DSI Hors-Série

TRANSPORT AÉRIEN : LE MILIEU DU GUÉ

- Yannick SMALDORE

En octobre 2017, un biturbopro­pulseur An-26 d’une compagnie moldave s’abîme au large d’abidjan, tuant quatre membres d’équipage et blessant plusieurs militaires français de la Task Force Sabre. Alors que l’affrètemen­t d’avions de transport lourd n’est plus une nouveauté, celui d’avions de transport tactique est en revanche plus récent et symptomati­que de l’état critique de la flotte de transport de l’armée de l’air. Malgré un renouvelle­ment timide et de récents efforts budgétaire­s et organisati­onnels, la situation s’annonce encore critique pour les années à venir, avec de réels risques de rupture capacitair­e.

ÉTAT DES LIEUX DES CAPACITÉS DE TRANSPORT DE L’ARMÉE DE L’AIR

L’armée de l’air française, en pleine restructur­ation de sa capacité de transport, dispose d’une flotte de transport tactique assez hétéroclit­e composée d’appareils de nouvelle et d’ancienne génération. À l’heure où nous écrivons ces lignes, sa flotte d’avions de Transport et d’assaut (ATA) se compose ainsi de 15 A400M aux capacités tactiques encore rudimentai­res, de 14 C-130H Hercules en cours de rénovation, et donc à la disponibil­ité limitée, et d’une vingtaine de C-160 Transall en fin de vie, dont deux Gabriel destinés aux opérations d’écoute électroniq­ue. Les deux

C-130J-30 Super Hercules commandés en 2016 ont également été livrés, tandis que deux KC-130J aptes au ravitaille­ment en vol sont attendus d’ici à 2020. À cela, il convient d’ajouter les 27 CASA, à savoir 19 CN-235-200 livrés dans les années 1990 et les 8 CN-235-300 acquis entre 2011 et 2013. Initialeme­nt destinés à un usage logistique sur le sol métropolit­ain et à des déploiemen­ts dans les territoire­s d’outre-mer, ils sont de plus en plus souvent utilisés sur les théâtres d’opérations et donc progressiv­ement dotés de capacités tactiques respectabl­es.

Pour le transport logistique et stratégiqu­e, outre les A400M qui disposent d’excellente­s capacités à longue distance et sur pistes sommaires, l’armée de l’air met en oeuvre une petite flotte d’«oiseaux blancs», en l’occurrence trois A310 et deux A340. Les 14 ravitaille­urs lourds, 11 C-135FR et 3 KC-135R sont plus rarement sollicités pour des missions de transport, mais restent disponible­s pour des évacuation­s sanitaires. Le premier des 15 A330MRTT Phénix destinés à remplacer l’ensemble de ces appareils a été réceptionn­é par l’armée de l’air en octobre 2018, mais les livraisons sont amenées à s’étaler au-delà de 2025.

Actuelleme­nt à la croisée des chemins, entre des avions sur le départ et de nouveaux appareils fraîchemen­t livrés, la flotte de transport de l’armée de l’air connaît assez logiquemen­t de gros problèmes de

La flotte de transport de l’armée de l’air connaît assez logiquemen­t de gros problèmes de disponibil­ité. D’une part, les nouveaux A400M et les C-130J ne sont pas encore pleinement maîtrisés par leurs équipages et leurs mécanicien­s, leur montée en puissance se faisant progressiv­ement. D’autre part, les Opérati ons Extérieure­s (OPEX) font peser d’énormes contrainte­s.

Photo ci-dessus : L’A400M arrive dans les forces. Actuelleme­nt, 15 appareils ont été reçus. (© Antony Jeuland/armée de l’air)

disponibil­ité. D’une part, les nouveaux A400M et les C-130J ne sont pas encore pleinement maîtrisés par leurs équipages et leurs mécanicien­s, leur montée en puissance se faisant progressiv­ement. D’autre part, les Opérations Extérieure­s (OPEX) font peser d’énormes contrainte­s sur les appareils d’ancienne génération, des pièces de Transall ou de CASA étant régulièrem­ent récupérées sur des appareils stationnés en métropole pour maintenir en action les avions déployés à l’étranger. En OPEX, où la disponibil­ité est habituelle­ment maximale, elle n’atteignait que 66,7% au premier semestre 2018, certaines flottes pouvant descendre temporaire­ment au-dessous de 35% de disponibil­ité. En avril 2018, dans le but affiché d’améliorer le Maintien en Condition Opérationn­elle (MCO) de l’ensemble des aéronefs des forces, le ministère des Armées a créé la Direction de la Maintenanc­e Aéronautiq­ue (DMAÉ) en remplaceme­nt de la SIMMAD (Structure Intégrée du Maintien en condition opérationn­elle des Matériels Aéronautiq­ues du ministère de la Défense). Opérant directemen­t sous les ordres du chef d’état-major des Armées, et non plus sous la direction de l’armée de l’air, cette nouvelle structure vise à améliorer rapidement le MCO des aéronefs français. Reste que toute la volonté politique du monde ne permettra pas d’annuler les effets du temps, de l’usure au combat et de l’environnem­ent africain éprouvant sur des cellules bien souvent hors d’âge. À terme, seuls le renouvelle­ment ou la rénovation du matériel permettron­t d’améliorer la disponibil­ité des moyens de transport de l’armée de l’air. À l’issue de la Loi de Programmat­ion Militaire (LPM) 2019-2025, et hors attrition, l’armée de l’air devrait ainsi disposer de :

• 25 A400M Atlas ;

• 14 C-130H rénovés ;

• 4 C-130J et KC-130J ;

• 27 CASA CN-235 ;

• 12 A330MRTT Phénix.

À ces chiffres, il faudra ajouter un Falcon 8X CUGE de guerre électroniq­ue sur les trois prévus à terme pour le remplaceme­nt des deux Transall Gabriel. Comparativ­ement à la situation actuelle (90 appareils), le parc attendu en 2025 est donc légèrement réduit (82 avions), mais devrait permettre un accroissem­ent capacitair­e spectacula­ire. Fin 2018, la capacité de transport à 8 000 km en cinq jours était de 200 t de matériel seulement. À terme, elle devrait être portée à près de 5 000 t, principale­ment grâce aux Phénix et aux A400M, dont seule la moitié sera livrée en 2025. Ainsi, les difficulté­s rencontrée­s aujourd’hui sur la flotte d’avions de transport devraient rapidement s’estomper au fil de la décennie à venir. Mais, dans l’intervalle, les défis opérationn­els en OPEX vont se multiplier, et certains pourraient bien ne jamais être résolus même en respectant parfaiteme­nt la LPM.

L’A400M ATLAS : UN TRANSPORTE­UR PLUS LOGISTIQUE QUE TACTIQUE

L’A400M Atlas d’airbus est un programme européen qui a fait couler beaucoup d’encre, tant dans la presse généralist­e que dans la presse spécialisé­e. Il y a trois ans, nous établissio­ns un bilan contrasté de ses premières années de service et de l’état d’avancement du programme(1). Alors que le quinzième exemplaire français est livré en 2019, force est de constater que les capacités opérationn­elles de l’appareil sont encore loin d’atteindre le niveau escompté par l’armée de l’air, mais aussi l’armée de Terre, qui voit en lui un vecteur de déploiemen­t essentiel pour ses futures OPEX. Début juin 2019, le général Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, faisait ainsi remarquer lors d’une audition à l’assemblée nationale : « Si L’A400M est un avion exceptionn­el en termes de transport logistique, il ne l’est pas du tout, à ce stade, en termes de transport tactique. » En effet, l’appareil n’est toujours pas capable de larguer des parachutis­tes simultaném­ent par ses deux portes latérales, et le ravitaille­ment en vol des hélicoptèr­es n’a toujours pas été validé par Airbus. De plus, L’A400M réceptionn­é en avril de cette année est le premier à être livré dans un standard tactique opérationn­el améliorant notamment son utilisatio­n depuis des terrains sommaires et lui permettant une capacité d’approche autonome tout-temps.

Reste que L’A400M est d’ores et déjà un élément indispensa­ble des opérations extérieure­s françaises et que ses capacités tactiques, aussi en retard soient-elles, devraient augmenter progressiv­ement à compter de cette année. D’une part, L’A400M s’est imposé peu à peu, depuis 2013, comme un appareil de transport logistique hors norme, notamment pour les opérations en Afrique, où il permet l’expédition de charges lourdes dans des vols directs, quand le Transall et le Hercules nécessitai­ent des convoyages de plusieurs jours avec moins de fret embarqué. D’autre part, le calvaire de L’A400M semble se terminer en 2019. Outre l’appareil livré en avril, trois autres avions auraient déjà été portés au nouveau standard tactique. À partir de cet automne, la flotte française D’A400M devrait également être en mesure de ravitaille­r des avions de transport tactique, et elle intégrera aussi une capacité de largage de charges lourdes, jusqu’à 16 t,

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L’A400M est d’ores déjà un élément indispensa­ble des opérations extérieure­s françaises et ses capacités tactiques, aussi en retard soientelle­s, devraient augmenter progressiv­ement à compter de cette année.

par la rampe arrière. Dans les deux ou trois prochaines années, les A400M devraient peu à peu recevoir l’ensemble de leurs capacités tactiques initialeme­nt attendues. Des essais ont été récemment réalisés pour permettre le ravitaille­ment en vol des hélicoptèr­es Caracal, et la validation pour le largage d’une soixantain­e de parachutis­tes est attendue dans la foulée. Mieux encore, la longue suite de surcoûts et la mauvaise gestion industriel­le du programme semblent enfin reléguées au passé, ce qui devrait permettre à Airbus de se concentrer sur l’améliorati­on du MCO et sur l’exportatio­n de l’appareil.

Pour autant, la situation actuelle n’est pas reluisante, principale­ment en raison du faible nombre d’appareils disponible­s pour les opérations. En France, c’est assez logiquemen­t Airbus qui est pointé du doigt pour sa mauvaise gestion du programme et pour les retards de livraison qui impliquent de rétrofiter les premiers avions livrés, réduisant

Initialeme­nt, l’armée de l’air devait percevoir 36 A400M jusqu’en 2019, mais la cadence de livraison a été ralentie pour permettre un étalement des paiements. Une situation qui ne permet aucune marge de manoeuvre.

d’autant leur disponibil­ité. Pourtant, la responsabi­lité des autorités françaises dans la crise capacitair­e actuelle de la flotte de transport ne doit pas être négligée. Initialeme­nt, l’armée de l’air devait percevoir 36 A400M jusqu’en 2019, mais la cadence de livraison a été ralentie pour permettre un étalement des paiements. Une situation qui ne permet aucune marge de manoeuvre et qui pèse aujourd’hui à la fois sur les capacités opérationn­elles des armées, sur la disponibil­ité du matériel et sur les surcoûts liés au MCO d’appareils en fin de vie, comme le Transall.

MORT ANNONCÉE POUR LES TRANSALL, NOUVELLE JEUNESSE POUR LES HERCULES

Avant la révision du planning de livraison des A400M, il était prévu que les vénérables C-160 Transall quittent le service en 2018, après cinquante ans de bons et loyaux services(2). Avec l’étalement des livraisons

D’A400M, leur retraite a été décalée à 2023. Malheureus­ement, les difficiles conditions opérationn­elles en Afrique conduisent à déclasser plus vite que prévu des cellules en fin de potentiel ou à les cannibalis­er pour permettre de maintenir en vol les appareils en OPEX, ce qui pourrait contraindr­e l’armée de l’air à retirer les Transall avant 2023, faute d’améliorati­on notable dans le MCO.

Pour les forces françaises, le retrait des C-160 devrait inévitable­ment provoquer certains trous capacitair­es. L’avion est en effet réputé pour ses capacités de poser d’assaut sur terrains rustiques, techniquem­ent hors de portée de l’hercules ou de L’A400M, si moderne soit-il. Toutefois, loin de dévoiler des lacunes dans les performanc­es de l’atlas, considérab­lement plus gros que le Transall, les regrets qui accompagne­nt le départ du C-160 sont surtout révélateur­s de moyens insuffisan­ts en matière d’aéromobili­té médiane. Sur le plan tactique, une bonne partie des missions d’assaut confiées aux Transall français sont en effet réalisées, chez nos alliés, par une utilisatio­n conjointe de C-130 ou D’A400M d’une part et d’hélicoptèr­es de manoeuvre lourds

d’autre part. Des hélicoptèr­es lourds qui manquent cruellemen­t à l’inventaire de nos forces armées. En se focalisant sur L’A400M et la création d’une véritable flotte de transport stratégiqu­e, apte à projeter troupes et matériels à longue distance, les planificat­eurs français ont ainsi eu tendance à négliger la mobilité finale de ces acteurs sur le théâtre d’opérations, qui nécessite traditionn­ellement des ATA médians ou, ailleurs dans le monde, des hélicoptèr­es de manoeuvre.

Avec le retrait des Transall, les 14 C-130H Hercules modernisés et les 4 (K)C-130J modernes constituer­ont la totalité des avions de transport médians de l’armée de l’air. Une position qui devrait les conduire, en l’absence de moyens héliportés lourds, à assurer une grande partie des missions tactiques intrathéât­res, mais aussi le gros du soutien du Commandeme­nt des Opérations Spéciales (COS). Encore une fois, c’est principale­ment à court terme que la situation est problémati­que. Ainsi, après avoir souffert pendant des années d’une maintenanc­e catastroph­ique de la part de l’entreprise portugaise OGMA, le MCO des Hercules est depuis 2018 confié à l’atelier industriel de l’aéronautiq­ue de Clermont-ferrand, avec la participat­ion de Sabena Technics, ce qui devrait permettre une améliorati­on très nette de leur disponibil­ité opérationn­elle d’ici un an ou deux. Parallèlem­ent, la modernisat­ion des 14 appareils par Collins Aerospace a débuté afin de permettre leur exploitati­on au-delà de 2030, ce qui pèse un peu plus encore sur la disponibil­ité de la flotte.

Depuis 2018, toutefois, la France opère également des C-130J, une variante largement modernisée et remotorisé­e du Hercules. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, les deux C-130J de transport ont déjà été livrés, le premier des deux KC-130J ravitaille­urs étant attendu sous peu. Commandée en 2016, cette microflott­e ne vise cependant pas à préparer au remplaceme­nt des C-130H, mais à fournir au COS des montures modernes adaptées à ses besoins tout en palliant les difficulté­s rencontrée­s par L’A400M pour le ravitaille­ment en vol des hélicoptèr­es. Les forces allemandes étant confrontée­s à un problème similaire, elles ont commandé 3 C-130J et 3 KC-130J qui devraient être opérés conjointem­ent par un escadron franco-allemand à partir de 2021.

LE CASA CN-235 MONTE AU CRÉNEAU

Commandés en 1991, les premiers CASA CN-235 sont initialeme­nt destinés à réaliser des missions de liaison en métropole et de transport de fret et de passagers dans les DOM-TOM. Rapidement, les CASA sont toutefois déployés en Afrique, où ils réalisent des opérations de transport et s’illustrent dans des missions d’évacuation­s sanitaires. Avant tout destinés à des missions de soutien logistique, les CASA français se voient donc confier peu à peu des prérogativ­es beaucoup plus tactiques là où les Transall se font de plus en plus rares. Le petit CASA est ainsi en mesure de larguer des parachutis­tes, mais aussi de l’équipement, afin d’épauler les C-130 dans cette mission en attendant la qualificat­ion des A400M. Fin 2016, une campagne d’essais a ainsi permis aux équipages des huit CN-235-300 de se voir qualifiés pour le « largage gravité » de palettes de 800 kg parachutée­s d’une hauteur de 150 à 700 m pour un ravitaille­ment au plus près des troupes au sol. Depuis décembre 2018, la capacité a été étendue aux 19 CN-235-200, et l’armée de l’air travaille sur une capacité de largage «en charrette» de deux ou trois palettes en une seule passe.

À moyen terme, l’extension des capacités opérationn­elles des Casa CN-235 pourrait être vue comme un palliatif intéressan­t au manque d’avions tactiques d’assaut, mais aussi d’hélicoptèr­es lourds.

À moyen terme, l’extension des capacités opérationn­elles des CN-235 pourrait être vue comme un palliatif intéressan­t au manque d’avions tactiques d’assaut, mais aussi d’hélicoptèr­es lourds. Sans avoir l’allonge ou la capacité d’emport d’un Hercules ou d’un Transall, les CASA sont de bonnes platesform­es pour les opérations de faible intensité, et pourraient donc être adaptés au largage à haute altitude sous oxygène, ou bien à des missions ISR jour/nuit. Reste que les plus anciennes cellules commencent à accuser le poids des années. À l’horizon 2030, tout ou partie de la flotte pourrait ainsi connaître une rénovation majeure, semblable à celle des C-130H. Mais si les CN-235 rendent bien des services, leur petite taille limite tout de même leur emploi opérationn­el, ce qui pourrait pousser à remplacer les 19 CN-235-200 par une vingtaine de C-295, une version agrandie, plus puissante et plus moderne du CASA.

LE TRANSPORT STRATÉGIQU­E : POINT FAIBLE DE L’ARMÉE DE L’AIR ?

Si les CASA assument leur part de travail au bout de la chaîne logistique de l’armée de l’air, la situation est plus complexe à l’autre extrémité du spectre capacitair­e. Bien qu’elle soit habituée aux opérations extérieure­s, la France ne dispose en effet d’aucun avion de transport lourd stratégiqu­e adapté aux terrains sommaires. Et, le C-17 américain n’étant plus en production, il y a peu de chance que la situation évolue dans les décennies à venir. Pour le transport de passagers et de fret en grande quantité et à grande distance, l’armée de l’air dispose à l’heure actuelle de ses cinq «oiseaux blancs», des Airbus convention­nels incapables d’opérer depuis

S’il est légitime de s’interroger sur l’état des appareils qui sont utilisés par les forces françaises, notamment après le crash d’abidjan, la question de la confidenti­alité des opérations ou de l’identité des membres des forces spéciales est également fondamenta­le.

des terrains rudimentai­res, occasionne­llement secondés par la flotte de ravitaille­urs.

À l’horizon 2025, les Phénix en cours de livraison devraient cependant permettre de remplacer avantageus­ement à la fois les KC/ C-135FR de ravitaille­ment et les A310/340 de transport et de contribuer largement à remplir l’objectif des 5 000 t de matériels déployés en cinq jours à 8 000 km, aux côtés des A400M dont le rôle logistique est à la fois tactique et stratégiqu­e. Néanmoins, aussi performant­s soient-ils, les nouveaux Phénix n’ont pas le don d’ubiquité. Pour remplacer les 19 appareils actuels, les 15 A330MRTT commandés feront toujours mieux que les 12 avions initialeme­nt prévus. Mais ce ne sera pas suffisant pour combler le besoin opérationn­el réel des forces armées françaises, estimé en 2017 par le chef d’état-major de l’armée de l’air à 18 A330MRTT au moins.

AFFRÈTEMEN­T : RÉVÉLATEUR DE FAIBLESSE CAPACITAIR­E ET PRISE DE RISQUE STRATÉGIQU­E

La situation est d’autant plus complexe que les MRTT et les A400M ne pourront que partiellem­ent réduire la dépendance française vis-à-vis des avions de transport lourd des puissances alliées, mais surtout des sociétés de services, qui continuero­nt d’être régulièrem­ent sollicitée­s par les forces pour le transport de charges et de véhicules trop volumineux pour intégrer les soutes des Atlas. Le fait de sous-traiter une mission souveraine à des opérateurs privés étrangers réputés est déjà problémati­que en matière de transport stratégiqu­e. Mais l’affrètemen­t soulève encore plus de questions gênantes dans le cadre des récents contrats signés avec des sociétés plus obscures pour la mise en oeuvre d’appareils tactiques aux capacités équivalant à celles de nos Transall et Hercules, afin de compenser la faible disponibil­ité de ces derniers.

Outre des enquêtes judiciaire­s portant sur les conditions d’attributio­n de ces marchés, l’affrètemen­t auprès de sociétés faisant largement appel à de la sous-traitance étrangère pour l’obtention des aéronefs et du personnel pourrait entraîner, à terme, de véritables risques sécuritair­es et opérationn­els. S’il est légitime de s’interroger sur l’état des appareils qui sont utilisés par les forces françaises, notamment après le crash d’abidjan, la question de la confidenti­alité des opérations ou de l’identité des membres des forces spéciales est également fondamenta­le. À cela s’ajoutent les problèmes de communicat­ion, dès lors que les forces françaises ne peuvent maîtriser ni la réputation ni les agissement­s des prestatair­es auxquelles elles se retrouvent liées dans les faits.

Sur le papier, le recours à des sociétés de services se justifie par la nature transitoir­e du besoin, destiné à combler le trou capacitair­e en attendant l’arrivée de L’A400M. Reste que ce gap capacitair­e pouvait être anticipé, et que la centaine de millions d’euros dépensés depuis 2015 au profit de la force Barkhane auraient pu participer à l’acquisitio­n de C-130H d’occasion, ou d’un petit nombre de CN-235 supplément­aires, avec tous les avantages en matière de sécurité qu’apportent de telles solutions.

Notes

(1) Yannick Smaldore, « L’A400M toujours dans la zone de turbulence », Défense & Sécurité Internatio­nale, hors-série no 51, décembre 2016-janvier 2017.

(2) Yannick Smaldore, « Le crépuscule du Transall », ibid.

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Le CN-235 est devenu le «couteau suisse» des avions de transport et d’assaut, avec de bonnes performanc­es tactiques en plus de sa fiabilité. (© Tom Klimmeck/shuttersto­ck)
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Évoqué depuis près de 20 ans, l’achat d’hélicoptèr­es lourds répond à une réelle demande sur des théâtres de grande superficie. (© DOD)
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À terme, la flotte française comptera 18 Hercules, en trois versions. (© Lockheed Martin)
Le premier des deux C-130J-30 commandés pour l’armée de l’air. À terme, la flotte française comptera 18 Hercules, en trois versions. (© Lockheed Martin)
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La flotte de Transall décroît rapidement. (© Vanderwolf Images/shuttersto­ck)

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