LA MATURATION DE LA MARINE CHINOISE : UN EXEMPLE D’A2/AD
Si la Chine et L’A2/AD sont pratiquement indissociables dans l’imaginaire stratégique, c’est que les efforts réalisés ont, à bien des égards, permis de construire le concept – calqué sur ce que faisait Pékin. Il serait cependant problématique de ne considérer ses forces – nous prendrons ici l’exemple de sa marine – que sous ce seul angle. Et vice versa…
Si le développement des capacités hauturières est assez rapide et focalise l’attention des observateurs, il est également parallèle à d’autres évolutions, cette fois sur le plan régional, renvoyant à une propagation géographique de la logique A2/AD qui peut de la sorte s’étendre à partir des côtes. Historiquement, la Chine est une puissance dont l’identité géostratégique est plus terrestre que maritime. Il faut attendre les années 1990 pour voir un changement dans la posture navale, jusque-là marquée par une focalisation sur la défense côtière. Si la Chine dispose au début de la décennie de destroyers – 17 unités en 1992 (1) –, il ne s’agit que de bâtiments assez légers, dépourvus d’une réelle capacité de défense aérienne et qui doivent donc opérer sous la couverture de l’aviation basée au sol.
L’A2/AD EN SURFACE…
L’essentiel de ses capacités navales de surface est alors constitué de vedettes et de patrouilleurs, disponibles en très grand nombre et positionnés tout au long des côtes. En 1992, on recense ainsi 207 patrouilleurs lance-missiles, 160 vedettes lance-torpilles et 490 vedettes et patrouilleurs plus légers. L’armement reste cependant limité – canons, lance-grenades anti-sous-marines et mouillage des mines – et le faible tonnage n’autorise guère que des opérations côtières, voire littorales. La posture change dans les années 1990 : les vieux patrouilleurs quittent le service et sont remplacés par des bâtiments monocoques (Type-037 et -062) plus performants du point de vue de l’endurance comme de l’armement.
Une nouvelle évolution apparaît en 2004 avec l’entrée en service du premier patrouilleur de Type-022(2). Conçu avec l’aide d’un bureau australien, il bénéficie de formes furtives et dispose d’une structure catamaran perce-vagues offrant une meilleure tenue à la mer. Comparativement aux catamarans classiques, la formule adoptée autorise une plus grande vitesse sur des mers formées. En conséquence, la défense côtière chinoise peut, littéralement, être projetée, notamment dans les 200 km du détroit de Taïwan. Affichant une vitesse maximale de 36 noeuds, le bâtiment est construit en grande série, avec environ 80 unités admises au service. Capable de lancer quatre à huit missiles C-803 (YJ-83 ou CSS-N-8 Saccade) et équipé d’un canon AK-630 (6 tubes de 30 mm), il
La posture change dans les années 1990 : les vieux patrouilleurs quittent le service et sont remplacés par des bâtiments monocoques (Type-037 et -062) plus performants du point de vue de l'endurance comme de l'armement.
est nettement mieux armé que ses prédécesseurs. Plus récemment apparaissent les corvettes de Type-056/-056a, dont 35 exemplaires sont pour l’instant en service actif (3). Remplaçant les frégates des types Jiangwei et Jianghu plus anciennes (4), elles disposent, en plus d’un canon de 76 mm, d’une capacité antiaérienne limitée et de quatre missiles antinavires YJ-83, ou éventuellement de missiles anti-sous-marins. La Type-056a est, en effet, spécialisée sur ce domaine et est dotée d’un sonar remorqué. Avec les Type-022, ces bâtiments peuvent former des groupes de combat naval côtiers appuyés par l’aéronavale au sol, les Type-056 jouant alors un rôle de coordination ou de désignation de cibles au profit des catamarans, peu pourvus en capteurs propres. Les Type-056 peuvent aussi évoluer seules. L’arrivée de cette classe signe la capacité de la Chine à opérer de manière durable plus au large de ses côtes, notamment à proximité des Senkaku/diaoyu, de même qu’en mer de Chine méridionale.
C’est d’autant plus le cas que la flotte sous-marine a également progressé : en 1992, elle comptait 5 bâtiments d’attaque à propulsion nucléaire de type Han, de même que 33 vieux Romeo et 6 Ming, une évolution des précédents. Vingt-cinq ans plus tard, la Chine dispose toujours de quatre Han, auxquels il faut ajouter six Shang. Surtout, la modernisation de la flotte conventionnelle est notable, avec 13 Song, 12 Kilo, 15 Yuan et une quinzaine de Ming. La modernisation a donc été qualitative, mais aussi quantitative. La dotation en missiles antinavires, autrefois une exception, est devenue une généralité. De même, les sous-marins ont été équipés d’une nouvelle torpille lourde, la Yu-6.
La guerre des mines joue traditionnellement un rôle important dans la stratégie navale chinoise, non seulement contre les navires de surface, mais aussi contre les sous-marins(5). En 2009, plus de 30 types différents, couvrant toutes les catégories de mines marines, étaient en service, y compris L’EM-52, un conteneur doté de capteurs et renfermant une torpille (6). La marine chinoise ne semble disposer que d’un seul mouilleur de mines. En revanche, les sous-marins, les appareils de patrouille maritime et plusieurs classes de bâtiments de surface sont équipés pour la pose des mines. Les quatre destroyers de classe Sovremenyy peuvent ainsi en emporter 40 chacun, et les quelques Luda encore en service, 38. Surtout, la marine chinoise porte une attention particulière aux exercices de guerre des mines offensive, y compris la mise en oeuvre de sous-marins devant opérer sur les arrières adverses.
Enfin, l’arsenal A2/AD chinois est complété par des batteries côtières de missiles antinavires – sur lesquelles peu d’informations sont disponibles. Pékin aurait cependant commencé à déployer des batteries dotées D’YJ-62, d’une portée de 280 km (trois missiles par lanceur 8 × 8). Il est également question d’un déploiement de missiles YJ-18 (supersoniques en phase terminale). Beaucoup d’attention a été portée au missile balistique antinavire DF-21D, qui serait utilisé pour la frappe des plus grosses unités de L’US Navy, porte-avions et grands navires amphibies, jusqu’à une distance de 1 700 km (7). Évoquée depuis 2005 et considérée comme opérationnelle depuis 2010, la menace n’a toujours pas été concrétisée dans un essai en mer sur une cible mobile. Il faut y ajouter le DF-26, apparu en 2015, et réputé également apte à la frappe des plus grosses unités. Avec ou sans démonstration, l’effet sur la rivale principale – L’US Navy – est déjà atteint (8).
L’aéronavale basée à terre est la troisième composante du dispositif chinois, avec des interdicteurs JH-7, mais aussi des bombardiers H-6 dont la production a été relancée, assez lourdement modifiés et entrés en service dans les années 2010. Une nouvelle version, apparue durant l’été 2017, permettrait le largage d’un DF-21D. Il faut y ajouter des Su-30 commandés en Russie ainsi que leur copie
La marine chinoise porte une attention particulière aux exercices de guerre des mines offensive, y compris la mise en oeuvre de sousmarins devant opérer sur les arrières adverses.
sinisée, le J-16. Dans tous les cas, les appareils servent de plate-forme de lancement de missiles antinavires ou d’attaque terrestre, parfois supersoniques. À cela s’ajoute la modernisation de la composante de patrouille maritime, essentielle à la détection de la flotte adverse, mais historiquement peu développée.
Le réseau, déjà dense, de capacités antinavires se double également de capacités antiaériennes, notamment celles des grands destroyers, mais aussi les nombreuses batteries au sol. La logique retenue est ici analogue à celle de L’URSS en son temps (les « pelures d’oignon»), avec le déploiement de SAM aux portées différenciées se couvrant mutuellement, du HQ-9 (et des S-300 sur la base desquels ils ont été développés) à longue portée à des systèmes de moyenne portée (HQ-16) et de plus courte portée – sans encore compter les nombreuses batteries de HQ-2 (version sinisée du SA-2) certes obsolètes, mais densifiant le dispositif. Ce réseau de SAM est appuyé par une intégration de plus en plus poussée en un véritable IADS (Integrated Air Defence System) incluant des radars à longue portée fixes ou mobiles. Enfin, la chasse chinoise connaît une modernisation en profondeur, l’arrivée des J-10 et des premiers J-20 permettant d’épauler les J-11.
Cette capacité défensive ne s’apprécie que par sa mise en réseau : les différentes composantes doivent travailler en synergie et non pas «chacune dans son coin», ce qui représente un défi considérable en matière de commandement et de contrôle et d’intégration des capacités. C’est, justement, l’un des domaines dans lesquels la modernisation chinoise a été la plus dynamique, à défaut d’être la plus visible. Les évolutions ont concerné, là, aussi bien les technologies utilisées que la formation des personnels, dont le niveau qualitatif s’est accru à la faveur d’un recrutement ciblant les universités et qui bénéficient d’un grand nombre d’exercices à tous les niveaux. Reste, cependant, que disposer d’un « noyau » défensif extrêmement dense et efficient présente des opportunités autres que strictement défensives et dissuasives.
D’une part, parce que le développement de technologies défensives – qui peut facilement être légitimé politiquement, tant sur la scène intérieure qu’à l’international – a également une incidence sur celui des capacités offensives. Les technologies radars débouchant sur des systèmes AESA peuvent être employées aussi bien pour une batterie de SAM à moyenne portée que pour le radar d’un futur bombardier à long rayon d’action ou d’un grand destroyer. Si les exemples peuvent être multipliés, les choix effectués en stratégie des moyens permettent, en tout état de cause, de procéder à un rattrapage technologique à grande vitesse. Qu’un système soit moins efficace qu’un autre n’est pas problématique lorsqu’il est testé sur le sol national ; mais s’il est embarqué sur des bâtiments de combat et que démonstration est faite de son inefficacité face aux rivaux navals, il y aura eu gaspillage de ressources, et perte de prestige. En fait, les développements portant sur l’offensive pourraient être intrinsèquement liés à ceux portant sur la défensive, la forte charge technologique y incitant(9). D’autre part, miser sur la défensive n’exclut pas une posture offensive particulière, que l’on peut qualifier de « rampante », en restant sous un seuil d’agressivité. C’est le cas du positionnement de bases sur des îlots poldérisés en mer de Chine méridionale (10), du développement de ses gardes-côtes (11) ou encore de l’augmentation du nombre de patrouilles menées avec des bombardiers équipés de missiles antinavires, jusque dans le Pacifique. Peu à peu, l’étendue de la «bulle» A2/AD chinoise s’accroît sur une base littéralement territoriale. Certaines des nouvelles bases établies en mer de Chine méridionale sont ainsi défendues par des systèmes HQ-9 et rien n’empêche techniquement l’installation de batteries de défense côtières capables d’interdire une bonne partie des eaux. Elles sont également dotées de pistes dont certaines peuvent accueillir des bombardiers H-6 et des appareils de patrouille maritime, en plus de chasseurs. Là comme pour les missiles antinavires, le seul facteur de blocage est de nature politique ; la montée en puissance pourrait être rapide, de l’ordre de quelques jours.
Le réseau, déjà dense, de capacités antinavires se double également de capacités antiaériennes, notamment celles des grands destroyers, mais aussi les nombreuses batteries au sol. La logique retenue est ici analogue à celle de L'URSS en son temps (les « pelures d'oignon »), avec le déploiement de SAM aux portées différenciées se couvrant mutuellement.
LE TOURNANT HAUTURIER
Reste que ces développements, qu’ils soient liés à la tradition de défense côtière ou à une logique de territorialisation, ne permettent pas à eux seuls de caractériser la politique de défense ni, plus particulièrement, la politique navale de Pékin. Le milieu des années 1990 a ainsi vu le renforcement des capacités hauturières, d’abord avec l’achat de quatre destroyers de type Sovremenyy en Russie, de
même qu’avec la mise au point de nouveaux designs, de Type-051 et -052, dont le dernier a fini par l’emporter dans le programme de construction naval chinois. Le destroyer antiaérien de Type-052d a marqué une nouvelle évolution (12). S’y est également ajoutée l’arrivée des frégates de Type-054/-054a. Tous ces bâtiments sont bien évidemment susceptibles de rejoindre le dispositif A2/AD chinois (voir tableau ci-dessous).
Cette évolution hauturière a aussi touché la flotte amphibie. Quatre transports de chalands de Type-071 ont été admis au service depuis 2007, deux autres étant en cours de construction/achèvement. La mise sur cale du premier LHD à pont plat continu de Type-075 est intervenue fin 2016, les autorités chinoises prévoyant qu’il sera opérationnel en 2020. En plus de moderniser sa batellerie et ses transports d’assaut sur coussin d’air, Pékin n’hésite pas à relancer la construction de designs qu’elle estime satisfaisants, notamment les transports de chars, avec six TYPE-072III entrés en service depuis 2015 – le dernier des précédents bâtiments de cette classe ayant été admis au service en 2005.
Cette montée en puissance a également touché le secteur, évidemment essentiel pour la projection des forces, des ravitailleurs, les capacités chinoises s’étant considérablement accrues depuis le début des années 2000. Un navire de ce type accompagne systématiquement les bâtiments engagés dans les missions de lutte contre la piraterie dans l’océan Indien. Une évolution notable est le grand ravitailleur
Peu à peu, l'étendue de la « bulle » A2/AD chinoise s'accroît sur une base littéralement territoriale. Certaines des nouvelles bases établies en mer de Chine méridionale sont ainsi défendues par des systèmes HQ-9 et rien n'empêche techniquement l'installation de batteries de défense côtières capables d'interdire une bonne partie des eaux.
d’escadre de Type-901, dont la tête de classe est actuellement aux essais, qui s’avère parfaitement adapté au soutien des groupes aéronavals. Une deuxième unité est en cours de construction, mais, selon toute logique, d’autres devraient suivre, en fonction de la taille qu’atteindra la flotte chinoise de porteavions (voir tableau p. 18).
2017, L’ANNÉE DES CAPACITÉS HÉMISPHÉRIQUES ?
In fine, l’année 2017, et plus particulièrement le mois de juin, pourrait bien avoir marqué un tournant dans l’évolution de la marine
chinoise, notamment avec le lancement, le 28, du premier Type-055. Bien que qualifié de « destroyer » par la littérature chinoise, ce bâtiment apparaît comme un croiseur en bonne et due forme. La Chine suit ainsi une tendance à la relativisation sémantique déjà observée aux États-unis (classe Zumwalt) et en Russie (type Lider). Le programme a été évoqué dès 2012, la construction des premiers éléments semblant intervenir en 2013. Entre-temps, une structure répliquant le navire était installée au sol, permettant de tester les systèmes et les interférences électromagnétiques. Il reste à poursuivre l’armement et à commencer les essais à la mer, avant une mise en service opérationnelle prévue en 2019.
Le nombre total de bâtiments que comprendra cette classe n’est pas encore connu, mais trois autres sont actuellement en construction. Deux chantiers – Jiangnan et Dalian – étant mobilisés, il est probable que la série dépasse les quatre unités. Peu d’informations ont été publiées au sujet du Type-055, mais plusieurs estimations peuvent être considérées comme crédibles. C’est d’abord le cas concernant son déplacement : s’il est officiellement de 10 000 t, ses dimensions – sa longueur serait comprise entre 175 et 200 m pour une largeur de 20 m – le rapprocheraient des 12 000 t. Une telle carène autorise le positionnement d’un grand nombre de tubes de lancement verticaux. Si 64 tubes peuvent être comptés sur la plage avant, le groupe de lanceurs positionnés à l’arrière en comporte entre 48 et 64 selon les estimations. Avec 112 à 128 tubes au total, le Type-055 double a priori la salve de missiles du Type-052d, tout en montrant un accroissement substantiel du tonnage (voir tableau p.19).
En plus des tubes de lancement verticaux, les bâtiments sont dotés d’un canon de 130 mm PJ-38 que l’on retrouve les destroyers de Type-052d. Le développement d’un canon électromagnétique, évoqué à plusieurs reprises par la littérature, pourrait déboucher sur une installation à terme sur les Type-055, la propulsion de ce dernier devant cependant, dans cette hypothèse, être revue(13). La présence de tubes lance-torpilles n’a pas
Pékin n'hésite pas à relancer la construction de designs qu'elle estime satisfaisants, notamment les transports de chars, avec six TYPE-072III entrés en service depuis 2015 – le dernier des précédents bâtiments de cette classe ayant été admis au service en 2005.
été confirmée. La protection rapprochée est également constituée d’un CIWS de Type-730 (sept tubes de 30 mm) devant la passerelle et d’un FL-3000N sur le hangar hélicoptère. Le système, semblable au RAM, comprend 24 cellules de lancement pour missiles HQ-10, d’une portée maximale de 9 km. S’ajoute à ces capacités l’embarquement de deux hélicoptères.
In fine, les Type-055 semblent parfaitement adaptés à l’escorte des porte-avions chinois, dont le programme se poursuit. Le deuxième (Type-001a), lancé fin avril 2017, ne constitue pas encore une rupture en dépit des améliorations apportées. Celle-ci devrait intervenir avec le Type-002, en cours de construction et qui serait le premier doté de catapultes et de brins d’arrêt; sachant que des J-15 adaptés aux catapultages sont déjà en cours d’essais. Dans le domaine aéronaval également, les savoir-faire progressent rapidement, qu’il s’agisse des navires ou des opérations aériennes à la mer. La Chine a surpris les observateurs par la rapidité avec laquelle elle s’appropriait les opérations aéronavales embarquées(14). Reste à voir si la rationalité doctrinale sous-tendant l’usage de ces bâtiments, jusqu’ici centrée sur la supériorité aérienne, l’éclairage de la flotte et la lutte anti-sous-marine, va ou non évoluer avec l’adoption des catapultes. Les options en matière antinavire et d’attaque terrestre seraient alors ouvertes; et, là aussi, elles tendent à renforcer les capacités A2/AD.
LE BESOIN DE CONSIDÉRER L’A2/AD SOUS UN ANGLE PLUS LARGE
Certes, le développement qualitatif, mais aussi quantitatif, de la flotte de Pékin se traduit
par l’émergence de nouvelles conceptions en stratégie des moyens et en stratégie organique. En quelques mois, la marine chinoise a franchi une série d’étapes symboliques, au-delà de la poursuite des programmes déjà évoqués, annonçant notamment l’installation d’une base à Djibouti. Cette montée en puissance rapide ne présage évidemment en rien d’une assimilation souple de ces nouvelles capacités, mais, pour l’instant, les progrès réalisés sont indéniables. La Chine n’a jamais interrompu les opérations de lutte contre la piraterie au large de la Somalie et dans le golfe d’aden depuis le milieu des années 2000, tout en les faisant suivre, depuis quelques années, par des entrées en Méditerranée et, à une occasion au moins, dans l’atlantique. Durant l’été 2017, une flottille a également transité par la Manche et la mer du Nord afin de rejoindre la Baltique, pour un exercice avec la marine russe. Elle avait déjà participé à de tels exercices en mer Noire et effectué des visites dans l’adriatique.
La portée exacte des capacités d’interdiction des forces chinoises est encore sujette à débat. Certains pensent ainsi qu’elle ne dépassera pas 600 km avant 2040, d’autres que la sous-estimation systématique des progrès réalisés par la Chine, ces dernières années, n’a abouti qu’à se faire surprendre (15). Il n’en demeure pas moins qu’on ne peut les limiter aux seules capacités navales et qu’on ne peut extraire L’A2/AD de l’équation stratégique plus large – il est donc nécessaire de rappeler que la Chine est aussi une puissance nucléaire, de même qu’une cyberpuissance (16). Autrement dit, une fois attaquée, sa défense ne peut se résumer à des options tactiques ou même opératives : les répercussions seraient potentiellement plus importantes. Mais c’est aussi parce qu’elle dispose d’une gamme défensive allant de la mine marine au missile balistique intercontinental qu’elle est en mesure d’adopter une posture offensive. La question est alors de savoir si elle en a l’intention… Notes
(1) Pascal Boniface (dir.), L’année stratégique 1993, Dunod, Paris, 1993.
(2) Voir la fiche technique que nous leur consacrions dans Défense & Sécurité Internationale, no 61, juillet-août 2010. (3) Voir la fiche technique que nous leur consacrions dans Défense & Sécurité Internationale, no 116, juillet-août 2015.
La Chine a surpris les observateurs par la rapidité avec laquelle elle s'appropriait les opérations aéronavales embarquées.
(4) Et dont certaines sont reversées aux gardes-côtes.
(5) Andrew S. Erickson, Lyle J. Goldstein et William S. Murray, « Chinese Mine Warfare. A PLA Navyo“assassin’s Mace” Capability », Chinese Maritime Studies, n 3, Naval War College, Newport, 2009.
(6) Scott C. Truver, « Taking Mines Seriously. Mine Warfare in China’s Near Seas », Naval War College Review, vol. 65, no 2, printemps 2012.
(7) Voir notamment Andrew Erickson, Chinese Anti-ship Ballistic Missile (ASBM) Development: Drivers and Strategic Implications, The Jamestown Foundation, Washington, mai 2013.
(8) Avec des débats qui ne sont pas sans rappeler les «paniques navales» britanniques de la fin du XIXE siècle. En l’occurrence, la menace des DF-21D a incité la marine américaine à consentir des investissements considérables – des fonds donc non disponibles pour d’autres fonctions – pour la défense antibalistique de sa flotte.
(9) Yves Heng-lim, « Expanding the Dragon’s Reach:the Rise of China’s Anti-access Naval Doctrine and Forces », Journal of Strategic Studies, vol. 40, no 1-2, 2017.
(10) Alexandre Sheldon-duplaix, « Poldérisation, platesformes et exercices : Pékin change-t-il le statu quo en mer de Chine du Sud? », Défense & Sécurité Internationale, no 118, octobre 2015.
(11) Alexandre Sheldon-duplaix, « Des flottes paramilitaires en première ligne des conflits maritimes en Asie du Nord », Défense & Sécurité Internationale, no 106, septembre 2014. (12) Corentin Houchet, « Les destroyers de la classe “Luyang” : de la lutte antisurface à la polyvalence », Défense & Sécurité Internationale, no 108, novembre 2014.
(13) Les besoins en consommation électrique du canon impliquent ainsi l’installation d’une propulsion électrique intégrée.
(14) Si elle est encore loin d’une capacité opérationnelle, ses progrès ont été incomparablement plus rapides que ceux de la marine russe. Les derniers exercices montrent ainsi des décollages et appontages avec de l’armement air-air.
(15) Voir notamment cette intéressante correspondance : Andrew S. Erickson, Evan Braden Montgomery, Craig Neuman, Stephen Biddle et Ivan Oelrich, « Correspondence: How Good Are China’s Antiaccess/area-denial Capabilities? », International Security, vol. 41, no 4, 2017.
(16) James Johnson, « Washington’s perceptions and misperceptions of Beijing’s anti-access area-denial (A2-AD) ‘strategy’: implications for military escalation control and strategic stability », The Pacific Review, vol. 30 no 3, 2017.