Une version simplifiée du modèle de la salve (d’après le capitaine de vaisseau Wayne P. Hughes)
Soit deux forces de surface A et B (où A et B représentent le nombre de bâtiments dans chaque force) avec les caractéristiques suivantes :
• une capacité à encaisser les coups notée a1 et b1, correspondant au nombre de missiles antinavires nécessaires pour mettre hors de combat A et B respectivement ; • une force de frappe notée α et β, correspondant au nombre de missiles tirés par A et B respectivement, qui frapperont l’adversaire en l’absence de défense ;
• un pouvoir défensif noté a3 et b3, correspondant au nombre de missiles que A et B respectivement parviennent à détruire ou à dévier.
ΔA et ΔB étant le nombre de bâtiments mis hors de combat après un engagement dans les forces A et B respectivement, on établit les relations suivantes (dans le cas basique où les deux forces se sont massées pour l’attaque et tiennent donc l’adver‑ saire en portée) :
α.a ‑ b3.b β.b ‑ a3.a
ΔB = ‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑ ΔA = ‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑‑
b1 a1
Le grand intérêt de ces équations est de leur donner vie avec des cas pratiques, pour en tirer des conclusions sur les déterminants du succès tactique à l’ère du missile. Prenons l’exemple simple d’une force B composée d’un unique bâtiment, mais disposant d’un grand nombre de missiles (8 missiles), dont 6 sont correctement tirés (β = 6), face à une force A de 3 bâtiments sensible aux coups encaissés (a1 = 1) et dont chaque bâti‑ ment n’est capable de traiter qu’un missile assaillant (a3 = 1). L’application numérique montre qu’en engageant en premier, le bâtiment B peut ainsi en théorie mettre à lui seul 3 bâtiments de A hors d’action (ΔA = 3). Maintenant, si A dispose d’une capacité à encaisser les coups du double de la force B (a1 = 2), le potentiel d’attrition de B contre A est diminué de moitié (ΔA = 1,5). Et si A avait un pouvoir défensif double (a3 = 2), alors B ne pourrait en théorie mettre aucun bâtiment de A hors d’action (ΔA = 0). Plusieurs auteurs se sont adonnés à de nombreuses variations sur les données d’entrée du modèle de la salve, en faisant varier le format des flottes opposées. De manière simplifiée, il en ressort quatre grandes tendances :
• le modèle de la salve est intrinsèquement porteur d’instabilité : de petits change‑ ments dans les facteurs peuvent engendrer une bascule significative des résultats en termes de bâtiments perdus ;
• une faible capacité à encaisser les coups exacerbe l’instabilité, ce point ayant une résonance particulière à l’heure où les bâtiments modernes peuvent être mis rapi‑ dement hors d’action en cas d’impact ;
• a contrario, une grande capacité à encaisser les coups permet d’atténuer fortement les effets des erreurs tactiques ;
• la supériorité numérique est le facteur le plus avantageux. Pour lutter contre cet effet du nombre, la force adverse doit avoir plus de force de frappe, plus de capacité à encaisser les coups et plus de pouvoir défensif.