Éditorial
Si chaque Université d’été de la Défense est l’occasion de prendre un peu de recul sur les défis attendant les forces armées, celle de 2019 est d’autant plus particulière qu’elle revient sur le cadre de la conduite des opérations : la guerre et ses mutations. Si cette thématique est au coeur de nos publications et que sa prise en compte au niveau politico-stratégique n’est pas nouvelle, elle montre incidemment l’importance qu’elle a dans le processus d’adaptation des forces. Il faut pouvoir fixer un cap aux développements technologiques, d’autant plus que ceux-ci sont nombreux dans pratiquement tous les secteurs. Or, si les moyens ont été réévalués, ils sont par définition toujours limités… Au demeurant, les signes de l’adaptation sont bels et bien là. Au-delà de la dernière loi de programmation militaire et des commandes qu’elle permet, les annonces se sont multipliées. C’est le cas en matière de lutte informatique offensive (janvier 2019) ou encore de doctrine spatiale, avec à la clé l’intégration à l’armée de l’air – qui deviendrait à terme « l’armée de l’air et de l’espace » – d’un commandement de l’espace. Ça l’est également avec la publication par l’agence de l’innovation de défense, le 11 juillet dernier, du Document d’orientation de l’innovation de Défense (DOID) qui permet de résoudre la délicate tension entre la nature foisonnante, si ce n’est imprévisible, de l’innovation et la nécessaire planification.
Ce serait cependant une erreur de se limiter à ces seules annonces, qui ne forment qu’un cadre pour les actions futures. En réalité, les réflexions actuelles recèlent de nombreux enjeux. Les vecteurs du SCAF (Système de Combat Aérien Futur) et de SCORPION, par exemple, cachent ainsi l’enjeu, majeur, de la connectivité. Cette dernière entraîne à son tour tout ce qui peut toucher au cyber, de même qu’à l’intelligence artificielle ou encore à la robotique et au combat collaboratif, y compris avec nos alliés. La France, de ce point de vue, n’est pas en retard. À bien des égards, elle est même en avance. Ce qui peut sembler très technique de prime abord est surtout politique : les travaux dans tous ces domaines permettent certes de créer de la puissance militaire – notamment en recréant de la masse –, mais aussi de la puissance normative. Derrière ce terme se cache l’aptitude à définir des normes et des standards appelés à se généraliser, certes pour les armées, mais aussi pour nos alliés, avec de potentielles retombées pour l’industrie. On le voit, parler de mutations de la guerre prend rapidement des atours très concrets…