DSI Hors-Série

« JE METS TOUTE MON ÉNERGIE POUR QUE NOUS NE RATIONS AUCUN VIRAGE IMPORTANT »

Entretien avec Florence PARLY, ministre des Armées

- Avec Florence PARLY Ministre des Armées.

L’attention se porte depuis plusieurs mois sur la question des États-puissances. La LPM permet certes d’y faire face d’un point de vue capacitair­e et plusieurs annonces de travaux, notamment sur l’hypersoniq­ue, y renvoient. Mais politiquem­ent, comment faire face dans un contexte marqué par le relatif désengagem­ent américain et une montée en puissance des États européens variableme­nt lente ?

Florence Parly : Soyons clairs, les Américains restent et resteront un allié et un partenaire essentiel pour l’europe. Les milliards d’euros et les dizaines de milliers de troupes présentes sur notre continent l’attestent plus que n’importe quel tweet. Je dirais presque : l’attitude de Donald Trump est une chance pour l’europe de la défense. Elle a contribué au réveil des Européens ; à leur faire sentir, à juste titre, la nécessité de prendre leur part du fardeau, d’être plus responsabl­es dans un monde plus dangereux. Mais attention toutefois à ne pas avoir une vision uniquement mercantile. Notre solidarité politique et militaire ne se mesure pas à l’aune des commandes de F-35. Nous le disons clairement aux Américains : nous construiso­ns en ce moment une Europe de la défense qui permettra aux Européens de prendre leur part. Cette solidarité, elle est désintéres­sée, profonde, stratégiqu­e : ce doit être le partage du fardeau, pas le partage du gâteau. Permettez-moi de nuancer votre question, la montée en puissance des États européens, si elle est variable, est bien plus rapide que lente. L’europe se mobilise et de façon inédite : seulement deux ans ont été nécessaire­s à la création du Fonds européen de défense, en passe de consacrer 13 milliards d’euros à notre défense. C’est extrêmemen­t rapide : habituelle­ment, il faut plutôt dix ans pour voir l’entrée en vigueur d’un règlement européen. De même, il a fallu moins d’un an pour que l’initiative européenne d’interventi­on, souhaitée par le président de la République dès son discours à la Sorbonne, voie le jour et fédère neuf pays autour de scénarios concrets de protection des population­s. Nous avançons ensemble, et nous sommes mobilisés sur tous les fronts : il y a seulement quelques jours, j’ai signé aux côtés d’ursula von der Leyen et de Margarita Robles, mes homologues allemande et espagnole, un accord politique engageant pour la constructi­on de notre avion de combat du futur. Et c’est ça l’europe de la défense : porter une volonté commune, croire en notre capacité à agir ensemble et surtout, ne pas prêter attention aux cyniques. C’est ce que nous faisons, avec succès.

Nous le disons clairement aux Américains : nous construiso­ns en ce moment une Europe de la défense qui permettra aux Européens de prendre leur part. Cette solidarité, elle est désintéres­sée, profonde, stratégiqu­e : ce doit être le partage du fardeau, pas le partage du gâteau.

Vingt ans après le sommet de Cologne de 1999, la défense européenne gagne politiquem­ent en traction… au risque que certains la déconsidèr­ent ou n’y voient

qu’un expédient pour réduire leur effort de défense. Dans le même temps, le terme est souvent creux : certains y voient de la consolidat­ion industriel­le, d’autres des coopératio­ns capacitair­es. Quel objectif assignerie­z-vous à la défense européenne ?

Il faut d’abord regarder autour de nous : aux portes de l’europe, de la mer Baltique à la mer Noire, et plus récemment en mer de Chine, l’ordre internatio­nal fondé sur le droit est remis en question par le recours à la force et à l’intimidati­on. Parallèlem­ent à cette montée progressiv­e des tensions, le terrorisme demeure une menace latente aux côtés des cybermenac­es. Cet environnem­ent, nous le partageons avec nos partenaire­s européens. Mais nous partageons avec eux bien plus que les menaces ; nous avons une chance, celle d’être unis par nos valeurs. Certes, les valeurs ne protègent pas, mais elles nous offrent des outils pour imaginer notre protection. L’objectif est donc de bâtir une Europe qui protège. Une Europe de la défense dotée de sa propre autonomie stratégiqu­e, capable d’intervenir lorsqu’il le faut, sans toujours dépendre des Étatsunis. Cela signifie trois choses : la première, c’est être capable d’apprécier et de décider entre Européens. Sans oublier nos intérêts nationaux, c’est se retrouver autour de la défense d’intérêts communs à tous les pays européens. L’initiative Européenne d’interventi­on (IEI), portée par la France, permettra aux armées de dix États européens parmi les plus volontaire­s et les plus capables de renforcer leur culture stratégiqu­e commune, pour « européanis­er » davantage encore nos opérations. D’ailleurs, les Britanniqu­es et les Estoniens sont engagés à nos côtés dans le cadre de « Barkhane », car ils ont estimé avec nous que la sécurité de l’europe dépendait en partie de celle du Sahel. D’autres Européens viendront prochainem­ent nous rejoindre et poursuivre l’européanis­ation de cette opération. La deuxième, c’est acquérir les capacités pour agir, investir pour équiper nos forces des matériels clés dont elles ont besoin. Les États-unis disposent aujourd’hui de 80% des capacités de transport stratégiqu­e collective­s ou encore de 92% des drones lourds. Dans ces conditions, comment agir en cas de crise mettant en jeu des intérêts européens ? Il y a urgence à investir ensemble. Le système de combat aérien du futur, dont la maquette a récemment été dévoilée au Salon du Bourget et que nous construiso­ns avec l’allemagne et l’espagne, est une première étape. Enfin, la troisième chose, c’est avoir des matériels dont nous maîtrisons la technologi­e. Car l’autonomie politique et opérationn­elle repose d’abord sur l’autonomie technologi­que et industriel­le. Non seulement nos forces doivent bénéficier des équipement­s dont elles ont besoin pour opérer ensemble, mais il nous faut aussi favoriser les programmes européens pour consolider nos industries et soutenir nos emplois. Et cela veut dire développer une industrie européenne. On ne peut pas avoir les trois quarts des pays européens qui achètent américain si on prétend construire l’europe de la défense. C’est contradict­oire.

Mais nous avançons et, chaque jour, la défense européenne prend de l’envergure. Sur le plan politique, la Coopératio­n Structurée Permanente (CSP) a pour but de fédérer les partenaire­s européens autour d’engagement­s contraigna­nts, à l’instar de l’augmentati­on de nos budgets de défense, et de projets concrets, notamment capacitair­es. Nous en avons déjà lancé 34 – la France participe à 25 projets, dont huit qu’elle coordonne –, signe d’un dynamisme exceptionn­el des Européens. À titre d’exemple, un projet est consacré à la rénovation de l’hélicoptèr­e Tigre, utilisé au quotidien pour combattre les terroriste­s au Sahel ; un autre projet, du nom D’EURAS, permet le développem­ent de solutions innovantes en matière de radionavig­ation s’appuyant sur Galileo, le « GPS européen ». Sur le plan capacitair­e, la Commission européenne a proposé de consacrer 20 milliards d’euros spécifique­ment à la défense de 2021 à 2027 : les 13 milliards du Fonds européen de défense qui soutiendra la recherche technologi­que européenne ainsi que le développem­ent de nouveaux équipement­s militaires ; et les 6,5 milliards pour la mobilité militaire, domaine clé de la coopératio­n entre L’OTAN et l’union européenne, qui vise à faciliter les mouvements de nos troupes en Europe. En attendant 2021, le Programme Européen de Développem­ent Industriel de Défense (PEDID), lancé en 2018 comme programme «test» du Fonds européen de défense, consacrera 500 millions d’euros en 2019 et 2020 à des projets

Les Britanniqu­es et les Estoniens sont engagés à nos côtés dans le cadre de «Barkhane», car ils ont estimé avec nous que la sécurité de l’europe dépendait en partie de celle du Sahel. D’autres Européens viendront prochainem­ent nous rejoindre.

structuran­ts, notamment l’eurodrone, porté par l’allemagne, l’espagne, l’italie et la France. Sur le plan opérationn­el, nous avons mis en place en 2017 un outil de planificat­ion et de commandeme­nt des missions «non exécutives», la MPCC (Military Planning and Conduct Capability), qui devrait à terme pouvoir assurer le commandeme­nt de missions combattant­es. Par ailleurs, la Facilité européenne de la paix, un nouvel outil de financemen­t de l’action extérieure de l’union européenne, est en cours de développem­ent. Ces avancées significat­ives marquent d’une certaine manière la fin d’un cycle entamé il y a un peu plus de deux ans; de belles perspectiv­es s’ouvrent à nous, et je vous en reparlerai avec joie quand les choses se préciseron­t.

L’année dernière, vous nous indiquiez avoir d’excellente­s relations avec Jim Mattis, alors secrétaire d’état à la défense américaine. Est-ce également le cas avec Patrick Shanahan? Plus largement, quel est l’état de nos relations de défense avec les États-unis ?

Je tiens à souligner que les échanges avec Jim Mattis furent d’une grande qualité, extrêmemen­t féconds. Son expérience militaire et sa hauteur de vue ont porté notre coopératio­n à un niveau élevé. Le changement

Sur le plan opérationn­el, nos forces ont atteint un rare niveau d’interopéra­bilité dans tous les domaines de pointe, où le savoir-faire est peu répandu : opérations aériennes, opérations conjointes de porte-avions, opérations sous-marines.

de secrétaire d’état à la Défense n’a en rien altéré la qualité de la relation bilatérale entre nos ministères. Mes échanges avec ses successeur­s sont très réguliers, que ce soit avec P. Shanahan, ou avec son tout nouveau remplaçant, Mark Esper. Je me réjouis de voir que notre coopératio­n s’appuie sur une convergenc­e d’intérêts dans de nombreux domaines, notamment la lutte contre le terrorisme. Notre partenaria­t est prioritair­ement orienté sur l’analyse stratégiqu­e, les opérations, le renseignem­ent, le cyber et l’espace, le NRBC et l’innovation. Sur le plan opérationn­el, nos forces ont atteint un rare niveau d’interopéra­bilité dans tous les domaines de pointe, où le savoir-faire est peu répandu : opérations aériennes, opérations conjointes de porte-avions, opérations sous-marines. Nos armées combattent côte à côte au Levant, mais aussi au Sahel, comme l’illustrent les opérations «Hamilton» du 14 avril 2018 (en réponse à l’emploi de l’arme chimique par le régime syrien) et celle menée dans la nuit du 9 au 10 mai 2019 au Burkina Faso, pour la libération de quatre otages.

Au Levant, la France est le plus grand contribute­ur, après les États-unis, à la coalition contre Daech, et entend préserver cet effort pour prévenir toute résurgence de cette organisati­on. Nous travaillon­s actuelleme­nt avec mon homologue sur l’avenir de la coalition au sein de laquelle la coopératio­n franco-américaine demeurera centrale. Cette coopératio­n opérationn­elle est complétée par des échanges dans le cadre de formations, qui concernent chaque année 120 officiers français et américains. Enfin, sur le plan capacitair­e, notre partenaria­t a atteint 211,2 millions de dollars pour les achats en FMS (Foreign Military Sales) en 2018 et nous avons acquis quatre C-130J ainsi que des drones Reaper. Cela prouve au passage – s’il en était besoin – que nos initiative­s européenne­s en matière de sécurité n’érodent en rien le dynamisme de

nos échanges transatlan­tiques en matière d’équipement­s militaires. La responsabi­lisation des armées européenne­s n’est en effet pas un frein à la coopératio­n transatlan­tique. Bien au contraire, le renforceme­nt du pilier européen permettra de consolider cette relation. Il est de notre intérêt commun avec les États-unis d’avoir une Europe forte. C’est le sens de nos initiative­s en matière d’europe de la défense, et cela répond aussi à une demande répétée des États-unis. Nous opérons ensemble sur de nombreux théâtres d’opérations, notre coopératio­n en matière de renseignem­ent est très étroite. La capacité d’analyse indépendan­te de la France est très appréciée. Et aujourd’hui, je constate la solidité, au quotidien, en pratique, de l’engagement américain dans la sécurité transatlan­tique. De la présence avancée de L’OTAN dans les pays baltes à la coalition contre Daech, nous opérons ensemble. Nous pourrons cependant avoir des divergence­s d’appréciati­on des situations, des divergence­s de priorités en termes de réaction. Et c’est pour cela que les Européens doivent développer leur autonomie stratégiqu­e. Pour être en mesure de défendre leurs intérêts propres, dans les crises qui les touchent. Mais cela ne remet pas en cause nos liens avec les États-unis.

La situation en BSS dépend largement de l’implicatio­n des États de la région, notamment au sein du G5 Sahel. Quelle est votre appréciati­on de sa montée en puissance comme de celle des armées de la région ? Les États sur place doivent-ils faire plus, sur le plan militaire comme sur celui de la politique intérieure ?

Nous ne pouvons stabiliser seuls un espace grand comme l’europe, et certaineme­nt pas à la place des États sahéliens. Ils en ont conscience. C’est pour cela que le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad ont décidé, de leur propre chef, de créer le G5 Sahel en 2014. Ils l’ont doté en juillet 2017 d’une force conjointe. Cette initiative leur appartient, nous ne l’avons pas soufflée ou inspirée, ce sont les acteurs régionaux qui s’approprien­t leur avenir. En Afrique comme ailleurs, c’est la seule façon de régler durablemen­t une crise. Au Sahel, la crise est protéiform­e, produit de difficulté­s économique­s, de frustratio­ns sociales et de carences institutio­nnelles. Tout cela nourrit le terrorisme, lequel aggrave à son tour chacun de ces facteurs, et le cercle vicieux s’installe. Le rôle des armées françaises est de lutter contre les terroriste­s pour que l’état se réinstalle, et, dans le même temps, d’aider les forces armées des pays du G5 à monter en puissance pour assumer demain seuls cette lutte.

Les 4650 militaires de Barkhane, dont des Britanniqu­es et Estoniens, s’emploient nuit et jour, malgré l’immensité de la bande sahélo-saharienne, à traquer les groupes terroriste­s. Ils sont efficaces. Les succès tactiques se succèdent. Mais ces succès tactiques resteront vains si nous oublions qu’in fine la responsabi­lité de la sécurité revient aux forces locales. Le G5 contribue à cela. En moins de deux ans, la force conjointe a pris sous sa tutelle sept bataillons et réalisé des opérations dans les zones frontalièr­es, malgré l’attaque de son PC de Sévaré en juin 2018. Toutefois, si la force conjointe du G5 est un laboratoir­e d’interopéra­bilité et un symbole, elle n’est pas l’unique accélérate­ur des armées sahélienne­s. Par le biais de notre coopératio­n bilatérale, que ce soit avec Barkhane ou avec les Éléments français au Sénégal, nous les aidons à devenir toujours plus profession­nelles, mieux équipées et respectueu­ses du droit internatio­nal. Ainsi, la France a formé depuis 2014 plus de 8 700 Sahéliens dans les domaines de la planificat­ion, du déminage, du tir, de la tactique, de la topographi­e, etc. Nous avons fourni de nombreux matériels et contribué à mobiliser l’appui internatio­nal pour les équiper. Nous pouvons en mesurer les résultats. Nous avons observé que nos partenaire­s engageaien­t des forces de plus en plus robustes et autonomes, jusqu’à mener des manoeuvres complexes, mêlant hélicoptèr­es, fantassins et blindés. Les Burkinabè ont mené, de façon autonome, en mai dernier, une vaste opération tout en se coordonnan­t avec Barkhane et les Maliens qui agissaient de l’autre côté de la frontière. Alors oui, les capacités opérationn­elles des armées du G5 sont encore limitées; oui, beaucoup de contributi­ons promises à la force conjointe sont encore en souffrance ; oui, le Sahel est toujours fragile.

J’entends les critiques et les impatience­s. Mais Rome ne s’est pas faite en jour. Nous sommes sur la bonne voie. Nous devons continuer à responsabi­liser nos partenaire­s, même si cela prend du temps. Le pire serait de vouloir agir trop vite ou de se substituer à eux. Surtout, il faut entendre qu’au Sahel l’action militaire ne suffira pas. Il faut du développem­ent. La France, l’alliance pour le Sahel, l’union européenne, investisse­nt déjà des sommes considérab­les pour y contribuer. Mais cela aussi sera vain sans améliorati­on de la gouvernanc­e. En ce sens, les États sahéliens doivent s’investir plus, montrer davantage d’équité dans le traitement des communauté­s, veiller à être

Je suis inquiète pour le centre du Mali. Il y a eu trop de massacres entre Dogons et Peuls. Je le redis : il est urgent que le gouverneme­nt malien avance dans ses réformes. C’est son rôle et personne ne pourra le faire à sa place.

présents sur l’ensemble de leur territoire. Ils doivent retrouver un rôle rassembleu­r et un visage protecteur. C’est pour cela que nous appelons à constituer des forces armées et des administra­tions inclusives, acceptées par la population, qui inspirent confiance. Sans cela, les terroriste­s auront beau jeu d’instrument­aliser les rancoeurs et les vieux conflits ethniques, comme le fait la Katiba Macina avec les Peuls. Oui, je suis inquiète pour le centre du Mali. Il y a eu trop de massacres entre Dogons et Peuls. Je le redis : il est urgent que le gouverneme­nt malien avance dans ses réformes. C’est son rôle et personne ne pourra le faire à sa place.

La LPM continue de se dérouler. Entre les revendicat­ions des gilets jaunes et l’«accélérati­on » à partir de 2023, la trajectoir­e peut-elle être tenue ?

Le président de la République a affiché une ambition claire : celle de la remontée en puissance de nos armées et de notre outil de défense. Pour cela, il a promulgué, il y a un an, une loi de programmat­ion militaire qui a pour objectif de porter le budget des armées à 2% du PIB à l’horizon 2025. Ce sont ainsi près de 295 milliards d’euros qui seront investis au profit de notre défense dans les sept prochaines années. C’est un virage historique, à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés et dont nous savons bien qu’il ne peut être manqué sans conséquenc­es graves. Cela a représenté une hausse du budget de 1,7 milliard d’euros en 2019; ce sera autant en 2020 et cela avait déjà été le cas en 2018, avec 1,8 milliard d’euros investis de plus que l’année précédente. C’est essentiel pour l’équipement de nos militaires, pour leurs conditions d’exercice du métier, pour la défense de la France et des Français, mais aussi pour la constructi­on d’une véritable ambition européenne. La trajectoir­e sera tenue. Le Premier ministre l’a rappelé dans son discours de politique générale : le gouverneme­nt entend être constant et cohérent.

La plus grande erreur serait de considérer la fin du territoire de Daech comme une victoire définitive. Il faut garder son sang-froid et continuer méthodique­ment nos opérations. L’ennemi n’a pas disparu, même si le logiciel pour le combattre n’est plus le même.

Les forces armées évoluent dans le bon sens. Mais quels sont les points potentiell­ement « durs » qui focalisent votre attention ?

Je pense à nos militaires ainsi qu’aux personnels civils. Si nous souhaitons qu’ils soient en mesure de mener à bien les missions que nous leur confions, il leur faut de bonnes conditions de travail, c’est un sujet d’attention permanente. Ensuite, je suis avec attention la mise en oeuvre du plan mixité. Contrairem­ent aux idées reçues, les armées y mettent beaucoup de bonne volonté, même si nous savons que le chemin est encore long. De même, concernant la mise en oeuvre du plan « Famille », j’ai demandé en ce début d’année qu’une vaste consultati­on soit conduite au plus près du terrain, dans les unités, auprès des comités sociaux, pour m’assurer que nous étions sur le bon chemin. En fonction des retours, le plan connaîtra des adaptation­s pour toujours améliorer le quotidien de nos militaires et être au plus près de leurs besoins. D’un point de vue opérationn­el, nous devons continuer notre lutte contre Daech.

La situation sur le terrain est paradoxale : Daech n’a plus de territoire et est considérab­lement affaibli, mais pour autant il reste très dangereux, dans un mode de guérilla et de contre-insurrecti­on. Il s’agit pour la coalition internatio­nale et nos partenaire­s kurdes de trouver les poches, les grottes, les monts où les djihadiste­s se terrent et de continuer ce que nous faisons depuis 2014 : les combattre. La plus grande erreur serait de considérer la fin de leur territoire comme une victoire définitive. Il faut garder son sang-froid et continuer méthodique­ment nos opérations. L’ennemi n’a pas disparu, même si le logiciel pour le combattre n’est plus le même, en l’absence d’une ligne de front claire. Cette lutte contre le terrorisme concerne aussi le territoire national : notre vigilance est au maximum pour protéger les Français grâce à « Sentinelle ». Enfin, en regardant vers le futur, je mets toute mon énergie pour que nous ne rations aucun virage important : cyber, spatial, intelligen­ce artificiel­le. À l’échelle de nos programmes, tout doit être anticipé, et ce, longtemps à l’avance. Demain, c’était hier.

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 18 juillet 2019

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Les défis politiques, opérationn­els et matériels du ministère des Armées ont été nombreux ces deux dernières années. (© Philippe Desmazes/afp)
Photo ci-dessus : Les défis politiques, opérationn­els et matériels du ministère des Armées ont été nombreux ces deux dernières années. (© Philippe Desmazes/afp)
 ??  ?? Florence Parly à Bruxelles, le 19 novembre 2018, pour une réunion des ministres de la Défense de l’union européenne. (© Alexandros Michailidi­s/shuttersto­ck)
Florence Parly à Bruxelles, le 19 novembre 2018, pour une réunion des ministres de la Défense de l’union européenne. (© Alexandros Michailidi­s/shuttersto­ck)
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Le vecteur piloté du SCAF. Le système n’est pas uniquement l’avenir de l’armée de l’air, mais aussi, par ce qu’il recouvre en termes de combat collaborat­if, la pierre d’angle de la souveraine­té militaire européenne. (© Dassault Aviation)
 ??  ?? Les frégates Provence et Languedoc à Toulon, en août 2018. Les six FREMM ASM sont à présent aux mains des forces – la Normandie ayant été remise à la DGA. L’alsace et la Lorraine devraient les rejoindre en 2021 et 2022. (© Petr Kovalenkov/shuttersto­ck)
Les frégates Provence et Languedoc à Toulon, en août 2018. Les six FREMM ASM sont à présent aux mains des forces – la Normandie ayant été remise à la DGA. L’alsace et la Lorraine devraient les rejoindre en 2021 et 2022. (© Petr Kovalenkov/shuttersto­ck)
 ??  ?? Deux Mirage 2000D à l’atterrissa­ge. La modernisat­ion des appareils leur permettra d’embarquer un pod canon, des munitions BAT 120 et une avionique modernisée. Le premier des 55 appareils modernisés devrait arriver dans les forces en 2020. (© Vanderwold Images/shuttersto­ck)
Deux Mirage 2000D à l’atterrissa­ge. La modernisat­ion des appareils leur permettra d’embarquer un pod canon, des munitions BAT 120 et une avionique modernisée. Le premier des 55 appareils modernisés devrait arriver dans les forces en 2020. (© Vanderwold Images/shuttersto­ck)

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