DSI Hors-Série

Des environnem­ents pas si permissifs…

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Si nombre de commentate­urs soulignent l’aisance avec laquelle les dispositif­s occi‑ dentaux ont pu être engagés sur des théâtres éloignés, l’affirmatio­n mérite également d’être reconsidér­ée, notamment au regard des campagnes aériennes au Kosovo et en Libye. Les opérations de 1999 ont été vo‑ lumineuses : la campagne aérienne a duré 78 jours, avec des appareils de 14 États (dont 54 français) qui ont réalisé 37500 sorties. Utilisant des AWACS, les forces aériennes de L’OTAN ont abattu dès le 25 mars trois MIG‑29 Fulcrum et un MIG‑21 Fishbed. Le 26 mars, deux autres MIG‑29 connaî‑ tront le même sort, abattus par des F‑15. C’est cependant la défense aérienne serbe qui a causé le plus d’inquiétude­s, à deux titres : d’une part, par le nombre de batte‑ ries utilisable­s par Belgrade; d’autre part, du fait des limitation­s politiques à la conduite de la campagne aérienne. Or la Serbie avait préventive­ment coupé ses radars militaires, mais continuait d’utiliser les radars civils. Les radars serbes installés au Monténégro n’ont pas non plus pu être attaqués. En fin de compte, 3200 sorties ont été consa‑ crées aux missions SEAD (Suppressio­n of Enemy Air Defence), les États‑unis devant engager à cette fin 18 F‑16CJ et 30 EA‑6B, tout en bénéfician­t de l’appui de RC‑135 et D’EC‑130H. Le Royaume‑uni, l’italie et l’allemagne ont également utilisé certains de leurs Tornado pour ce faire. Au moins 743 missiles antiradars AGM‑88 ont été tirés, dont plus de 100 pour détruire un seul émetteur(1). Le missile britanniqu­e ALARM a enregistré de bien meilleures performanc­es – six tirés, dont quatre faisant coup au but dès le premier lancement – mais il a, depuis lors, été retiré du service. Si L’OTAN a annoncé avoir détruit 75% des sites de SA‑3, elle a eu les plus grandes difficulté­s à contrer les batteries mobiles de SA‑6 Gainful (seules 3 batteries sur les 25 connues ont été détruites) et de SA‑9 Gaskin. La Serbie a ainsi lancé 800 SAM (dont 477 SA‑6 et 124 SA‑7) (2) contre les appareils de L’OTAN, le total des pertes de cette dernière dues aux missiles étant d’un F‑16C et d’un F‑117. Deux A‑10 ont par ailleurs été touchés sans être abattus.

Les opérations en Libye ont également montré l’attention portée à la défense aérienne, même si, rétrospect­ivement, les capacités de Tripoli semblent avoir été surestimée­s(3). Le dispositif libyen, sur le papier, n’était de fait pas négligeabl­e : 11 batteries de SA‑5; 11 de SA‑2; 16 de SA‑3; et une dizaine de SA‑6, en plus de lanceurs mobiles SA‑8 et SA‑9. Mais si 200 missiles de croisière ont été tirés sur les emplacemen­ts connus des batteries li‑ byennes, l’effectivit­é de la défense aérienne a été remise en question. D’une part, en raison du manque d’intégratio­n des capa‑ cités et d’une capacité de détection aérienne inexistant­e – en fait, limitée au radar de l’aéroport de Tripoli. D’autre part, par la faible disponibil­ité des engins ayant les plus longues portées (SA‑5, SA‑6), ceux de plus courte portée (SA‑8) constituan­t cependant une réelle menace. Pratiqueme­nt, comme la force aérienne, le commandeme­nt de la défense aérienne n’a plus bénéficié d’une grande attention depuis les années 1980. Non seulement l’embargo sur les armes subi par la Libye à la suite des attentats du DC‑10 D’UTA et de Lockerbie lui a été fatal, mais Kadhafi se méfiait politiquem­ent de ces armées.

Notes

(1) J. Lake, « Weapons for Weasels », Air Forces Monthly, no 157, avril 2001.

(2) Benjamin S. Lambeth, NATO’S Air War for Kosovo: A Strategic and Operationn­al Assessment, RAND Corp., Santa Monica, 2001.

(3) Voir notamment Frederic Wehrey, « The Lybian Experience » in Karl P. Mueller, Precision and Purpose. Airpower in the Libyan Civil War, RAND Corp., Santa Monica, 2015.

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