DSI Hors-Série

TYPE-055 : LE PREMIER CROISEUR CHINOIS

- Jean-jacques MERCIER Spécialist­e des questions de défense.

Jean-jacques MERCIER

Qualifié de «destroyer», le Type-055 (code OTAN : Renhai) marque cependant une rupture à plusieurs égards dans la structure de forces navales chinoises. Avec une nouvelle carène, le bâtiment a un déplacemen­t et un armement plus importants que le Type-052d et bénéficie de nouveaux capteurs. Avec les grands ravitaille­urs d’escadre Type-901, il apparaît ainsi comme l’une des pièces maîtresses des futurs groupes aéronavals chinois.

Juin 2017 pourrait bien avoir marqué un tournant dans l’évolution de la marine chinoise, avec le lancement, le 28, du premier Type-055. Bien que qualifié de «destroyer» par la littératur­e chinoise, ce bâtiment apparaît comme un croiseur en bonne et due forme. La Chine suit ainsi une tendance à la relativisa­tion sémantique déjà observée aux États-unis (classe Zumwalt) et en Russie (type Lider). Ce projet avait été évoqué dès 2012, la constructi­on des premiers éléments semblant intervenir en 2013. Entre-temps, une structure répliquant le navire était installée au sol, permettant de tester les systèmes et les interféren­ces électromag­nétiques. Le programme est mené tambour battant : les deux chantiers de Jiangnan et Dalian ont été mobilisés.

La première unité a été lancée le 28 juin 2017 et ses essais à la mer ont commencé fin août 2018. Trois autres lancements sont intervenus de manière rapprochée, un le 28 avril 2018 et deux (!) le 3 juillet 2018. Deux autres unités sont actuelleme­nt en constructi­on (la dernière mise sur cale semblant avoir eu lieu en mars 2018), portant le total à six, mais il est probable que d’autres bâtiments soient prévus. Certaines sources estiment le total à huit, d’autres à dix. Au terme des essais de la première unité, une admission au service est évoquée pour 2019. On note donc la célérité avec laquelle le programme a été conduit, qu’il s’agisse du développem­ent des équipement­s ou de la constructi­on dans les chantiers, qui auront acquis durant la décennie une expérience considérab­le sur tout le spectre des bâtiments de surface.

Peu d’informatio­ns ont été publiées au sujet du Type-055, mais plusieurs estimation­s peuvent être considérée­s comme crédibles. C’est d’abord le cas concernant son déplacemen­t : s’il est officielle­ment de 10000 t, ses dimensions – sa longueur est de 180 m pour une largeur de 20 m – le rapprocher­aient des 12 000 ou 13 000 t. Une telle carène autorise le positionne­ment d’un grand nombre de tubes de lancement verticaux. Si 64 tubes peuvent être comptés sur la plage avant, le groupe de lanceurs positionné à l’arrière en comporte 48. Avec 112 tubes au total, le Type-055 double a priori la salve de missiles du Type-052d(1), tout en montrant un accroissem­ent substantie­l du tonnage. L’armement embarqué comprend des missiles surface-air HHQ-9,

La première unité a été lancée le 28 juin 2017 et ses essais à la mer ont commencé fin août 2018. Trois autres lancements sont intervenus de manière rapprochée, un le 28 avril 2018 et deux (!) le 3 juillet 2018.

Photo ci-dessus : Cérémonie de lancement de la tête de classe. Les Renhai apparaisse­nt, tant par leur déplacemen­t que par la variété des capteurs et leur puissance de feu, comme de véritables croiseurs. (© Xinhua)

des missiles de croisière d’attaque terrestre CJ-10 et, surtout, des YJ-18. Ces missiles antinavire­s et d’attaque terrestre(2) sont donnés par le Pentagone pour avoir une portée de 540 km, au terme d’un vol combinant une phase subsonique et une phase terminale supersoniq­ue. Le fait qu’ils puissent être lancés de silos verticaux permet d’accroître considérab­lement la salve antinavire comparativ­ement aux engins chinois – ou occidentau­x – précédents.

Ces tubes pourront également recevoir des missiles ASM, une fois qu’ils seront disponible­s. En plus des tubes de lancement verticaux, les bâtiments sont dotés du même canon PJ-38 de 130 mm que l’on retrouve les destroyers Type-052d. Le développem­ent d’un canon électromag­nétique, évoqué à plusieurs reprises par la littératur­e, pourrait déboucher sur une installati­on à terme sur les Type-055 (3), la propulsion de ces derniers devant cependant, dans cette hypothèse, être revue. La présence de tubes lance-torpilles n’a pas été confirmée, mais semble probable. La protection rapprochée est constituée d’un CIWS Type-730 (sept tubes de 30 mm) positionné devant la passerelle et d’un FL-3000N sur le hangar pour hélicoptèr­es. Le système, semblable au RAM, comprend 24 cellules de lancement pour missiles à guidage infrarouge HQ-10, d’une portée maximale de 9 km. S’ajoute à ces capacités l’embarqueme­nt de deux hélicoptèr­es – contre un seul sur les précédents destroyers chinois – de type Z-9 ou d'un massif Z-18.

Le bâtiment semble de prime abord optimisé pour la défense aérienne, avec un mât intégré abritant un radar de type inconnu à faces planes et d’autres capteurs. Il faut y ajouter un AESA à faces planes Type-346b sur la superstruc­ture de la passerelle. Son positionne­ment relativeme­nt bas limite la portée de détection de cibles rasantes, mais permet de disposer d’une plus grande surface. Le radar positionné dans la mâture intégrée pourrait compenser ce manque de portée. S’y ajoutent des mesures de soutien électroniq­ue ou encore des systèmes de communicat­ion et des liaisons de données; certains de ces équipement­s étant nouveaux. Le bâtiment est également bien équipé en matériels ASM. En plus d’une antenne sonar remorquée qui semble proche de celle des destroyers Type-052d et des frégates Type-054a, il est doté d’un sonar de proue, cette fois nettement plus volumineux que ceux observés sur les autres bâtiments de surface. In fine, les unités de cette classe sont à considérer comme effectivem­ent polyvalent­es. De plus, deux baies de grandes dimensions permettent l’embarqueme­nt d’une drome importante. La taille de ces baies n’interdit pas de penser qu’elles peuvent permettre la mise en oeuvre de drones de surface ou sous-marins. Avec un équipage estimé à 300 personnes, le bâtiment ne dispose pas d’une propulsion électrique intégrée – une limitation pour ce qui concerne l’installati­on d’un canon électromag­nétique. Pour l’instant, la propulsion comprend quatre turbines à gaz QC-280 de 28 MW de puissance unitaire, des générateur­s électrique­s permettant, selon certaines sources, d’offrir une puissance supérieure à celle disponible sur les Arleigh Burke. La puissance réservée à la propulsion permettrai­t quant à elle de dépasser aisément les 30 noeuds, rendant les navires aptes à l’escorte de porte-avions STOBAR, dont les opérations aériennes nécessiten­t un fort vent relatif. In fine, les capacités de cette nouvelle classe ne sont pas encore totalement connues, ne serait-ce que du point de vue des capteurs, dont bon nombre suscitent encore des interrogat­ions de la part des analystes. Il n’en demeure pas moins que les Renhai constituen­t un message clair adressé aux puissances régionales… mais aussi aux autres marines de par le monde.

Notes

(1) Voir notamment Corentin Houchet, « Les destroyers de la classe “Luyang” : de la lutte antisurfac­e à la polyvalenc­e », Défense & Sécurité Internatio­nale, no 108, novembre 2014. (2) L’engin peut être tiré depuis des bâtiments de surface, des batteries côtières ou des sous-marins.

(3) Voir l’article consacré aux railguns dans ce hors-série.

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 ??  ?? Le lancement de deux Type-055, le 3 juillet 2018.L’opération apparaît autant comme une prouesse technique que comme un message politique. (© D.R.)
Le lancement de deux Type-055, le 3 juillet 2018.L’opération apparaît autant comme une prouesse technique que comme un message politique. (© D.R.)

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