LA RÉFORME DES FORCES TERRESTRES
OOccupant historiquement une place centrale dans l’armée Populaire de libération (APL), les forces terrestres chinoises connaissent une vaste réforme depuis 2016, avec l’ambition d’une plus grande agilité et leur intégration au profit des commandements de théâtre.
QUAND L’ORGANIQUE IMPLIQUE L’OPÉRATIONNEL
Avec plus de 900000 hommes affectés à des unités combattantes, les forces terrestres chinoises sont les plus importantes au monde, de sorte que leur évolution ne va pas de soi, en particulier dans un contexte où leur doctrine évolue. L’effet le plus visible de la réforme de 2015-2016 a été le processus de brigadisation des forces terrestres, ne laissant subsister que quelques divisions dont l’avenir n’est pas assuré. Concrètement, la structure retenue se fonde sur le triptyque «corps/brigade/bataillon» – sachant que ce qui est qualifié de «groupe d’armées» est en réalité un corps. Passés de 18 à 13 avec la réforme (ils étaient 24 au milieu des années 1980), ce sont des unités majeures qui regroupent quatre à cinq brigades de mêlée, une brigade d’artillerie, une brigade d’artillerie antiaérienne, éventuellement une brigade d’hélicoptères et des éléments du génie, en plus d’unités spécialisées (transmissions, défense chimique). Aucune organisation type n’existe pour les groupes d’armées, la rationalité de leur composition étant liée aux théâtres dont ils relèvent.
Au demeurant, des inconnues persistent au niveau de la distribution des forces, au regard par exemple des évolutions des troupes de marine. Originalité chinoise, six brigades relevaient de la marine, les forces terrestres disposant de brigades d’infanterie mécanisées. Il est possible qu’elles soient toutes regroupées à terme auprès de la marine, mais aussi qu’elles connaissent une montée en puissance. Certaines rumeurs évoquent ainsi la disposition, à terme, de pas moins de 100000 hommes(1). Le même questionnement touche l’artillerie côtière ou les troupes aéroportées. De même, il est difficile de dire ce qu’il adviendra des forces de réserve, qui comptent actuellement 38 divisions, 29 brigades et 50 régiments. En tout état de cause, les réformes engagées devraient permettre une plus grande aptitude au combat interarmes. La réduction du nombre d’unités et leur brigadisation devrait également permettre de densifier l’entraînement.
Les réformes engagées devraient permettre une plus grande aptitude au combat interarmes. La réduction du nombre d’unités et leur brigadisation devrait également permettre de densifier l’entraînement.
QUELLES PERFORMANCES OPÉRATIONNELLES ?
De facto, les performances opérationnelles des forces terrestres ne sont pas
historiquement élevées. Don Tse ainsi rapporte qu’entre 2014 et 2016, la brigade OPFOR chinoise a remporté 32 victoires sur 33 engagements contre des brigades classiques au cours d’entraînements, avec en moyenne 70 % de pertes pour les unités rouges (2). Sont mis en cause le réalisme de l’entraînement, mais aussi une focalisation excessive sur la formalisation, qui débouche sur une trop grande lenteur de réaction. En tout état de cause, la nouvelle réforme doit permettre de réduire ces désavantages. Du reste, celle-ci maintient un certain nombre de fondamentaux.
C’est le cas de l’importance accordée à l’artillerie, qui rassemble un tiers des forces terrestres. Nombre de ses systèmes ont été modernisés, comme en témoignent leurs acronymes (la fonction est résumée dans les trois premières lettres, l’année de mise en service dans les deux chiffres les suivant) : PHL-03, PLZ-05, PLZ-07, PLL-09, PCL-09, PHZ-11. La modernisation porte également sur la mécanisation de l’infanterie : ZBD-04/05, ZBL-08 (et variantes de cette plate-forme 8 × 8). Dans les deux cas de figure, la mobilité des forces est mise en avant, l’artillerie tractée étant certes conservée, mais sans être pour l'heure modernisée. Trois autres secteurs ont connu une modernisation rapide ces quinze dernières années :
• le premier est la défense aérienne : avec plus de 400 lanceurs modernes – sans compter les capacités de la force aérienne –, elle s’articule sur la très courte portée (MANPADS), la courte portée (les Tor et leur sinisation en tant que HQ-17, HQ-6) et la moyenne portée (HQ-16, variante codéveloppée avec la Russie du SA-11 ou du SA-17). Il faut y ajouter les SPAAG (3) chenillés PGZ-04 et PGZ-07. Tous ces systèmes sont mobiles ;
• le deuxième axe concerne les capacités en hélicoptères et l’aviation de l’armée. Formée en 1986, elle ne comptait qu’un seul régiment. Aujourd’hui, elle dispose de 13 brigades et d’un peu plus de 1 000 aéronefs, dont l’adaptation à leur mission a considérablement évolué, dans le domaine de l’attaque – qui s’est considérablement développé avec les WZ-10 et WZ-19 – ou dans celui du transport. Le gros des capacités reste constitué de machines d’origine russe, mais de nouvelles versions du Z-8 apparaissent. Le rôle futur du Z-20, en cours d’essais et dont les formes rappellent celles de L’UH-60 dans l’aviation de l’armée, n’est pas encore connu ;
• les capacités de commandement et de contrôle ont semble-t-il nettement évolué; cela reste cependant difficile à évaluer, les sources les concernant étant peu nombreuses. On peut toutefois noter qu’elles s’adossent à des capacités de renseignement en forte évolution, notamment avec l’entrée en service de nombreux microdrones et drones tactiques, y compris pour des missions de relais de communication et de guerre électronique.
Entre aspects organiques et capacitaires, la réforme des forces terrestres est impressionnante, mais elle ne doit pas faire oublier l’ampleur de la tâche. Nombre d’unités d’infanterie ne sont ni mécanisées, ni même motorisées et se déplacent encore en camion, et un bon tiers des chars de bataille restent des ZTZ-69 et ZTZ-79, dérivés du T-54. Surtout, l’efficacité opérationnelle ne s’achète pas avec des matériels neufs : la formation et l’entraînement sont déterminants. Les prochaines années permettront donc de dire si les réformes engagées ont effectivement porté leurs fruits.
Notes
(1) Dennis J. Blasko, « What is Known and Unknown about Changes to the PLA’S Ground Combat Units », China Brief, vol. 17, no 7, 11 mai 2017.
(2) Les rouges étant tenus par la Chine. Avec 70% de pertes, elles ont été techniquement anéanties, perdant toute cohésion. Don Tse, « China’s Americanized Military », The Diplomat, 13 décembre 2017.
(3) Self-propelled Anti-aircraft Gun.