaire. L’armée de l’air est prête à accompagner la réflexion stratégique en apportant son expertise du combat aérien au profit des analyses capacitaires prospectives. L’enjeu est de taille : il s’agit de concevoir le système de combat aérien futur compte tenu de l’évolution des menaces et des nouvelles formes de la compétition stratégique.
Un Rafale évoluant avec le démonstrateur Neuron. Le SCAF (Système de Combat Aérien Futur) est, avant toute projection dans une plate-forme, un système. (© K. Tokunaga/dassault Aviation)