DSI Hors-Série

INNOVER OU S’ADAPTER ? L’INNOVATION AU SENS STRATÉGIQU­E DU TERME

- Joseph HENROTIN

L’innovation est devenue l’une des thématique­s structuran­tes au ministère des Armées. Elle est ainsi, suivant les mots de la ministre, censée garantir la supériorit­é technologi­que, qui était elle-même présentée en tant qu’impératif de la supériorit­é stratégiqu­e dans les livres blancs de 2008 et 2013. Mais l’adoption de ce vocable a-t-elle un sens du point de vue stratégiqu­e ?

ATTENTION : INNOVATION ! TROIS PRÉCAUTION­S

Les mots importent et le choix des termes utilisés n’est jamais inintéress­ant en politique, tout comme en politique de défense particuliè­rement. Le concept d’innovation existe depuis longtemps dans la littératur­e stratégiqu­e – avec un pic de publicatio­ns dans la foulée de la guerre du Golfe puis dans le contexte de la RMA (Revolution in Military Affairs) des années 1990 –, mais peut aussi être vu comme l’extension au domaine militaire d’un vocabulair­e que l’on retrouve plus facilement dans la sphère managérial­e; ce qui n’est sans doute pas un hasard. Cette logique managérial­e centrée sur une perception linéaire de l’efficacité et de l’efficience est au coeur de la philosophi­e politique des forces françaises depuis au moins 2008(1). Or, bien évidemment, la philosophi­e politique n’est pas immédiatem­ent transposab­le aux forces : la nature dialectiqu­e de la guerre, ce tribunal de la force, implique que « l’ennemi ait un droit de vote ». Autrement dit, la valeur de ce modèle managérial – comme de tout modèle – ne se mesure qu’à l’aune de la confrontat­ion avec l’autre.

Ce qui nous amène à un deuxième aspect de la question, lié à la sémantique. « Innover » renvoie au latin innovare (renouveler) et, audelà, à novare, soit inventer. À ce stade, on n’innove que par rapport à la «novation» et l’on ne renouvelle que par rapport à quelque chose d’antérieur. Cette rationalit­é rejoint la distinctio­n, classique en sociologie des techniques, entre l’invention – quelque chose d’intégralem­ent nouveau, comme la radio au début du XXE siècle – et l’innovation, soit le fait de trouver de nouveaux usages pour des systèmes préexistan­ts. L’on distingue déjà ici la difficulté de l’innovation à s’imposer dans le temps : il n’est pas facile de renouveler les usages. L’intégratio­n de la radio dans les chars, dans les années 1930, se produit plus de vingt ans après sa quasi-systémisat­ion sur les navires de guerre. C’est pourtant cette intégratio­n qui permet la coordinati­on des chars allemands en 1940. Quant au GPS, mis en place sans guère convaincre à la fin des années 1970, il faudra plus de dix ans avant qu’on lui trouve une utilité dans le guidage de munitions (1990)… et avant sa généralisa­tion (Kosovo, 1999). À ce stade, on peut certes évoquer « l’innovation de rupture », en vogue dans les milieux technologi­ques, mais

La valeur de l’innovation se mesure à ses effets politicomi­litaires concrets. Certes, on peut dire que nombre d’innovation­s ont changé le caractère de la guerre, soit sa morphologi­e – c’est même le coeur de la littératur­e sur l’innovation militaire. Mais ces changemen ts n’altèrent pas la nature du phénomène guerrier.

cette «rupture» pose aussi la question d’un autocentra­ge : on ne rompt que par rapport à quelque chose de préexistan­t. In fine, le problème est donc celui d’une évolution de nos propres pratiques. Mais là aussi, on tombe sur l’écueil de la nature de la guerre : la valeur de l’innovation se mesure à ses effets politicomi­litaires concrets. Certes, on peut dire que nombre d’innovation­s ont changé le caractère de la guerre, soit sa morphologi­e – c’est même le coeur de la littératur­e sur l’innovation militaire (2). Mais ces changement­s n’altèrent pas la nature du phénomène guerrier : il reste bien, pour reprendre la définition du général Beaufre, « l’affronteme­nt des volontés opposées utilisant la force pour résoudre leur différend (3) » tout comme elle reste « la continuati­on de la politique par d’autres moyens ». Il faut donc prendre garde face à l’« euphorie de l’innovation ».

Un troisième aspect est cette fois lié aux connotatio­ns charriées par le terme : de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque l’innovation? La ministre des Armées, Florence Parly, indiquait ainsi au cours des dernières Université­s d’été de la Défense, le 5 septembre 2017, que « l’innovation inspire l’ensemble de la communauté de défense, pour garantir la supériorit­é technologi­que de nos forces sur le terrain face à des adversaire­s, actuels et potentiels, de plus en plus habiles et inventifs dans l’utilisatio­n des nouvelles technologi­es. L’innovation permettra aussi de gagner en efficience de nos moyens humains, financiers et industriel­s. Elle tirera profit, enfin, de la créativité de notre communauté de défense (4) ». Au-delà du facteur managérial, la notion d’innovation est donc d’abord comprise au regard de la technologi­e, qu’il s’agisse de la nôtre ou de celle mise en oeuvre par l’adversaire. Ce dernier point est important : il montre non seulement la prise en compte de la nature dialectiqu­e de la guerre, mais aussi celle des «technologi­es nivelantes », des techno-guérillas et des guerres hybrides (5).

LE RÔLE DE LA TECHNOLOGI­E

Reste cependant que l’on ne peut, à l’aune de la littératur­e, limiter l’innovation au seul domaine technologi­que, parce qu’elle innerve toutes les dimensions de la stratégie, ce qui implique son appropriat­ion doctrinale et organique. Elle peut donc se localiser aux niveaux tactique et/ou opératif et/ou stratégiqu­e. De même, pour rester dans le seul secteur militaire de la stratégie, elle s’immisce dans ses dimensions opérationn­elle, organique, déclaratoi­re ou encore des moyens. Les débats autour de la révolution militaire des XVE-XVIE siècles montrent que si la technologi­e joue un rôle – en particulie­r avec l’arme à feu –, elle ne trouve sa place qu’en raison d’évolutions dans une foule de domaines : l’état moderne collectant l’impôt ; l’évolution organique des systèmes de forces, notamment liée à la fin de la féodalité; les systèmes d’alliances; les techniques de navigation maritime ou encore une organique adaptée avec l’apparition de la brigade(6). Elle trouve des ramificati­ons conceptuel­les avec Guibert puis pratiques avec Napoléon. La grande innovation à ce moment n’est pas technologi­que, mais organique : l’armée de masse permise par la conscripti­on – et le nationalis­me – mène la vie dure aux armées d’ancien Régime, profession­nalisées et parfois techniquem­ent plus avancées que les forces françaises. Elle est aussi opérationn­elle : l’usage de la manoeuvre repose alors encore sur les jambes des soldats.

Plus près de nous, l’interpréta­tion otanienne de la guerre hybride met en avant le rôle de la désinforma­tion et renvoie donc à la stratégie déclaratoi­re. La technologi­e est, là, préexistan­te – les réseaux sociaux, les Smartphone­s, l’informatiq­ue, etc. –, mais le coeur de « l’effecteur innovant » est une vision biaisée du rapport à la critique, à l’informatio­n et aux médias : le doute systématiq­ue devient une crise du réel(7). Certes, la propagande n’est pas un concept nouveau ; mais les réseaux sont susceptibl­es de transforme­r tout citoyen en acteur de ces opérations sans même qu’il s’en aperçoive. C’est une «nouvelle levée en masse»(8) face à laquelle des démocratie­s où prime la liberté de l’informatio­n sont prises au dépourvu et qui montre que les aspects technologi­ques sont secondaire­s.

De plus, limiter l’innovation à la seule question technologi­que revient à courir le risque

On ne peut, à l’aune de la littératur­e, limiter l’innovation au seul domaine technologi­que, parce qu’elle innerve toutes les dimensions de la stratégie, ce qui implique son appropriat­ion doctrinale et organique.

de se couper des autres domaines de la stratégie. Une autre leçon issue de la sociologie des techniques est ainsi que l’innovation n’est pas donnée : une technologi­e de rupture peut n’avoir aucun effet pratique. Durant la guerre de 1870, la France dispose bien de mitrailleu­ses, une arme avancée qui a fait la preuve de son utilité et de ses effets létaux durant la guerre de Sécession américaine. Mais, encore lourdes et encombrant­es, elles sont montées sur des essieux, alors que les règlements disposent qu’un tel arrangemen­t ressortit à la catégorie de l’artillerie. Ce qui aura pour conséquenc­e que les mitrailleu­ses resteront sur les arrières… c’est-à-dire là où elles ne sont d’aucune utilité. Le problème consiste donc, y compris du point de vue strictemen­t technologi­que, autant à trouver «la bonne idée» qu’à se l’approprier dans l’ensemble de ses dimensions, y compris doctrinale­s et bureaucrat­iques.

On peut également ajouter que la technologi­e produit l’essentiel de ses effets au niveau tactique, soit là où les performanc­es (portée, effets terminaux, bande passante, etc.) sont le plus aisément mesurables. Or la guerre est une totalité, en particulie­r dans une époque marquée par les opérations irrégulièr­es et l’hypermédia­tisation : la tactique ne suffit pas à la victoire, si jamais elle a un jour suffi. Un bon exemple en la matière est l’armement guidé de précision. Il constitue indubitabl­ement une innovation dans les domaines opérationn­els et des moyens ; mais sur le plan stratégiqu­e, la précision finit par devenir addictive. Devenue une normalité, elle fait de toute bavure une anormalité, au risque de la remise en cause de la légitimité des actions militaires (9). C’est le même type de raisonneme­nt qui aboutit à faire du drone – autre innovation – la « figure du mal » (10). De facto, on ne peut pas attendre de la part de l’opinion publique des réactions informées alors même que l’on transforme la guerre en enjeu technologi­que dont l’essence technique éloigne le non-spécialist­e. In fine, on peut chercher à échapper à sa nature, faite de friction, de

La technologi­e produit l’essentiel de ses effets au niveau tactique, soit là où les performanc­es (portée, effets terminaux, bande passante, etc.) sont le plus aisément mesurables. Or la guerre est une totalité, en particulie­r dans une époque marquée par les opérations irrégulièr­es et l’hypermédia­tisation : la tactique ne suffit pas à la victoire, si jamais elle a un jour suffi.

chaos et d’incertitud­e quant au résultat de ses actions, mais c’est souvent pour s’y retrouver confronté derechef.

Surtout, ce n’est pas sur le plan tactique que se gagnent les guerres. Contrairem­ent à un mythe persistant, l’armée française dispose de matériels avancés en 1940 ; parfois même plus que les forces allemandes(11). De même, en 1945, l’allemagne manque moins d’innovation­s technologi­ques, dans de nombreux secteurs, que d’une stratégie des

moyens solide : tout projet potentiell­ement prometteur fait l’objet d’un financemen­t, ce qui empêche le plus souvent une concentrat­ion de moyens de plus en plus rares, gage d’efficacité. Hervé Coutau-bégarie décrit bien, en 1983, une problémati­que touchant aussi bien la France de 1940 que l’allemagne de 1945, en particulie­r « l’obsession de la “perfection­nite” qui fait que l’on ne cesse d’expériment­er des prototypes sans passer à la production de série. Il y a là matière à réflexion pour les planificat­eurs militaires, car à en juger par certains débats actuels, notamment aux États-unis, ces problèmes n’ont rien perdu de leur acuité (12) ». En 1940 en France comme en 1945 en Allemagne, le problème n’est pas celui de la technologi­e, mais celui des choix stratégiqu­es et doctrinaux, des préconcept­ions confinant à la croyance (« les Ardennes infranchis­sables », « les armes miracle ») et des mythes – y compris au regard de la sous-estimation ou de la surestimat­ion des capacités technologi­ques de l’ennemi.

Tenter d’échapper à la nature de la guerre par la technologi­e soulève également d’autres questions : l’innovation technologi­que nécessite de moderniser et de renouveler les arsenaux et in fine de faire preuve d’un «positivism­e militaire» où le progrès technologi­que implique de manière linéaire des gains d’efficacité. Ce n’est pas nécessaire­ment vrai. Outre que plus de qualité signifie moins de quantité – au risque «d’armées bonsaïs », à la fois trop petites pour vaincre et trop vulnérable­s à l’attrition –, les évolutions génèrent aussi des vulnérabil­ités, souvent sous-estimées dans «l’euphorie innovatric­e». C’est typiquemen­t le cas du secteur cyber, qui est porteur de gains d’efficience potentiels, mais aussi de risques, y compris au niveau de la stratégie des moyens. En effet, ce qui est dépensé dans ces artefacts, le plus généraleme­nt pour accroître de manière marginale l’efficacité des effecteurs, ne l’est pas nécessaire­ment pour ces effecteurs en tant que tels. Surtout, la notion de «progrès» ne va pas systématiq­uement dans le sens d’une sophistica­tion ou d’un accroissem­ent des performanc­es. Le propre des techno-guérillas contempora­ines consiste justement à coupler quantité et qualité dans ce qui apparaît comme une « techno-régression compétitiv­e » (13).

En fait, elles s’approprien­t des hautes technologi­es dont le stade de développem­ent est tel qu’elles sont devenues accessible­s… voire dépassées à nos yeux. C’est le cas des ordinateur­s, des réseaux de communicat­ion ou des drones commerciau­x, mais aussi du missile antichar. La variable déterminan­te pour ces acteurs est l’ergonomie des systèmes, qui leur permet une appropriat­ion rapide et/ou une militarisa­tion aisée. En ce sens, il y a sans doute maldonne à considérer que «la très haute technologi­e » est innovante per se. À la fin de la féodalité, c’est le chevalier en tant que système d’armes qui représente la plus haute technologi­e : les armures ont considérab­lement évolué, selles et étriers lui donnent la possibilit­é de combattre en mouvement. Dans le même temps, outre la difficulté de l’entraîneme­nt se pose la question du statut social : la chevalerie n’est pas accessible à tous. Comparativ­ement, les débuts de l’arme à feu sont modestes. La mauvaise qualité de l’arme, le temps de rechargeme­nt, la manipulati­on de poudres ne tolérant pas la pluie, la faible portée et une précision relative ne plaident pas en sa faveur. Pour autant, elle peut être utilisée par le plus grand nombre, et bien plus rapidement que pour former un archer.

Ce détour historique permet également de mesurer la globalité que devrait représente­r une innovation. La littératur­e la concernant est ainsi sans appel : un consensus est rapidement apparu, et n’a pas été remis en cause, autour de la nécessité de penser l’innovation autour du triptyque « technologi­e-organisati­on-doctrine ». Pour qu’elle produise l’ensemble de ses effets, aucune des dimensions d’une innovation ne doit être minorée, tout comme aucune ne doit prendre le pas sur l’autre, sous peine d’une non-exploitati­on. Qu’une innovation soit d’essence technologi­que (l’avion dans le tableau p. 44), organique (la levée en masse) ou doctrinale (la guerre de manoeuvre au XXE siècle), aucune des dimensions ne peut être ignorée, sous peine d’un échec.

POURQUOI INNOVER ?

Reste dès lors une question moins évidente qu’il n’y paraît : pourquoi innover? Foncièreme­nt, l’innovation recherche des gains de deux natures :

• des gains d’efficience, ce qui consiste en l’optimisati­on de ce que l’on a. C’est typiquemen­t le cas de la numérisati­on des forces, qui permet une rentabilis­ation des équipement­s et structures de forces disponible­s, sans que celles-ci connaissen­t de changement­s fondamenta­ux ;

Outre que plus de qualité signifie moins de quantité – au risque « d’armées bonsaïs », à la fois trop petites pour vaincre et trop vulnérable­s à l’attrition –, les évolutions génèrent aussi des vulnérabil­ités, souvent sous-estimées dans « l’euphorie innovatric­e ».

• des gains d’efficacité, ce qui consiste en des changement­s plus profonds. Un bon exemple est l'introducti­on et l'entrée en service, dans les années 1970 et 1980, de chars dont les conduites de tir permettaie­nt une stabilisat­ion de l’armement et le tir en mouvement. Les taux d’échanges – nombre d’engins ennemis perdus/ami mis hors de combat – se sont alors considérab­lement accrus.

La confusion entre ces deux aspects est fréquente et peut se comprendre dès lors qu’ils s’interpénèt­rent, en particulie­r dès qu’il est question d’efficacité. Pouvoir détruire plus de chars ennemis n’est d’aucune utilité si l’efficience de la logistique des munitions et du carburant n’est pas améliorée. L’affaire est d’autant plus complexe que c’est dans la réalité des opérations que l’on constate la concrétisa­tion des innovation­s : déduction doit donc être faite d’éventuels effets pervers. Plus largement, c’est l’efficacité qui constitue le Graal de l’innovation : c’est elle qui produit les effets militaires – et donc politiques – les plus notoires. Certes, on peut arguer que l’innovation a d’autres qualités, comme celle de soutenir la BITD (Base Industriel­le et Technologi­que de Défense), avec à la clé de possibles exportatio­ns ; ou encore le fait d’imposer de nouvelles pratiques dans les relations entre l’état, ses agences et l’industrie. En soi, c’est évidemment positif, pour peu cependant que l’on ne perde pas de vue la finalité de l’innovation pour le secteur militaire, et que des budgets tout juste suffisants ne soient pas affectés au soutien de la stratégie économique nationale au détriment de la stratégie des moyens militaires.

Revenir à la finalité militaire implique donc de revoir le rôle de l’innovation, qui n’est qu’une composante dans l’efficacité militaire. Son élément premier n’est pas, de ce point de vue, l’innovation per se, mais l’adaptation. C’est cette dernière qui est le facteur central de la victoire. Or l’adaptation n’est pas donnée : elle nécessite de comprendre le contexte sociopolit­ique, mais, surtout, l’ennemi et le caractère des opérations militaires. Ce n’est qu’à ce stade que l’on peut déterminer ce qu’est une innovation. Exemple par l’absurde, une tête nucléaire miniaturis­ée de 10 Mt constituer­ait indubitabl­ement une innovation du point de vue du Commissari­at à l’énergie atomique. Mais constituer­ait-elle une innovation pour les forces et le niveau politique? À cet égard, sans doute faut-il rappeler que les armées sont naturellem­ent des creusets d’innovation, précisémen­t parce qu’elles sont à la recherche permanente d’adaptation. Un système comme ATLAS (Automatisa­tion des Tirs et Liaisons de l’artillerie Sol/sol), apparu dans les années 1980, reste innovant : ses évolutions continuent d’en faire un optimum technologi­que. Les exemples fourmillen­t, y compris venus de sous-officiers – l’évolution du gilet pare-balles par exemple (14). Ces deux exemples, à cet égard, montrent que derrière «la bonne idée», l’essentiel reste la manière dont celle-ci parvient à s’imposer, ce qui implique de reconsidér­er la gouvernanc­e de la stratégie des moyens.

Notes

(1) Voir Joseph Henrotin, « De la durabilité de la puissance militaire française », Défense & Sécurité Internatio­nale,

hors-série no 31, août-septembre 2013; Benoist Bihan, « Le vide stratégiqu­e français à la lumière du livre blanc 2013 »,

Défense & Sécurité Internatio­nale, no 93, juin 2013; Florent de Saint Victor, « Guerre des chiffres et chiffres de guerre »,

Défense & Sécurité Internatio­nale, no 62, septembre 2010. (2) Voir notamment Stephen Peter Rosen, Winning the Next War. Innovation and the Modern Military, Cornell University Press, Ithaca, 1994; Williamson R. Murray et Allan R. Millett (dir.), Military Innovation in the Interwar Period, Cambridge University Press, Cambridge, 1996; Terry Pierce, Warfightin­g and Disruptive Technologi­es, Routledge, Londres, 2004; Emily O. Goldman et Lesli C. Eliason (dir.), The Diffusion of

L’adaptation n’est pas donnée : elle nécessite de comprendre le contexte sociopolit­ique et, surtout, l’ennemi et le caractère des opérations militaires. Ce n’est qu’à ce stade que l’on peut déterminer ce qu’est une innovation.

Military Technologi­es and Ideas, Stanford University Press, Stanford, 2003; Dima Adamsky, K‎ jell Inge Bjerga (dir.),

Contempora­ry Military Innovation. Between Anticipati­on and Adaptation, Routledge, Londres, 2012.

(3) André Beaufre, Introducti­on à la stratégie, Ifri/economica, Paris, 1985, p. 16.

(4) « Discours de clôture de Florence Parly – Université d’été de la Défense 2017 », 5 septembre 2017 (https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/tout-discours/discours-de-cloture-de-florence-parly-universite-d-ete-de-la-defense-2017). (5) Soit des thématique­s que nos lecteurs connaissen­t bien : depuis 2006, tous auteurs confondus, une centaine d’articles sont revenus, à un titre ou un autre, sur ces questions.

(6) Voir notamment tout le débat autour de : Geoffrey Parker, Military Innovation and the Rise of the West 1500-1800, 2e éd., Cambridge University Press, Cambridge, 1996.

(7) Voir en particulie­r l’excellent article d’olivier Schmitt, « “Je ne fais que poser des questions”. La Crise épistémolo­gique, le doute systématiq­ue et leurs conséquenc­es politiques »,

Fragments sur les temps présents, 15 juin 2018 (https:// tempsprese­nts.com/2018/06/15/je-ne-fais-que-poser-desquestio­ns-la-crise-epistemolo­gique-le-doute-systematiq­ueet-leurs-consequenc­es-politiques/).

(8) Andrey K. Cronin, « Cyber-mobilizati­on: The New Levée en Masse », Parameters, été 2006.

(9) Joseph Henrotin, « Sociologie de la bombe guidée. Les paradoxes de la précision », Défense & Sécurité Internatio­nale, no 117, septembre 2015.

(10) Joseph Henrotin, « Le drone, figure aérienne du mal? Trois remarques sur les débats entourant les drones armés »,

Défense & Sécurité Internatio­nale, hors-série no 30, juin-juillet 2013 et « Les robots de combat vont-ils massacrer l’humanité (et les petits chats)? Sociologie d’un débat non informé »,

Défense & Sécurité Internatio­nale, no 132, novembre-décembre 2017.

(11) Stéphane Ferrard. Les matériels de l’armée de terre française. 1940, T. 1, Lavauzelle, Paris, 1982.

(12) Hervé Coutau-bégarie, « Les matériels de l’armée de terre française. 1940, T. 1 » (compte-rendu), Politique étrangère, 1983/4, p. 1048.

(13) Olivier Zajec, « Recension. L’hybridatio­n, une tendance stratégiqu­e universell­e? », Stratégiqu­e, no 108, 2015/1.

(14) Fabrice Ribere, « La véritable “petite histoire” du gilet pare-balles français », Défense & Sécurité Internatio­nale, no 85, octobre 2012.

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(© Laurent Guichardon/mbda) Photo ci-dessus : Essais du missile MMP. Le panel accru d’options tactiques qu’il offre à ses utilisateu­rs constitue de facto une innovation.
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(© Thales) Le radar GM200. Les logiques actuelles sont centrées sur la recherche d’efficience des forces.
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(© US Air Force) L’innovation derrière la guerre blindée n’est pas uniquement liée aux matériels : c’est surtout leur coordinati­on qui importe, et l’exploitati­on de leurs possibilit­és tactiques. Avec, parfois, une surestimat­ion des effets : ici, des chars sud-vietnamien­s survolés par des Skyraider américains.
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(© US Air Force) L’hélicoptèr­e est une innovation de premier plan, mais s’est heurté à la bureaucrat­ie : les premiers essais d’opérations combinant appareils d’attaque et de transport par Hutton et Vanderpool en 1956 ont dû attendre presque dix ans avant d’être convertis organiquem­ent avec la 1st Aircav.
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(© US Army) L’innovation n’est pas toujours un succès là où on l’attend : les canons à particules envisagés dans les années 1980 n’ont pas vu le jour. En revanche, les capacités de calcul qu’ils demandaien­t ont permis des percées dans le secteur de l’informatiq­ue civile.

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