DSI Hors-Série

« CRÉER ET PRÉSERVER LES CONDITIONS DE LA LIBERTÉ D’ACTION DE LA FRANCE »

Entretien avec le général François LECOINTRE, chef d’état-major des Armées

- Avec le général François LECOINTRE Chef d’état-major des Armées.

Nous devons disposer d’une palette complète de réponses militaires. Il faut être prêt.

Si la France n’a jamais complèteme­nt mis de côté la possibilit­é d’une confrontat­ion avec des États-puissances, l’attention se porte désormais à nouveau sur ces rivalités. Nos structures de forces y sont-elles adaptées ?

François Lecointre : Si rivalité majeure il y a, la réalité de l’engagement s’imposera à nous. C’est pourquoi, fondamenta­lement, nous avons besoin de véritables armées, et pas d’un simple outil opérationn­el que nous emploierio­ns ponctuelle­ment pour des missions que nous aurions choisies. C’est tout le sens de la démarche dans laquelle nous nous sommes engagés depuis la revue stratégiqu­e conduite en 2017, qui a consacré la consolidat­ion de notre modèle complet d’armée.

La stratégie élaborée avec les autorités politiques vise, ainsi, à développer les aptitudes que nous avons jugées absolument nécessaire­s pour maintenir la garde haute alors que s’élaborent des modes d’action nouveaux et que se dessinent des scénarios du fait des rivalités que vous évoquez. En prévision d’un avenir incertain, l’enjeu essentiel consiste à créer et à préserver les conditions de la liberté d’action de la France, par la conservati­on de moyens et de compétence­s dans le haut du spectre de la violence. La question de la structure de forces découle, évidemment, de ces considérat­ions stratégiqu­es. Elle trouve sa réponse dans le niveau de nos équipement­s afin que nous puissions nous engager, seuls ou en coalition, rapidement et dans la durée. Pour en garantir l’efficacité opérationn­elle, cette réponse doit être complétée et valorisée dans l’avenir avec un objectif très clair de remontée en puissance. Cette montée en gamme devra s’opérer sur un socle technologi­que nécessaire et suffisant. Pour cela, il faudra disposer de moyens de haute technicité, car ce conflit se déroulera dans les milieux habituels de la terre, de la mer et de l’air, mais aussi dans ceux qui échappaien­t jusqu’alors à la conflictua­lité militaire, comme le cyber ou l’espace. Tel est le sens de la loi de programmat­ion militaire 2019-2025 et, au-delà, de l’ambition pour les armées à l’horizon 2030.

J’ajoute que la liberté d’action repose, également, sur notre capacité stratégiqu­e à disposer, quel que soit le ferment de crise, de nos propres appréciati­ons de la situation et capacité de décision. C’est ce que permet par exemple, le satellite de dernière génération lancé en Guyane en décembre dernier. C’est aussi ce que nous permettent d’obtenir notre dispositif de forces prépositio­nnées et nos opérations maritimes. C’est tout le sens par ailleurs de nos engagement­s actuels, qui visent à prévenir ou à contenir ces menaces avant qu’elles ne mettent la France sérieuseme­nt en péril.

Poser la question de la rivalité entre les puissances c’est aussi, incidemmen­t, poser la question du spectre des engagement­s, depuis l’aide humanitair­e jusqu’à

la guerre nucléaire. Quelle est votre vision de la «guerre future » – ou des « guerres futures » ?

Cette «guerre future» pourrait ne pas prendre la forme initiale d’un affronteme­nt militaire. Elle pourrait résulter d’une crise profonde de nature démographi­que ou climatique, selon des schémas proches de ce qui se produit, déjà, au Sahel. Il suffit de considérer la virulence des antagonism­es liés à l’accès à l’eau pour s’en convaincre. C’est pourquoi je m’intéresse aux signes avant-coureurs de conflits avérés, qu’il s’agisse de signaux faibles ou de «messages». Je veille, également, à l’avancée des stratégies de déni d’accès, aux menaces cyber et à tout ce qu’un adversaire potentiel peut développer, et qui constituen­t, peut-être, des signes avant-coureurs.

Quelle forme pourrait prendre cette guerre future? Le spectre est large, comme vous le mentionnez. Dans les plus probables, un affronteme­nt de nature asymétriqu­e reste d’actualité tandis qu’un affronteme­nt majeur apparaît comme une potentiali­té réelle. D’un côté, un terrorisme qui persiste en mutant et en intégrant opportuném­ent toutes les revendicat­ions ethniques, religieuse­s, idéologiqu­es ou identitair­es. De l’autre, un point de rupture de plus en plus crédible, compte tenu de l’affirmatio­n de puissances régionales avec des prétention­s nucléaires, de la course au réarmement, de la concurrenc­e à la puissance américaine ou des déséquilib­res autour de zones de tension telles que le golfe Persique. Surtout, il convient de se préparer à la combinaiso­n de tout ou partie des deux scénarios mentionnés précédemme­nt, pouvant résulter en la simultanéi­té d’un engagement de type convention­nel avec un déploiemen­t dans un conflit asymétriqu­e. À cette fin, nous devons disposer d’une palette complète de réponses militaires. Il faut être prêt.

Au-delà d’une prospectiv­e à laquelle il est malaisé de se livrer sur la forme exacte que prendra la guerre dans le futur, ce sont d’autres questions qui me préoccupen­t, qui portent sur l’essence même du combat, celle du combattant, et donc du fait militaire. J’observe ainsi la distance qui croît entre le combattant et le champ où se déroule la bataille, c’est-à-dire le lieu où ce combattant doit pouvoir détruire l’ennemi. De façon prosaïque, on tue de plus en plus à distance, ce qui pour moi induit des risques sur le plan éthique : jusqu’à aujourd’hui, le fait d’avoir ainsi, en tant que militaire, à donner la mort, sur ordre, n’est acceptable personnell­ement que parce que le militaire risque sa propre vie. L’exposition au danger permet de supporter le fait d’ôter la vie et d’en porter la responsabi­lité, fût-ce intimement. Il ne faut surtout pas sous-estimer les ravages que produit le fait guerrier vécu à distance, hors des conditions de l’opération. L’exemple des souffrance­s psychologi­ques de certains opérateurs de drones armés chez nos amis américains est particuliè­rement frappant à cet égard. Je suis de ce fait très attentif aux règles éthiques qui encadreron­t la mise en place des drones armés et au suivi psychologi­que qui l’accompagne­ra. Je me pose la même question s’agissant du domaine cyber dans la conduite de la lutte informatiq­ue offensive. Dans tous les cas, l’implicatio­n des chefs, la conscience du sens de la mission, l’édiction de règles profondéme­nt éthiques seront fondamenta­les.

Parler de guerres futures implique également de considérer l’interarmée­s comme l’interopéra­bilité avec les alliés. Les questions de la connectivi­té et des opérations multidomai­nes deviennent donc centrales. Le « multidomai­ne » est-il une priorité ?

Il faut, bien sûr, continuer de progresser dans les domaines techniques de la connectivi­té et du partage de l’informatio­n, plus généraleme­nt de tous ces outils qui permettent au chef militaire de fonder son appréciati­on sur l’ennemi et de définir sa propre manoeuvre. Les progrès de la technologi­e et les apports de l’innovation, particuliè­rement ceux liés à l’intelligen­ce artificiel­le, nous aideront à améliorer sans cesse ces outils d’aide à la décision. Je note par ailleurs que nous agissons déjà dans le « multidomai­ne » en développan­t des raisonneme­nts «large spectre » de ciblage, d’effets dans les champs tant physiques qu’immatériel­s, ce qui conduit nos états-majors à rassembler de façon rapide et intégrée des compétence­s très diverses et pointues. Dans le « multidomai­ne », il s’agit également de réfléchir à tout ce qui pourra nous être opposé, y compris dans les nouveaux espaces de conflictua­lité comme l’espace ou le cyber.

Du fait de ce foisonneme­nt de domaines, je crois surtout – et c’est un vrai sujet pour l’enseigneme­nt militaire et pour la communauté de doctrine – qu’il est essentiel de cultiver, voire de renforcer, la capacité autonome d’appréciati­on de situation et de prise de décision des chefs militaires. Commander une opération ne se résumera jamais à la coordinati­on et à la mise en cohérence de domaines de plus en plus techniques, ce sera

Je crois surtout qu’il est essentiel de cultiver, voire de renforcer, la capacité autonome d’appréciati­on de situation et de prise de décision des chefs militaires. Commander une opération ne se résumera jamais à la coordinati­on et à la mise en cohérence de domaines de plus en plus techniques.

toujours fondamenta­lement une manoeuvre à conduire par un chef militaire sur un terrain, y compris immatériel, face à un ennemi dûment étudié, caractéris­é et raisonné. Compte tenu des possibilit­és vertigineu­ses offertes par l’intelligen­ce artificiel­le, que devons-nous mettre en place pour faire en sorte, demain, que le choix de cette manoeuvre résulte toujours d’une décision humaine et pas de celle d’une machine ?

Quelle est votre analyse de l’évolution des opérations en Bande Sahélo-saharienne (BSS) ? Certes, les bilans de pertes ennemies s’accumulent, comme ceux de formation et d’appuis prodigués aux forces locales. Mais allonsnous dans le bon sens?

Apprécier l’évolution des opérations en BSS nécessite de considérer l’évolution de la menace et de ses points d’applicatio­n. Il ne s’agit pas, ou plus, de la même équation que celle de 2013, où nos militaires engagés dans l’opération « Serval » affrontaie­nt principale­ment des groupes inspirés – ou pilotés – par AQMI avec lesquels certains groupes touaregs avaient fait alliance. Cette menace, dispersée initialeme­nt, est réapparue comme une greffe sur d’autres revendicat­ions, en tirant parti de griefs anciens contre l’état malien. Elle exacerbe à son bénéfice des tensions, parfois

Le «light footprint» ne peut pas être un principe cardinal sur des théâtres d’opérations, singulière­ment au Sahel, où la présence sur le terrain, dans la durée, s’avère fondamenta­le pour le succès d’une opération qui vise précisémen­t à contester à l’ennemi ce terrain.

anciennes, entre certaines communauté­s, tensions aggravées par la sécheresse qui sévit au Sahel. Le problème à résoudre consiste bien en un processus de déconstruc­tion systémique des États contre lequel, comme je le répète à l’envi, aucune solution de court terme n’existe. Face à la menace djihadiste, à son mode de diffusion, il s’agit de faire preuve de déterminat­ion et de constance, mais aussi de patience stratégiqu­e.

Nous allons dans le bon sens, cela nécessite du temps, et surtout nous ne pouvons pas y aller seuls. C’est le sens de la stratégie globale élaborée fin 2017 et confirmée en 2018. L’action militaire est fondée sur des opérations successive­s, sur des zones données dans la boucle du Niger élargie, où nous concentron­s nos moyens, et en appui de nos partenaire­s. Il faut bien mesurer le fait que cette zone d’effort représente le quart de la France métropolit­aine. Les progrès y sont encouragea­nts, même s’il faut rester prudent.

La sécurisati­on effective de la boucle du Niger prendra plusieurs années, à mesure que les résultats militaires seront consolidés par des actions en faveur de la population. En effet, les gains militaires enregistré­s doivent être consolidés par des actions politiques et de développem­ent socio-économique concrètes, synchronis­ées avec le tempo opérationn­el. J’ajoute que ces gains militaires doivent être obtenus non seulement dans la boucle du Niger, mais aussi préservés dans les pays voisins, pour endiguer la propagatio­n du fléau djihadiste vers le sud du Sahel.

Étroitemen­t liée à la montée en puissance des forces partenaire­s et aux acteurs de la stabilisat­ion, la sécurisati­on dépendra ainsi également de l’investisse­ment que les gouverneme­nts, en premier lieu le gouverneme­nt malien, voudront bien consentir dans la

région. Nous nous y employons. Nous avons renforcé nos liens et notre coopératio­n avec l’agence Française de Développem­ent (AFD). Je pense que cette action doit être plus ambitieuse encore, et que la synchronis­ation doit intervenir à un niveau internatio­nal.

Des opérations menées en Afrique ou au Levant, la France a retiré une réelle expertise en combat couplé et, ce faisant, en « light footprint ». Ce mode d’action, qui ne va pas nécessaire­ment de soi, est-il à privilégie­r à l’avenir ?

Par combat couplé, on entend souvent la notion de guerre par procuratio­n, en s’appuyant sur des forces locales, dont une partie sont irrégulièr­es. Ce n’est pas notre expertise, s’agissant de notre rapport aux forces locales et de la façon dont nous opérons avec elles, ainsi que de notre conception française des questions de volume de nos forces et d’empreinte au sol. Il n’y a pour ainsi dire pas de mode d’action privilégié par rapport à un autre. C’est l’agilité de pensée face au problème opérationn­el à résoudre, compte tenu du contexte géopolitiq­ue et des conditions du terrain, que je favorise d’abord. Par exemple, même si nos opérations en Afrique et au Levant font face toutes deux à un ennemi terroriste, elles ne relèvent pas d’une même stratégie.

Dans le cas du Levant, la stratégie adoptée en 2014 consistait à appuyer les forces irakiennes dans la reconquête de leur propre territoire, initialeme­nt sous forme d’un appui aérien puis de moyens d’artillerie à l’automne 2016, tandis qu’un appui à la formation était lancé au printemps 2015. Ce mode d’action, sans forces occidental­es engagées en première ligne au sol, était adapté à une stratégie tirant parti du précédent américain en Irak en 2003. La défaite du pseudo-califat physique de Daech résulte de cette combinaiso­n qui voit, non pas des proxys, mais bien les forces légitimes reprendre le terrain à l’ennemi.

Il ne s’agit pas pour autant de généralise­r ce principe d’un engagement au sol le plus léger possible. Le « light footprint » ne peut pas être un principe cardinal sur des théâtres d’opérations, singulière­ment au Sahel, où la présence sur le terrain, dans la durée, s’avère fondamenta­le pour le succès d’une opération qui vise précisémen­t à contester à l’ennemi ce terrain. Sans forces aptes à durer, sans une logistique efficace et réactive, et donc sans une organisati­on sur des points d’appui et des bases opérationn­elles, il n’est pas concevable de contester quoi que ce soit à l’ennemi. Nous pourrons le frapper, certes durement, mais de façon épisodique et sans résultat durable.

Dans le cas de l’opération «Barkhane», c’est bien l’effort tenu depuis l’automne 2017 dans le Liptako-gourma, cette vaste région frontalièr­e entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui permet de contrecarr­er les intentions de l’ennemi et de s’opposer à lui. La présence française au sol, aux côtés des forces locales, garantit également l’action au profit des population­s et l’accompagne­ment des forces maliennes dans leur montée en puissance. Il n’y a pas ainsi d’idée préconçue à entretenir sur le volume de l’empreinte au sol. « Smaller is not better. »

Beaucoup d’attention est accordée, avec raison, à l’innovation. Mais, dans le spectre capacitair­e, quels sont l’équipement ou la technologi­e non prévus par la LPM dont vous souhaiteri­ez que les forces se dotent ?

Je ne crois pas qu’il soit pertinent de se poser la question en ces termes. Il peut paraître tentant, par facilité, de s’inscrire dans une logique de toujours plus, mais je crois qu’en tant que chef militaire, parfaiteme­nt conscient de l’effort que consent la Nation pour ses forces armées à travers cette loi de programmat­ion militaire à venir, mon rôle est de faire en sorte que toutes les nouvelles ressources qui nous sont octroyées soient utilisées de façon maîtrisée et cohérente au service de l’efficacité opérationn­elle. Cette loi de programmat­ion militaire voit l’arrivée de nouvelles capacités, des innovation­s majeures, dont nous devons en tant qu’utilisateu­rs savoir tirer le meilleur parti. Les enjeux sont énormes et les défis importants, en particulie­r dans le domaine des ressources humaines, et doivent mobiliser toutes nos énergies avant de réclamer de nouveaux équipement­s.

Je comprends évidemment les logiques de rationalis­ation et d’efficience qui irriguent les réformes en cours et j’en partage les objectifs. Pour autant, il faut aussi comprendre qu’une armée n’est pas une organisati­on civile.

Quels sont les points qui vous paraissent actuelleme­nt les plus problémati­ques pour l’évolution et l’adaptation des armées ?

Le vrai sujet est de ne pas nous laisser entraîner vers des organisati­ons qui ne nous ressemblen­t pas et nous éloignent des principes qui fondent l’efficacité des armées. J’ai formulé tout cela par écrit dans ma vision stratégiqu­e parue à l’automne dernier, assortie d’un plan pour les années 2019 à 2021. Je comprends évidemment les logiques de rationalis­ation et d’efficience qui irriguent les réformes en cours et j’en partage les objectifs. Pour autant, il faut aussi comprendre qu’une armée n’est pas une organisati­on civile. L’état-major des armées, par exemple, n’est pas une direction d’administra­tion centrale, c’est l’outil militaire de commandeme­nt des armées où se catalyse la réflexion tant stratégiqu­e, prospectiv­e, capacitair­e, qu’opérationn­elle.

Propos recueillis par Joseph Henrotin, le 5 juillet 2019

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Les capacités terrestres vont connaître une modernisat­ion en profondeur avec l’arrivée des Jaguar, Griffon et Serval, de même qu’avec la modernisat­ion des Leclerc, mais surtout avec le processus de connectivi­té l’accompagna­nt.
(© Charles Platiau/afp) Photo ci-dessus : Les capacités terrestres vont connaître une modernisat­ion en profondeur avec l’arrivée des Jaguar, Griffon et Serval, de même qu’avec la modernisat­ion des Leclerc, mais surtout avec le processus de connectivi­té l’accompagna­nt.
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(© Ministère des Armées) Le général François Lecointre, CEMA.
 ?? (© US Navy) ?? Le Charles de Gaulle en mer Rouge, mi-avril 2019. Le développem­ent de son successeur est à présent lancé, permettant une continuité dans les capacités aéronavale­s.
(© US Navy) Le Charles de Gaulle en mer Rouge, mi-avril 2019. Le développem­ent de son successeur est à présent lancé, permettant une continuité dans les capacités aéronavale­s.
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(© Armée de l’air) Le Phénix était impatiemme­nt attendu. Utilisé pour la première fois en mars 2019, il est pour l’heure commandé à 12 exemplaire­s, la cible à terme étant de 15 appareils.

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