CONNECTIVITÉ PAR SATELLITES : HISTOIRE ET PERSPECTIVES
HISTOIRE ET PERSPECTIVES
le début de l’ère spatiale, l’enjeu formidable que représentent les satellites pour une connectivité mondiale a tout de suite été compris : le « bip-bip » de Spoutnik était reçu partout autour de la planète ! Comme pour les autres pans du domaine spatial se sont succédé les périodes des grandes premières et de la consolidation technologique. Aujourd’hui, par la combinaison de la révolution numérique et de l’évolution des technologies spatiales, nous vivons une véritable explosion des capacités offertes depuis l’espace pour une nouvelle connectivité planétaire, incroyablement plus performante et plus variée que celle d’il y a encore quelques années.
En 1964, à peine sept ans après Spoutnik, la télédiffusion à New York des Jeux olympiques de Tokyo a marqué de manière spectaculaire l’entrée du satellite dans le monde des solutions de télécommunication. En fait, les premiers satellites géostationnaires de télécommunication ont principalement été utilisés pour la téléphonie intercontinentale liée à la création de l’organisation intergouvernementale Intelsat.
Les années 1980 ont montré une première rupture : avec le plus grand nombre de satellites, il devenait possible de recevoir les signaux depuis des antennes non plus de plusieurs mètres de diamètre, mais de moins d’un mètre (cela a permis de passer d’un usage purement institutionnel des télécommunications spatiales à un usage professionnel et, plus tard, « grand public »). Le développement rapide de la bande Ku (10-14 GHZ) a accompagné celui de la diffusion directe vers l’abonné de bouquets de chaînes, d’abord analogiques puis numériques : ce fut le début des grands bouquets payants de dizaines de chaînes de télévision et stations de radio, dont le succès ne s’est pas démenti depuis, sur tous les continents. En Europe, cette période a vu la naissance du premier opérateur privé européen, le luxembourgeois SES, et l’organisation intergouvernementale Eutelsat a elle aussi étendu ses activités vers la télédiffusion directe. C’est aussi dans les années 1980 que le programme de télécommunication militaire SYRACUSE (Système de Radiocommunication Utilisant un Satellite) a été lancé en France, avec des charges utiles spécifiques embarquées sur les satellites Télécom 1.
Portés par la mondialisation qui s’est amorcée dans les années 1990, de grands groupes industriels (Motorola, Loral…) ont décidé de lancer les premiers projets de constellations de plusieurs dizaines de satellites opérant en orbite basse et offrant des services globaux de téléphonie mobile et de transferts de données à très bas débit (type GPRS) : Iridium et Globalstar ont connu des parcours économiques erratiques et la banqueroute, mais, après maintes difficultés, déploient actuellement les nouvelles générations de leurs
Là où un satellite TV utilisé pour la connectivité à Internet offrait en 2000 environ 1 Gb/s de capacité, on approche aujourd’hui de satellites offrant 1 Tb/s, soit mille fois plus en vingt ans !
constellations. Parallèlement, la privatisation des opérateurs de télécommunication a retenti sur le secteur spatial : les grandes organisations intergouvernementales, Intelsat, Eutelsat et Inmarsat, ont été privatisées et peu à peu introduites en Bourse.
La décennie 2000 a vu l’amélioration des satellites de télédiffusion directe opérant en bande Ku, qui constituent plus de 80 % des ventes de satellites commerciaux de télécommunication. Ce fut une période de forte innovation incrémentale et de montée en compétitivité sur les satellites géostationnaires. Les services mobiles en bande L fournis pour l’essentiel par Inmarsat ou les constellations citées précédemment restaient alors marginaux en volume. C’est au milieu des années 2000 que la France a mis en service ses satellites militaires Syracuse 3 : résistants aux brouillages et protégés contre la guerre électronique, ils permettent des communications sécurisées avec les troupes déployées en opérations extérieures. C’est aussi à cette époque qu’est née l’idée d’une coopération duale franco-italienne inédite avec les deux satellites SICRAL 2 (Sistema ltaliano per Comunicazioni Riservate e. Allarmi) et ATHENA-FIDUS (Access on Theatres for European allied forces Nations-french Italian Dual Use Satellite). En orbite depuis février 2014, ce dernier offre des services de télécommunication haut débit aux forces militaires et aux services de sécurité civile français et italiens, services pour lesquels l’autonomie par rapport aux moyens au sol et la rapidité de transmission des données sont souvent critiques (déploiements rapides de secours, transmission d’images depuis un hôpital de campagne, analyse déportée d’images prises sur le terrain, etc.)
Mais, depuis les années 2010 (c’est donc très récent), le secteur connaît une évolution extrêmement rapide tirée par le besoin impérieux de connectivité à Internet de tous et partout sur la planète ; évolution à laquelle l’écosystème spatial répond en ce moment par des innovations de rupture sans précédent :
• alors qu’il ne diffusait qu’un même signal (le contenu TV ou radio) sur de larges zones, le satellite doit désormais pouvoir connecter à Internet des dizaines de milliers, puis des centaines de milliers d’entreprises, établissements publics, particuliers. La solution est le découpage de la zone de couverture en petits faisceaux qui permettent de réutiliser massivement le spectre de fréquence, ressource rare ;
• plus de puissance à bord, plus de masse et de place pour accommoder des équipements toujours plus complexes sur des plates-formes à la fois plus puissantes et plus légères grâce aux nouveaux systèmes de propulsion électrique (moteur français PPS5000). Le résultat est spectaculaire : là où un satellite TV utilisé pour la connectivité à Internet offrait en 2000 environ 1 Gb/s de capacité, on approche aujourd’hui de satellites offrant 1 Tb/s, soit mille fois plus en vingt ans ! Un tel satellite est capable de connecter en parallèle plusieurs centaines de milliers de foyers, des avions de ligne et des navires de croisière… ;
• l’offre satellitaire se diversifie encore avec les projets en cours de développement de constellations de plusieurs centaines à plusieurs milliers de satellites de 100 à 500 kg opérant en orbite basse (1 000 km) et offrant le même type de connectivité Internet que les satellites géostationnaires (36 000 km), mais avec un temps de propagation réduit d’un facteur 40 (du fait tout simplement de leur positionnement, plus proche du sol), caractéristique importante pour certaines applications spécifiques comme les opérations bancaires ou les jeux en réseau ;
• à cet avantage des constellations s’opposent cependant la complexité et le coût d’investissement d’un tel système ou la capacité limitée qui peut être offerte sur une zone donnée. Satellites géostationnaires de plus en plus puissants et constellations géantes se complètent donc pour permettre aux satellites de jouer un rôle croissant dans l’infrastructure de télécommunication ;
• enfin, alors que l’internet des Objets (IOT) est en pleine croissance au coeur de ce que doit être la future 5G, le secteur spatial apporte encore une fois une solution complétant la couverture forcément limitée des réseaux terrestres pour cette application : une constellation de quelques dizaines de satellites de 20 à 150 kg peut apporter aux objets à faible débit ce qu’elle apporte déjà aux hommes à haut débit, à savoir une connectivité globale sur la planète. D’ailleurs, sur ce sujet, la collecte des données par satellites, avec notamment le programme Argos opéré par la filiale du CNES qu’est CLS, est un système mondial d’iot avant l’heure !
En 2015, la DGA a commandé deux nouveaux satellites militaires du programme SYRACUSE 4 qui doit permettre le maintien des communications sécurisées sur le territoire national, avec les zones prioritaires d’intérêt, ainsi qu’avec nos bâtiments à la mer, en tout temps (paix, crise ou catastrophe majeure). Moyens primordiaux pour les télécommunications à longue distance, les systèmes de communication par satellite constituent aujourd’hui une composante fondamentale de la maîtrise de l’information, clé de la supériorité de nos forces.
Des satellites de 20 kg à plus de 6 t, lancés à l’unité à 36 000 km ou en mégaconstellations à 1 000 km, de l’iot bas débit à des connexions de 1 Tb/s : voilà donc la diversité offerte par les satellites aujourd’hui. D’autre part, l’utilisation massive du numérique et de l’optique à bord des satellites et dans les segments sol, l’évolution des technologies d’antenne avec notamment les antennes actives, la poursuite de la montée en fréquence des liaisons, etc. annoncent pour les années qui viennent des offres de services totalement inédites qui assurent que le spatial jouera un rôle de plus en plus stratégique dans le développement des infrastructures mondiales de télécommunication. Des services nouveaux plus puissants et plus adaptés aux utilisateurs sont en train de voir le jour pour le bénéfice de l’ensemble de la population, mais sans aucun doute aussi au service de notre sécurité et d’une plus grande connectivité de nos forces en opérations sur terre, sur mer et dans les airs.