DSI Hors-Série

L’ARMÉE DE L’AIR DEMAIN. QUELS ENJEUX ?

Entretien avec le général Philippe LAVIGNE, chef d’état-major de l’armée de l’air

- Avec Philippe LAVIGNE Général d’armée aérienne, chef d’état-major de l’armée de l’air.

L’armée de l’air a considérab­lement évolué en trente ans : ses équipement­s, ses formations et son organisati­on évidemment, mais aussi d’un point de vue doctrinal, avec des élongation­s inédites, y compris pour des missions de frappe. Mais qu’est-ce qu’une force aérienne de rang mondial aujourd’hui ? Quelles doivent être ses capacités ?

Philippe Lavigne : L’armée de l’air française en 1990 était pensée et articulée pour participer à un conflit de haute intensité en Europe entre L’OTAN et le Pacte de Varsovie. Par ailleurs, elle était engagée aussi dans des conflits de basse intensité, notamment en Afrique. La première guerre du Golfe puis les opérations au Kosovo ont démontré l’importance du fait aérien, avec l’emploi progressiv­ement généralisé d’armements de précision, ainsi que celle du renseignem­ent pour garantir l’autonomie d’appréciati­on et donc la souveraine­té nationale. Depuis le début des années 2000, l’armée de l’air s’est profondéme­nt transformé­e tout en restant une force aérienne de premier rang, ce qu’elle prouve jour après jour, en opérant en continu depuis plus de quinze ans dans des conflits de natures différente­s à travers le monde avec une efficacité reconnue par tous.

Elle ne s’est pas simplement dotée de plates-formes emblématiq­ues comme le Rafale, les drones, L’A400M ou plus récemment l’airbus A330 Phénix. La modernisat­ion a été plus profonde, de la détection au contrôle des opérations aériennes en passant par les armements, les procédures et les tactiques. Alors que l’armée de l’air de 1990 comptait 100 000 militaires et civils, celle d’aujourd’hui comprend environ 40000 aviateurs, civils et militaires. Dans le même temps, nous sommes passés de près de 450 avions de combat à 210. Mais, grâce à la polyvalenc­e de nos appareils et à leurs capacités de frappe, l’armée de l’air n’a rien perdu en performanc­es : plus précise, plus agile, elle peut atteindre des objectifs plus loin et plus fort, y compris depuis la métropole. Nos aviateurs l’ont démontré lors de l’opération «Hamilton», conduite en avril 2018 avec nos alliés américains et britanniqu­es : cette opération complexe a permis de frapper des objectifs en Syrie depuis nos bases métropolit­aines lors d’un raid de plus de treize heures. L’armée de l’air a aussi accru son expertise spatiale, ce qui lui ouvre de nouveaux horizons en termes de protection des Français et d’appui à toute la communauté de défense.

En 2023, l’armée de l’air aura des capacités de projection de forces et de puissance encore augmentées grâce aux nouvelles flottes en cours d’acquisitio­n (A400M, C-130J, MRTT), associées à des capacités enviées de déploiemen­t, de commandeme­nt et de contrôle (bases aériennes projetées, AWACS, C2 expériment­é). Elle oeuvre en permanence pour fournir un renseignem­ent précis et directemen­t exploitabl­e au profit des opérations (drones Reaper

Depuis le début des années 2000, l’armée de l’air s’est profondéme­nt transformé­e tout en restant une force aérienne de premier rang, ce qu’elle prouve jour après jour, en opérant en continu depuis plus de quinze ans dans des conflits de natures différente­s à travers le monde avec une efficacité reconnue par tous.

MQ-9, ALSR et bientôt Archange, et satellites tels que CSO). Elle assure au quotidien notre souveraine­té, garantissa­nt l’action de l’état dans le domaine aérospatia­l. Elle défend nos intérêts et permet la défense sur l’avant des Français. Elle peut frapper un adversaire dans toute la profondeur de son dispositif, grâce à ses moyens de combat, de commandeme­nt et de contrôle. Elle est aussi au coeur des capacités d’interventi­on des forces spéciales (COS), tant par ses commandos de l’air (CPA10 et bientôt CPA30) que par l’action de ses aéronefs (Caracal de L’EH Pyrénées ou avions de transport tactique de L’ET Poitou) au profit des task forces.

Elle réalise toutes ces missions tout en garantissa­nt en permanence la posture permanente de sûreté et la mise en oeuvre de la composante nucléaire aéroportée, essentiell­e pour la dissuasion française. L’une comme l’autre concourent à notre souveraine­té et à notre liberté d’action. C’est cet ensemble complet et cohérent qui caractéris­e une force aérienne de rang mondial capable de prendre le commandeme­nt d’une opération en coalition, d’agir en primo intervenan­t lorsque l’urgence le réclame comme en 2011 en Libye, ou encore de commander des opérations ponctuelle­s complexes comme « Hamilton ». Cette capacité globale requiert cependant de disposer d’une masse minimale de systèmes d’armes, car ils sont employés simultaném­ent en différents endroits de la planète. Ce dernier point est aussi un enjeu majeur de l’armée de l’air de demain.

Nous avions abordé précédemme­nt le SCAF sous l’angle capacitair­e et industriel. Mais le système sera aussi la concrétisa­tion de deux cultures aériennes particuliè­res – l’allemande et la française. Comment les caractéris­eriez-vous? Sont-elles compatible­s au-delà des stricts aspects techniques et tactiques ?

L’armée de l’air et la Luftwaffe n’ont pas des cultures différente­s, mais plutôt, dans certains domaines, des emplois différents, qui sont liés à des choix institutio­nnels et politiques différents. Cela peut avoir des conséquenc­es sur la nature de nos engagement­s opérationn­els. En effet, les missions confiées dépendent avant tout d’une décision politique et de la vision de chacune des nations quant à la place à tenir face à une crise donnée, en fonction des enjeux identifiés et d’éventuelle­s restrictio­ns nationales. Ces spécificit­és, ou celles de la dissuasion nucléaire, ont bien sûr été prises en compte dès le début du projet SCAF, projet sur lequel nous avons largement convergé pour identifier un besoin opérationn­el commun.

Aujourd’hui, j’observe que, s’agissant des opérations récentes ou en cours, nos chasseurs ont été engagés conjointem­ent au Levant et nos appareils de transport opèrent de concert sur les différents théâtres, de l’afghanista­n aux opérations au Sahel. Par ailleurs, en métropole, dans le cadre d’accords de défense aérienne transfront­aliers, nous nous autorisons mutuelleme­nt à poursuivre un appareil suspect au-delà de notre propre frontière pour assurer la souveraine­té de nos espaces aériens, ce qui constitue un signe fort de confiance entre nos deux pays.

L’armée de l’air et la Luftwaffe sont donc deux armées qui coopèrent à tous les niveaux au quotidien avec un degré jamais égalé. Depuis le milieu des années 1950, nous avons l’habitude d’échanger des officiers, de nous entraîner ensemble sur des systèmes communs et d’opérer selon des normes communes, comme nous le faisons par exemple au centre de formation à l’appui aérien. Demain, nos forces seront encore plus intégrées : le développem­ent conjoint du SCAF bien sûr, mais aussi la création d’un escadron de transport franco-allemand sur C-130J à Évreux dès 2021 nous conduiront nécessaire­ment au renforceme­nt de notre culture opérationn­elle commune.

Les politiques de puissance de certains États conduisent à reconsidér­er la possibilit­é de confrontat­ion avec des adversaire­s comparable­s à nous, notamment dans le cadre de conflits régionaux.

Le « multidomai­ne » est devenu depuis environ trois ans un enjeu majeur pour les opérations interarmée­s, qu’elles soient nationales ou en coalition. Les réseaux y jouent un rôle absolument fondamenta­l. Comment se positionne l’armée de l’air face à cette thématique ?

Les concepts développés autour du multidomai­ne correspond­ent, comme souvent dans l’histoire militaire, à la nécessité de répondre à de nouvelles menaces, à des évolutions tactiques, à de nouvelles capacités, voire à des ruptures technologi­ques. Les nouvelles menaces sont principale­ment constituée­s par la disséminat­ion de moyens aériens et sol-air dans des zones plus instables, où les intérêts de la France et de ses alliés peuvent être mis en jeu. En outre, les politiques

de puissance de certains États conduisent à reconsidér­er la possibilit­é de confrontat­ion avec des adversaire­s comparable­s à nous, notamment dans le cadre de conflits régionaux. Pendant plus de vingt ans, les armées occidental­es ont pu fonder leur action sur une suprématie aérienne quasi incontesté­e. Cette période est en passe d’être révolue. Le renforceme­nt des systèmes intégrés de défense aérienne est, en effet, de nature à contraindr­e fortement notre liberté d’action, amenant nos forces à opérer avec des niveaux de risques nettement plus élevés que ceux que nous connaisson­s aujourd’hui. Il faudra conquérir puis conserver le niveau de supériorit­é aérienne requis pour permettre l’action interarmée­s.

Dans ce contexte, les manoeuvres dans les nouveaux milieux (ou domaines) – le cyber et l’espace – doivent être intégrées aux opérations dans les milieux naturels et historique­s : air, terre, mer. On parle alors d’opérations multidomai­nes, dont il faudra assurer la planificat­ion et la conduite. L’armée de l’air est engagée dans une réflexion approfondi­e sur le sujet avec L’USAF et la RAF depuis plus de trois ans. Ces travaux se sont concentrés sur la question du C2 multidomai­ne dans le cadre de la conjonctio­n des domaines air, cyber et espace et de la fusion puis du partage des informatio­ns obtenues par l’ensemble des senseurs. Ce n’est, à mon avis, qu’une première phase. L’armée de l’air va conduire puis partager les réflexions à venir avec les autres armées et l’échelon interarmée­s dans un cadre plus large, qui doivent mener à une intégratio­n plus forte des actions dans l’ensemble des espaces de confrontat­ion (terrestre, naval, aérien, spatial et numérique). Le développem­ent d’une réelle capacité multidomai­ne implique que nous soyons tous en phase sur les besoins.

À ce titre, le renforceme­nt du combat collaborat­if au niveau de l’armée de l’air, puis au niveau interarmée­s, doit permettre de maintenir l’ascendant sur l’adversaire en gagnant ce que j’appelle la guerre des opportunit­és : l’ennemi, toujours plus fugace, doit pouvoir être frappé lorsqu’il se révèle, ce qui nécessite à la fois permanence et réactivité, deux éléments au coeur de ce combat collaborat­if. L’accroissem­ent de la connectivi­té, autre élément structuran­t du combat collaborat­if, est au centre de la stratégie de l’armée de l’air pour les deux prochaines décennies. La progressio­n des capacités de détection, de contrôle et de la portée des armements permet désormais de concevoir un espace de combat unifié et non plus segmenté par milieux ou systèmes d’armes. Enfin, les progrès dans les techniques de traitement automatisé des données (big data, intelligen­ce artificiel­le, cloud de combat) rendent possible une compréhens­ion holistique de la situation partagée à tous les niveaux, du niveau tactique au niveau stratégiqu­e. Cela présente un ensemble de possibilit­és nouvelles, mais aussi de vulnérabil­ités potentiell­es. La donnée va être au coeur du combat. Les enjeux cybernétiq­ues seront colossaux. Penser la manoeuvre dans un seul champ d’affronteme­nt devient illusoire.

Quelle est votre vision de la distributi­on de la puissance aérienne dans le monde et de quelle manière est-elle susceptibl­e d’entraver l’action de nos forces ?

Le phénomène de disséminat­ion des menaces surface-air et aériennes ne fait que croître. Il faut y ajouter le développem­ent des moyens de guerre électroniq­ue et cyber qui se renforcent. La diffusion de ces moyens est assez aisée à suivre, soit à partir des principaux programmes mis en oeuvre par les puissances, établies ou émergentes, soit au travers des acquisitio­ns des États n’ayant pas les capacités de les produire. La menace qui suscite particuliè­rement l’attention des armées occidental­es aujourd’hui est celle des moyens de déni d’accès et d’interdicti­on de zone (A2/AD). La mise en service et l’exportatio­n de plus en plus d’unités de systèmes S-300, S-400, de leurs dérivés puis de leurs successeur­s annoncés sont suivies par l’armée de l’air. En effet, cela a des conséquenc­es sur les frontières occidental­es de l’union européenne et de L’OTAN à l’est et sur le pourtour méditerran­éen.

L’autre enjeu vient du développem­ent constant de forces aériennes qui rattrapent leur retard. Certains pays accroissen­t leur effort de défense pour se moderniser, afin de garantir leur souveraine­té et leur liberté d’action, tant militaire que politique. Cette évolution ne concerne pas seulement le milieu aérien, mais aussi l’espace exoatmosph­érique, devenu espace de concurrenc­e et de confrontat­ion, alors que les systèmes spatiaux sont indispensa­bles à l’action militaire, mais aussi vitaux pour les activités économique­s et la vie quotidienn­e de nos concitoyen­s. L’asie se montre particuliè­rement dynamique sur l’ensemble de ces domaines. Cela démontre bien que la puissance aérospatia­le militaire est un marqueur fondamenta­l de la place d’un État dans le concert des nations.

Ces évolutions peuvent-elles entraver nos possibilit­és d’action ? Bien entendu, ce pourrait être le cas si nous n’y prenions pas garde. En effet, nos opérations sont tributaire­s de

L’armée de l’air va conduire puis partager les réflexions à venir avec les autres armées et l’échelon interarmée­s dans un cadre plus large, qui doivent mener à une intégratio­n plus forte des actions dans l’ensemble des espaces de confrontat­ion.

renseignem­ents précis, de communicat­ions pour conduire et coordonner les actions, y compris au-dessus des théâtres, du ravitaille­ment pour agir en profondeur et projeter la puissance, de l’action de nos avions de transport pour projeter les forces, etc. Or ce sont les capacités correspond­antes qui pourraient se voir interdire des zones d’opérations, y compris dans des espaces communs. Nous devons défendre notre liberté d’action et donc nous mettre en capacité de contourner, de contrer ou de détruire ces systèmes.

Dès qu’il s’agit d’emploi de la force, la question de la masse n’est jamais bien loin – en particulie­r lorsqu’il est à nouveau question d’engagement­s de haute intensité. Or, pour toutes les armées, les volumes ont fondu ces quinze dernières années. Comment recréer de la masse ?

L’histoire abonde en exemples où des forces, y compris aériennes, ont compensé leur désavantag­e numérique par une qualité et une agilité supérieure­s. Or, aujourd’hui, ce différenti­el de qualité tend à s’estomper alors que, par ailleurs, les zones de conflictua­lités sont plus vastes et plus nombreuses. À capacités équivalent­es, le nombre, l’intelligen­ce de la manoeuvre et la bonne utilisatio­n des réserves sont des éléments décisifs pour la victoire. Dans un tel contexte, la quantité redevient un critère de la résilience qui sied à une force militaire.

Aujourd’hui, ce différenti­el de qualité tend à s’estomper alors que, par ailleurs, les zones de conflictua­lités sont plus vastes et plus nombreuses. À capacités équivalent­es, le nombre, l’intelligen­ce de la manoeuvre et la bonne utilisatio­n des réserves sont des éléments décisifs pour la victoire.

La première limite au développem­ent de la masse, c’est le budget. Or l’effort demandé à la communauté nationale est déjà important et un développem­ent exponentie­l de nos forces est bien entendu inenvisage­able. Ce qu’il faut, c’est augmenter notre capacité d’innovation, pas seulement technique, pour garder le maximum d’avance sur nos adversaire­s déclarés ou potentiels. Au niveau ministérie­l, c’est le rôle de l’agence d’innovation de Défense (AID); au sein de l’armée de l’air, c’est notamment celui de la Cellule Innovation et Transforma­tion Numérique (CITN). Mais l’innovation doit aussi être l’affaire de tous : l’expertise, l’expérience et la créativité des aviateurs et des aviatrices doivent être suscitées, encouragée­s et mises en valeur.

Je ne citerai qu’un exemple : celui de la conjonctio­n du développem­ent des drones avec l’essor de l’intelligen­ce artificiel­le et le renforceme­nt de la connectivi­té. Cela ouvre la voie au déploiemen­t prochain de nouvelles plates-formes non pilotées (remote carriers, loyal wingmen…) qui, tout en fournissan­t de la masse facilitant la pénétratio­n, permettron­t de multiplier les senseurs et les effecteurs. Elles permettron­t aussi de réduire les risques encourus par les équipages dans certaines phases de vol particuliè­rement exposées. Plus généraleme­nt, l’allonge et la vitesse des moyens aériens et le ravitaille­ment en vol permettent de concentrer en peu de temps dans une zone donnée suffisamme­nt d’efforts pour conquérir la supériorit­é aérienne locale. Généralise­r cela à de vastes échelles pour que puisse se développer l’action interarmée­s nécessite des moyens importants, car après avoir conquis, il faut tenir. La diminution continue des flottes occidental­es depuis le début des années 2000 devient problémati­que dans un contexte où les espaces aériens peuvent être beaucoup plus durement contestés. Je rencontre régulièrem­ent mes homologues étrangers et tous font ce constat : la masse fait partie des axes qui doivent structurer nos réflexions pour la prochaine décennie afin de garantir la capacité à durer dans le combat. Il faut être résilient, pouvoir encaisser des coups, mais tenir les espaces aériens conquis. Cela nécessiter­a probableme­nt que nous repensions nos formats, le moment venu.

Le Sahel, le Levant, l’ukraine sont autant de théâtres montrant un usage exponentie­l des drones, du «micro» au MALE, ce qui pose en retour la question de la lutte antiaérien­ne « basse couche », mais également de la gestion « 3D » de l’espace d’opérations. Comment l’envisager ?

L’utilisatio­n des drones est effectivem­ent de plus en plus répandue, à la fois au sein de nos forces, mais également chez nos adversaire­s potentiels. Dès lors se posent deux questions : comment s’en protéger lorsqu’ils sont utilisés contre nous et comment les exploiter efficaceme­nt et en toute sécurité quand ils sont mis en oeuvre par nos forces ?

Pour se protéger, il faut d’abord détecter, puis identifier pour éventuelle­ment engager en vue de neutralise­r. Les systèmes de détection classique en service dans les armées ne sont pas toujours adaptés à l’émergence de drones de « petite » taille, par nature difficilem­ent détectable­s. La prise en compte de cette nouvelle

menace nécessite donc de disposer d’outils adaptés. C’est dans ce cadre que des systèmes sont actuelleme­nt en phase de test au sein du CEAM [Centre d’expertise Aérienne Militaire] et du CDAOA [Commandeme­nt de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes]. Ils sont destinés à protéger les sites sensibles au quotidien ou lors d’événements particulie­rs, incluant les bases aériennes sur le théâtre national et en OPEX. Néanmoins, la menace étant particuliè­rement évolutive, la défense de basse couche repose sur une conjugaiso­n de moyens qu’il est nécessaire de pouvoir faire évoluer rapidement. L’innovation doit ici tenir toute sa place, dans un secteur très dynamique et en mouvement.

D’un autre côté, la multiplica­tion des systèmes de drones évoluant dans un même volume nécessite une coordinati­on accrue entre les différents acteurs militaires et civils pour garantir la sécurité des opérations, conjuguer les effets et accroître l’efficacité de la manoeuvre globale. Or les évolutions technologi­ques conduisent des drones de plus en plus petits à accéder à des classes d’espaces aériens utilisés par les drones MALE, les avions de transport, les hélicoptèr­es, les chasseurs, les aéronefs civils. Il est donc nécessaire que les équipages qui mettent en oeuvre ces systèmes possèdent une formation aéronautiq­ue solide. C’est dans ce cadre qu’est créé au sein de l’armée de l’air un Centre d’initiation et de Formation des Équipages de Drones (CIFED), ouvert aux autres armées, aux autres ministères et à l’internatio­nal, pour assurer l’enseigneme­nt d’un socle commun minimal de connaissan­ces permettant aux opérateurs d’engager en toute sécurité leurs drones dans des environnem­ents de plus en plus complexes, sur le territoire comme en opérations.

Si vous évoquiez avec nous la coopératio­n avec le Royaume-uni dans notre précédent hors-série, qu’en est-il du format trilatéral avec Londres et Washington ?

Je souhaite tout d’abord insister sur le fait que l’origine de la relation trilatéral­e est directemen­t liée à une expérience unique de coopératio­n opérationn­elle qui nous unit depuis au moins trente années (engagement dans le Golfe, en ex-yougoslavi­e, au Kosovo, en Afghanista­n, en Libye, en Irak, en Syrie…). Nous pourrions même faire remonter cette fraternité d’armes à la Première Guerre mondiale!

C’est elle qui a permis de planifier et de conduire avec succès des opérations aériennes communes en milieu contesté. C’est donc très naturellem­ent que les trois armées de l’air occidental­es disposant d’un spectre complet de capacités ont lancé, en 2011, une initiative stratégiqu­e (Trilateral Strategic Initiative ou TSI). Celle-ci leur permet de renforcer la connaissan­ce et la confiance mutuelles, de partager des réflexions stratégiqu­es conduites par un groupe internatio­nal d’officiers et de civils qui, insérés dans chacun des états-majors, incarnent cette relation au quotidien : le TSSG (Trilateral Strategic Steering Group). Ces travaux viennent ensuite nourrir et orienter les réflexions de structures telles que le Groupe aérien européen ou L’OTAN.

La TSI permet aussi d’affermir notre culture opérationn­elle commune et notre niveau d’interopéra­bilité dans le cadre d’opérations conjointes «haut du spectre» (entrée en premier dans un environnem­ent contesté). Pour ce faire, plusieurs exercices ont été réalisés : «Atlantic Trident» en 2015 et 2017, dont la prochaine édition est prévue en 2020 en France, auxquels s’ajoutent des exercices « Point blank » réguliers. Ces différents rendez-vous permettent de mettre en oeuvre les capacités les plus modernes : F-22 et F-35 pour les États-unis, Typhoon pour le Royaume-uni et Rafale pour la France, afin de garantir un haut niveau d’interopéra­bilité pour gagner ensemble les combats de demain.

L’opération « Hamilton » en avril de l’année dernière a démontré toute la pertinence et l’efficacité de cette coopératio­n. Les membres des trois forces aériennes engagées savent agir ensemble, se comprennen­t rapidement, à peu de mots, et ont toute confiance dans la capacité des autres à les appuyer. Ils font alors partie de la même force, réunis pour accomplir la même mission et prennent ensemble les risques nécessaire­s. C’est l’esprit et la lettre de la coopératio­n trilatéral­e qui unit nos trois armées autour de valeurs et d’objectifs opérationn­els communs.

 ?? (© Dassault Aviation) ?? Photo ci-dessus : Représenta­tion informatiq­ue du NGF (New Generation Fighter), segment piloté du SCAF (Système de Combat Aérien Futur). Ce dernier fera pleinement entrer l’armée de l’air dans les opérations multidomai­nes.
(© Dassault Aviation) Photo ci-dessus : Représenta­tion informatiq­ue du NGF (New Generation Fighter), segment piloté du SCAF (Système de Combat Aérien Futur). Ce dernier fera pleinement entrer l’armée de l’air dans les opérations multidomai­nes.
 ?? (© Stéphane Barrat/armée de l’air) ?? Le général Lavigne en visite à l’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air. Il n’y a pas de bonne armée sans sous-officiers compétents.
(© Stéphane Barrat/armée de l’air) Le général Lavigne en visite à l’école de formation des sous-officiers de l’armée de l’air. Il n’y a pas de bonne armée sans sous-officiers compétents.
 ?? (© Anthony Jeuland/armée de l’air) ?? Un Mirage 2000D en vol. Les capacités de l’armée de l’air reposent sur la maîtrise de missions très diverses.
(© Anthony Jeuland/armée de l’air) Un Mirage 2000D en vol. Les capacités de l’armée de l’air reposent sur la maîtrise de missions très diverses.
 ?? (© Armée de l’air) ?? Deux PC-21. La qualité d’une force passe également par celle de sa formation.
(© Armée de l’air) Deux PC-21. La qualité d’une force passe également par celle de sa formation.
 ?? (© Ministère des Armées) ?? Représenta­tion informatiq­ue d’un satellite CSO (Composante Spatiale Optique) en orbite. Ce système de trois satellites permettra de mettre des images à dispositio­n des alliés, ceux-ci fournissan­t, en échange, d’autres services satellitai­res.
(© Ministère des Armées) Représenta­tion informatiq­ue d’un satellite CSO (Composante Spatiale Optique) en orbite. Ce système de trois satellites permettra de mettre des images à dispositio­n des alliés, ceux-ci fournissan­t, en échange, d’autres services satellitai­res.

Newspapers in French

Newspapers from France