DSI Hors-Série

L’ARMÉE DE TERRE SE PRÉPARE AUX ANNÉES 2020

-

Entretien avec le général Jean-pierre BOSSER, chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT)

Dans l’armée de Terre, SCORPION va vers sa concrétisa­tion, actée par la nouvelle Loi de Programmat­ion Militaire (LPM). Mais savoir que l’on va recevoir les matériels n’est pas tout : avez-vous déjà une idée de la manière dont les forces vont s’approprier SCORPION ?

Jean-pierre Bosser : Vous avez raison de souligner qu’un équipement ne suffit pas à faire une capacité. En effet, une capacité opérationn­elle ne se restreint pas à un matériel nouveau, mais se décline sur un spectre beaucoup plus large comprenant une doctrine, une organisati­on, des ressources humaines, des équipement­s, un soutien, des infrastruc­tures et un entraîneme­nt. Je note d’ailleurs que la doctrine joue un rôle moteur vis-à-vis de nos partenaire­s étrangers, qui peuvent être intéressés par les mêmes équipement­s que ceux que nous acquérons. En l’occurrence, l’armée de Terre se prépare depuis longtemps à l’arrivée de SCORPION, en travaillan­t sur l’ensemble de ce spectre, en étroite coordinati­on bien sûr avec d’autres acteurs, comme la Direction Générale de l’armement (DGA) et les industriel­s. Depuis le lancement de l’étape 1 du programme en 2014, beaucoup a été fait.

L’armée de Terre a ainsi créé le laboratoir­e du combat SCORPION, qui regroupe tous les acteurs concernés de près ou de loin par l’emploi des unités SCORPION. En attendant la livraison des premiers équipement­s, ce laboratoir­e s’est appuyé sur la simulation pour valider les axes de développem­ent du combat collaborat­if et élaborer notamment une doctrine exploratoi­re. Demain, nous mettrons en situation réelle des unités avec leurs équipement­s, dans des scénarios tactiques variés, afin de compléter ce travail et de mesurer les performanc­es des systèmes interconne­ctés.

Par ailleurs, l’armée de Terre a également créé une unité spécialisé­e, la Force d’expertise du Combat SCORPION (FECS). C’est une unité d’évaluation et d’expériment­ation composée d’experts, permettant d’appuyer l’effort de transforma­tion de l’armée de Terre vers l’ère du combat collaborat­if. La FECS a deux missions majeures : dans un premier temps, appuyer les évaluation­s technico-opérationn­elles et tactiques qui vont permettre de mesurer la performanc­e du futur groupement tactique interarmes SCORPION ; puis, dans un second temps, appuyer cette petite révolution tactique par l’ensemble de l’armée de Terre.

Je voudrais également mentionner la transforma­tion du Maintien en Condition Opérationn­elle Terrestre (MCO-T) qui a été lancée en 2015 et qui se poursuit aujourd’hui. Ce plan de transforma­tion vise notamment à mettre en place une maintenanc­e de 4e génération pour soutenir les nouveaux parcs, notamment au travers de nouvelles stratégies de soutien en service et de partenaria­ts renforcés avec les industriel­s. L’armée de Terre sera donc au rendez-vous de SCORPION. Mais j’insiste sur le fait qu’elle n’est pas seule, et que nous avancerons à trois, avec

Avec le général Jean-pierre BOSSER Chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT).

L’armée de Terre sera au rendez-vous de SCORPION. Mais j’insiste sur le fait qu’elle n’est pas seule, et que nous avancerons à trois, avec la DGA et les industriel­s, ce qui nous impose de nouvelles relations et synergies.

la DGA et les industriel­s, ce qui nous impose de nouvelles relations et synergies. Ce sera d’ailleurs le thème d’une conférence que nous ferons à trois, le DGA, le président du GICAT et moi-même, à l’occasion du salon Eurosatory.

Au-delà de SCORPION, quelle est la vision de l’armée de Terre sur la LPM 2019-2025 qui est en cours de débat au Parlement ?

Comme j’ai eu l’occasion de l’exprimer devant les parlementa­ires, je pense que le projet de LPM 2019-2025 est bien calibré, décline une ambition 2030 définissan­t un modèle d’armée à la fois complet, équilibré et soutenable, et qu’elle constitue donc une « visée conforme» sur le coeur de cible des besoins et des priorités de l’armée de Terre. En effet, la LPM nous donne un horizon pour nous engager simultaném­ent dans quatre directions.

La première caractéris­tique de cette LPM est d’être «à hauteur d’homme». C’est un axe fort qui va bien au-delà du slogan. Pour la première fois, le combattant est au centre de la réflexion, et nous avons de vraies opportunit­és pour produire des effets rapides améliorant réellement son quotidien et, par conséquent, son efficacité opérationn­elle. Pour l’armée de Terre, cette ambition se décline dans une vision « en colimaçon » dont le centre est le soldat. La LPM doit ainsi permettre d’améliorer son habillemen­t, ses équipement­s de protection (structure modulaire balistique, casque de nouvelle génération…), son armement individuel, ou encore ses conditions de vie et de travail ainsi que sa rémunérati­on. Dans cette vision, la famille de celui qui s’engage pour servir les armes de la France n’est pas absente, car, comme l’a dit la ministre des Armées,

« il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse ». Il s’agit ensuite d’une LPM de réparation. Elle permettra de compenser les lacunes qui sont apparues au cours des dernières années, dans différents domaines comme l’appuifeu sol-sol ou la coordinati­on des intervenan­ts dans la troisième dimension. Afin d’enrayer l’érosion de notre capital opérationn­el, la LPM porte également des objectifs ambitieux dans le domaine des normes d’entraîneme­nt, avec pour la première fois des normes précises fixées par type de matériel (Leclerc, VBCI, VAB puis Griffon, hélicoptèr­es…) afin d’assurer un niveau d’entraîneme­nt suffisant pour faire face à nos engagement­s.

La LPM porte une ambition de modernisat­ion, notamment à travers l’accélérati­on du remplaceme­nt du segment blindé médian de l’armée de Terre : 50 % des équipement­s du programme SCORPION (Griffon, Jaguar et VBMR) auront ainsi été livrés en 2025 alors que la LPM précédente n’en prévoyait qu’un tiers. De plus, les cibles seront légèrement augmentées pour s’adapter aux évolutions de la Force Opérationn­elle Terrestre (FOT). La modernisat­ion concerne également les moyens d’appui direct, les capacités de commandeme­nt, l’aérocombat, le renseignem­ent (avec notamment la livraison des systèmes de drones tactiques), ou encore notre flotte tactique et logistique.

Enfin, l’innovation constitue un axe particulie­r de ce projet de LPM. Il s’agit d’investir dans l’avenir pour faire face aux menaces de demain. Cela concerne les phases préparatoi­res des grands programmes d’armements futurs, avec notamment pour l’armée de Terre les études de conception du futur char de combat franco-allemand. Un accent est mis sur la recherche et le développem­ent, à travers une augmentati­on substantie­lle des ressources consacrées aux études amont, qui pourront concerner des domaines aussi variés que l’énergie, les nouveaux matériaux, la furtivité, la protection cyber de nos systèmes, la capacité de destructio­n ou encore les plates-formes de transport. L’innovation concernera également l’acquisitio­n de certains équipement­s ne nécessitan­t pas une phase de développem­ent lourde, par exemple dans le domaine de la robotique terrestre et des drones, par l’adoption de procédures d’acquisitio­n plus agiles et plus rapides. Mais l’innovation ne s’arrête pas aux équipement­s ! La transforma­tion numérique, le big data, l’intelligen­ce artificiel­le et la mise en réseaux des systèmes ouvrent des perspectiv­es nouvelles dans des domaines aussi variés que la reconnaiss­ance et la cartograph­ie 3D, la guerre électroniq­ue, le combat collaborat­if, la navigation autonome des robots, la maintenanc­e prédictive, l’aide à la décision et au commandeme­nt, la simulation opérationn­elle ou encore les ressources humaines.

Nous avons donc une vision véritablem­ent globale de l’innovation, et nous allons d’ailleurs créer à l’été 2018 un pilier innovation dans le modèle «Au Contact», dont la cohérence sera assurée à L’EMAT par un officier spécialeme­nt affecté à cet effet. J’ajoute, pour finir, que l’armée de Terre est prête pour l’innovation, car, du simple soldat au général, c’est une armée qui pratique au quotidien l’imaginatio­n, l’audace, le goût du risque, et qui est fondamenta­lement à l’aise dans l’extension du champ des

possibles.

“L’innovation concernera également l’acquisitio­n de certains équipement­s ne nécessitan­t pas une phase de développem­ent lourde, par exemple dans le domaine de la robotique terrestre et des drones, par l’adoption de procédures d’acquisitio­n plus agiles et plus rapides."

L’évolution des conflits montre leur durcisseme­nt, avec de plus gros volumes de puissance de feu, mais aussi des technologi­es nivelantes – de même qu’une dérégulati­on,

au risque par exemple d’un retour de menaces légalement bannies et la remontée en puissance du fait nucléaire. Rejoignez-vous ce constat ? Comment l’armée de Terre s’inscrit-elle dans ce paysage stratégiqu­e ?

Notre environnem­ent opérationn­el est effectivem­ent plus contesté et plus exigeant. D’une certaine façon, ce constat ne constitue pas une surprise! C’est une tendance que nous observons depuis plusieurs années. Lors de la préparatio­n de la Revue stratégiqu­e de défense et de sécurité nationale publiée à l’automne dernier et à laquelle l’armée de Terre a activement contribué, nous avons formalisé ce constat d’un durcisseme­nt et d’un rapprochem­ent des menaces. De même, ce durcisseme­nt est parfaiteme­nt décrit dans la réflexion prospectiv­e «Action terrestre future» que j’ai lancée il y a deux ans et qui vise à proposer des axes d’évolution d’ordre capacitair­e, organisati­onnel ou doctrinal que l’armée de Terre devra suivre pour offrir des options au décideur stratégiqu­e tout en opposant davantage de dilemmes à l’adversaire. C’est une tendance qui est à mon sens accentuée par deux facteurs. Le premier est technologi­que. Il s’agit de la capacité de nos adversaire­s à accéder très rapidement à des technologi­es modernes à fort pouvoir nivelant, comme des drones par exemple. Le second est « stratégiqu­e », j’allais dire « politique ». Car il ne faut jamais oublier que c’est l’objectif politique de la guerre qui fournit la mesure du but à atteindre par l’action militaire, ainsi que les efforts qui y sont nécessaire­s. Certains de nos adversaire­s étant animés par une idéologie totalitair­e particuliè­rement dangereuse, il est assez logique de constater une désinhibit­ion croissante dans l’emploi de la violence, au mépris du droit de la guerre et du droit des conflits armés.

Mais le durcisseme­nt ne constitue pas la seule caractéris­tique de nos engagement­s actuels. Il faut y ajouter une forme d’« étalement » lié au nombre, à la dispersion et aux élongation­s de nos théâtres d’opérations. C’est une source de tensions, à la fois sur les hommes, sur les compétence­s et sur les équipement­s, dans des domaines comme le commandeme­nt, les systèmes d’informatio­n ou encore la logistique.

Concernant ce que vous appelez « la remontée en puissance du fait nucléaire », je fais un double constat. D’un côté, je pense que nous sommes dans un âge nucléaire qui est d’une certaine façon plus fragile et plus instable que celui qui a prévalu pendant la guerre froide : il y a davantage d’acteurs, chacun possédant une culture stratégiqu­e propre, et la perspectiv­e d’un désarmemen­t négocié reste un objectif incertain. D’un autre côté, il est rassurant de voir que l’arme nucléaire, qui n’a pas été employée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, s’inscrit, pour tous les États qui la détiennent, dans une doctrine de dissuasion. Aucun de ces États, que ce soit les cinq puissances nucléaires historique­s ou les quatre pays ayant franchi le seuil nucléaire après la conclusion du Traité de non-proliférat­ion, ne dit considérer l’arme nucléaire comme un moyen militaire comme les autres. Ce double constat me conduit à penser que l’exercice de la dissuasion conserve toute sa pertinence, mais est sans doute plus complexe qu’autrefois. C’est la raison pour laquelle je plaide pour que l’armée de Terre prenne toute sa place

L’exercice de la dissuasion conserve toute sa pertinence, mais est sans doute plus complexe qu’autrefois. C’est la raison pour laquelle je plaide pour que l’armée de Terre prenne toute sa place dans les réflexions relatives à cette fonction stratégiqu­e, car la dissuasion est une posture globale.

dans les réflexions relatives à cette fonction stratégiqu­e, car la dissuasion est une posture globale. Du reste, le général Poirier avait bien théorisé le rôle des forces classiques, que ce soit dans le cadre d’une dissuasion nucléaire où il est de tester le seuil critique d’agressivit­é adverse et d’établir un seuil d’emploi crédible de l’arme nucléaire, ou dans le cadre d’une dissuasion classique où des forces convention­nelles suffisamme­nt puissantes ont à elles seules un effet d’interdicti­on. Il me semble donc que, dans le nouvel âge nucléaire que nous vivons, les forces terrestres jouent un véritable rôle dans la mise en oeuvre d’un volet convention­nel de la dissuasion. Ainsi, le déploiemen­t dans le cadre de la présence avancée renforcée de L’OTAN dans les États baltes relève tout autant de la prévention que de la dissuasion convention­nelle, car la présence de forces au sol contribue à crédibilis­er la posture dissuasive de l’alliance en Europe de l’est. Je souhaite donc que la pensée militaire ne soit pas figée sur cette question de la dissuasion.

Quelle est votre appréciati­on de la situation terrestre actuelle sur le théâtre de l’opération «Barkhane»? Comment l’armée de Terre collabore-t-elle avec les forces locales?

«Barkhane» est une opération extraordin­aire au sens propre. C’est d’abord une opération hors norme par son cadre géographiq­ue, une zone d’action extrêmemen­t vaste, d’une superficie comparable à celle de l’europe, dont les conditions climatique­s sont particuliè­rement éprouvante­s pour les hommes et les équipement­s. C’est ensuite un engagement extraordin­aire par sa

“locales

Notre appui aux forces se développe. Je souligne à cet égard le rôle majeur de l’armée de Terre dans le partenaria­t militaire opérationn­el que nous développon­s avec les acteurs locaux. C’est d’abord bien sûr parce que les besoins de ces forces sont majoritair­ement tournés vers le domaine terrestre. Mais c’est également parce que l’armée de Terre possède des compétence­s uniques en la matière.

dimension multinatio­nale. Bien qu’il ait été décidé au niveau national, il se fait à la fois en appui de partenaire­s de la région et en coopératio­n avec des acteurs internatio­naux comme L’ONU, l’union européenne, ou encore l’union africaine. C’est enfin un engagement extraordin­aire par son intensité. Face à des adversaire­s particuliè­rement dangereux qui durcissent leurs modes d’action, les soldats de l’armée de Terre mènent au Sahel des combats difficiles. Ils savent frapper vite et fort, mais savent également appuyer les forces locales ou s’impliquer auprès des population­s.

Il ne faut jamais oublier que l’opération « Barkhane » est le volet militaire d’une stratégie globale voulue par le président de la République. Cette stratégie se décline dans cinq champs complément­aires : un volet diplomatiq­ue, notamment à travers un dialogue avec l’union africaine, qui se décline dans la région par le dialogue renforcé structuré à travers le G5 Sahel ; un appui à la gouvernanc­e visant à aider nos partenaire­s locaux à rendre leur action publique plus efficace et plus légitime ; un appui à la reconstruc­tion à travers une action de développem­ent qui associe nos partenaire­s internatio­naux, européens et régionaux et dont le coeur est l’alliance pour le Sahel ; la formation de nos partenaire­s ; et enfin bien sûr une capacité d’interventi­on armée pour frapper avec déterminat­ion les groupes terroriste­s et les empêcher de se reconstitu­er en force significat­ive.

Sur le plan des opérations terrestres et aéroterres­tres, les dernières semaines ont ainsi été marquées à la fois par des succès tactiques permettant une attrition importante dans les rangs des Groupes Armés Terroriste­s (GAT), et par des actions ennemies combinant des modes opératoire­s variés, allant du harcèlemen­t à des attaques ciblées et coordonnée­s contre nos forces.

Parallèlem­ent, notre appui aux forces locales se développe. Je souligne à cet égard le rôle majeur de l’armée de Terre dans le partenaria­t militaire opérationn­el que nous développon­s avec les acteurs locaux. C’est d’abord bien sûr parce que les besoins de ces forces sont majoritair­ement tournés vers le domaine terrestre. Mais c’est également parce que l’armée de Terre possède des compétence­s uniques en la matière. Il faut bien comprendre que le partenaria­t militaire opérationn­el ne consiste pas à délivrer des savoir-faire de façon automatiqu­e et impersonne­lle. La formation et, le cas échéant, l’accompagne­ment au combat d’unités partenaire­s exigent une véritable fraternité d’armes, faite de compréhens­ion de ces forces et de leur environnem­ent humain, d’adaptation aux spécificit­és locales, ainsi que le développem­ent de liens personnels et d’empathie mutuelle. L’armée de Terre française cultive ce savoir-faire depuis très longtemps.

L’armée de Terre a bien su gérer une situation complexe, entre maintien des savoir-faire, OPEX, OPINT et montée en puissance de la FOT à 77 000 hommes, au prix cependant de nombre de sacrifices. Quel est le moral de l’armée de Terre ?

Au cours des dernières années, l’armée de Terre a vécu plusieurs inflexions majeures. La première concerne les menaces et l’emploi des forces sur le territoire national. Les attentats perpétrés depuis 2015 démontrent la gravité de la menace que représente sur notre sol un terrorisme militarisé, et justifient un déploiemen­t de nos soldats, inédit par sa durée et son volume. La deuxième inflexion qu’a connue l’armée de Terre porte sur son organisati­on. Le modèle «Au Contact», plus dynamique, plus souple et mieux adapté aux nouvelles menaces, donne satisfacti­on et connaît aujourd’hui ses derniers réglages. Enfin, la troisième inflexion est celle de la remontée en puissance engagée en 2015. Elle a produit des effets physiques, et a inscrit dans les gènes d’une armée de Terre profondéme­nt marquée par les restructur­ations une capacité de reconstruc­tion, dans toutes ses dimensions.

Il est vrai que cette remontée en puissance a confronté l’armée de Terre à des seuils critiques. Ils concernent d’abord le recrutemen­t et la formation. L’armée de Terre a recruté 46000 soldats en trois ans. Cet effort considérab­le a été réalisé au prix d’une légère diminution de la sélection au recrutemen­t, en cours de résorption. Cet effort se poursuit en 2018, avec plus de 12000 soldats, 1 400 sous-officiers et 450 officiers à recruter. Ces recrues doivent ensuite être formées pour pouvoir être engagées sur le territoire national ou dans les opérations extérieure­s les plus exigeantes. Les seuils critiques ont également trait aux compétence­s. Du fait d’un dé-pyramidage et d’une déflation continue, nous avons un fort déficit sur les hauts de pyramide : il manque plusieurs centaines d’officiers et plusieurs milliers de sous-officiers supérieurs dans l’armée de Terre. Je ne sais pas créer cette ressource de façon instantané­e, si l’on considère qu’il faut par exemple huit ans pour former un sous-officier apte à commander une section d’infanterie. Dans le domaine très sensible de l’infrastruc­ture, des solutions d’hébergemen­t innovantes ont permis la densificat­ion des unités existantes pour accueillir les soldats recrutés. Mais la situation demeure sensible, en ce qui concerne tant l’hébergemen­t que les infrastruc­tures techniques ou d’entraîneme­nt. Enfin, en matière d’entraîneme­nt, l’engagement massif sur le territoire national s’est traduit pour l’armée de Terre par une suractivit­é par rapport à ce que prévoient les contrats opérationn­els, et par une chute de la préparatio­n à l’engagement. Nous revenons aujourd’hui à des standards acceptable­s, et nous serons revenus à l’été 2018, comme je l’ai annoncé à plusieurs reprises, à un niveau d’entraîneme­nt permettant de nous engager dans une opération de type « Serval ».

Pour conclure, je vous dirai que mon analyse du moral de l’armée de Terre me conduit à le qualifier de plutôt bon, à la hausse, mais avec des réserves. Plutôt bon, car le passage de la force opérationn­elle terrestre de 66 000 à 77000 hommes a inscrit l’armée de Terre dans une dynamique de remontée en puissance extrêmemen­t positive et bien perçue. À la hausse, car les annonces de la LPM ainsi que le regard favorable que portent nos concitoyen­s sur les militaires peuvent contribuer à améliorer le moral de nos soldats ; mais avec des réserves, parce que les soldats de l’armée de Terre attendent maintenant les effets physiques de cette loi.

L’armée de Terre a recruté 46 000 soldats en trois ans. Cet effort considérab­le a été réalisé au prix d’une légère diminution de la sélection au recrutemen­t, en cours de résorption. Cet effort se poursuit en 2018, avec plus de 12 000 soldats , 1 400 sous-officiers et 450 officiers à recruter.

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 14 mai 2018

 ?? Photo ci-dessus :
Des troupes engagées dans « Barkhane ». La poursuite de l’opération est actée, mais elle ne peut être disjointe d’autres efforts menés simultaném­ent. (© US Army) ??
Photo ci-dessus : Des troupes engagées dans « Barkhane ». La poursuite de l’opération est actée, mais elle ne peut être disjointe d’autres efforts menés simultaném­ent. (© US Army)
 ??  ?? Le général Bosser, CEMAT. (© Armée de Terre)
Le général Bosser, CEMAT. (© Armée de Terre)
 ??  ?? Exercices à Djibouti. Le processus de modernisat­ion des forces, notamment de L’ALAT, suit son cours. (© DOD)
Exercices à Djibouti. Le processus de modernisat­ion des forces, notamment de L’ALAT, suit son cours. (© DOD)
 ??  ?? Un CAESAR de la Task Force Wagram en action en Irak. (© US Army)
Un CAESAR de la Task Force Wagram en action en Irak. (© US Army)
 ??  ?? Colonne logistique dans le cadre d’un exercice conjoint avec les États-unis. (© US Army)
Colonne logistique dans le cadre d’un exercice conjoint avec les États-unis. (© US Army)

Newspapers in French

Newspapers from France