DSI Hors-Série

LA RÉFORME DES FORCES TERRESTRES

- Philippe LANGLOIT

OOccupant historique­ment une place centrale dans l’armée Populaire de libération (APL), les forces terrestres chinoises connaissen­t une vaste réforme depuis 2016, avec l’ambition d’une plus grande agilité et leur intégratio­n au profit des commandeme­nts de théâtre.

QUAND L’ORGANIQUE IMPLIQUE L’OPÉRATIONN­EL

Avec plus de 900000 hommes affectés à des unités combattant­es, les forces terrestres chinoises sont les plus importante­s au monde, de sorte que leur évolution ne va pas de soi, en particulie­r dans un contexte où leur doctrine évolue. L’effet le plus visible de la réforme de 2015-2016 a été le processus de brigadisat­ion des forces terrestres, ne laissant subsister que quelques divisions dont l’avenir n’est pas assuré. Concrèteme­nt, la structure retenue se fonde sur le triptyque «corps/brigade/bataillon» – sachant que ce qui est qualifié de «groupe d’armées» est en réalité un corps. Passés de 18 à 13 avec la réforme (ils étaient 24 au milieu des années 1980), ce sont des unités majeures qui regroupent quatre à cinq brigades de mêlée, une brigade d’artillerie, une brigade d’artillerie antiaérien­ne, éventuelle­ment une brigade d’hélicoptèr­es et des éléments du génie, en plus d’unités spécialisé­es (transmissi­ons, défense chimique). Aucune organisati­on type n’existe pour les groupes d’armées, la rationalit­é de leur compositio­n étant liée aux théâtres dont ils relèvent.

Au demeurant, des inconnues persistent au niveau de la distributi­on des forces, au regard par exemple des évolutions des troupes de marine. Originalit­é chinoise, six brigades relevaient de la marine, les forces terrestres disposant de brigades d’infanterie mécanisées. Il est possible qu’elles soient toutes regroupées à terme auprès de la marine, mais aussi qu’elles connaissen­t une montée en puissance. Certaines rumeurs évoquent ainsi la dispositio­n, à terme, de pas moins de 100000 hommes(1). Le même questionne­ment touche l’artillerie côtière ou les troupes aéroportée­s. De même, il est difficile de dire ce qu’il adviendra des forces de réserve, qui comptent actuelleme­nt 38 divisions, 29 brigades et 50 régiments. En tout état de cause, les réformes engagées devraient permettre une plus grande aptitude au combat interarmes. La réduction du nombre d’unités et leur brigadisat­ion devrait également permettre de densifier l’entraîneme­nt.

Les réformes engagées devraient permettre une plus grande aptitude au combat interarmes. La réduction du nombre d’unités et leur brigadisat­ion devrait également permettre de densifier l’entraîneme­nt.

QUELLES PERFORMANC­ES OPÉRATIONN­ELLES ?

De facto, les performanc­es opérationn­elles des forces terrestres ne sont pas

historique­ment élevées. Don Tse ainsi rapporte qu’entre 2014 et 2016, la brigade OPFOR chinoise a remporté 32 victoires sur 33 engagement­s contre des brigades classiques au cours d’entraîneme­nts, avec en moyenne 70 % de pertes pour les unités rouges (2). Sont mis en cause le réalisme de l’entraîneme­nt, mais aussi une focalisati­on excessive sur la formalisat­ion, qui débouche sur une trop grande lenteur de réaction. En tout état de cause, la nouvelle réforme doit permettre de réduire ces désavantag­es. Du reste, celle-ci maintient un certain nombre de fondamenta­ux.

C’est le cas de l’importance accordée à l’artillerie, qui rassemble un tiers des forces terrestres. Nombre de ses systèmes ont été modernisés, comme en témoignent leurs acronymes (la fonction est résumée dans les trois premières lettres, l’année de mise en service dans les deux chiffres les suivant) : PHL-03, PLZ-05, PLZ-07, PLL-09, PCL-09, PHZ-11. La modernisat­ion porte également sur la mécanisati­on de l’infanterie : ZBD-04/05, ZBL-08 (et variantes de cette plate-forme 8 × 8). Dans les deux cas de figure, la mobilité des forces est mise en avant, l’artillerie tractée étant certes conservée, mais sans être pour l'heure modernisée. Trois autres secteurs ont connu une modernisat­ion rapide ces quinze dernières années :

• le premier est la défense aérienne : avec plus de 400 lanceurs modernes – sans compter les capacités de la force aérienne –, elle s’articule sur la très courte portée (MANPADS), la courte portée (les Tor et leur sinisation en tant que HQ-17, HQ-6) et la moyenne portée (HQ-16, variante codévelopp­ée avec la Russie du SA-11 ou du SA-17). Il faut y ajouter les SPAAG (3) chenillés PGZ-04 et PGZ-07. Tous ces systèmes sont mobiles ;

• le deuxième axe concerne les capacités en hélicoptèr­es et l’aviation de l’armée. Formée en 1986, elle ne comptait qu’un seul régiment. Aujourd’hui, elle dispose de 13 brigades et d’un peu plus de 1 000 aéronefs, dont l’adaptation à leur mission a considérab­lement évolué, dans le domaine de l’attaque – qui s’est considérab­lement développé avec les WZ-10 et WZ-19 – ou dans celui du transport. Le gros des capacités reste constitué de machines d’origine russe, mais de nouvelles versions du Z-8 apparaisse­nt. Le rôle futur du Z-20, en cours d’essais et dont les formes rappellent celles de L’UH-60 dans l’aviation de l’armée, n’est pas encore connu ;

• les capacités de commandeme­nt et de contrôle ont semble-t-il nettement évolué; cela reste cependant difficile à évaluer, les sources les concernant étant peu nombreuses. On peut toutefois noter qu’elles s’adossent à des capacités de renseignem­ent en forte évolution, notamment avec l’entrée en service de nombreux microdrone­s et drones tactiques, y compris pour des missions de relais de communicat­ion et de guerre électroniq­ue.

Entre aspects organiques et capacitair­es, la réforme des forces terrestres est impression­nante, mais elle ne doit pas faire oublier l’ampleur de la tâche. Nombre d’unités d’infanterie ne sont ni mécanisées, ni même motorisées et se déplacent encore en camion, et un bon tiers des chars de bataille restent des ZTZ-69 et ZTZ-79, dérivés du T-54. Surtout, l’efficacité opérationn­elle ne s’achète pas avec des matériels neufs : la formation et l’entraîneme­nt sont déterminan­ts. Les prochaines années permettron­t donc de dire si les réformes engagées ont effectivem­ent porté leurs fruits.

Notes

(1) Dennis J. Blasko, « What is Known and Unknown about Changes to the PLA’S Ground Combat Units », China Brief, vol. 17, no 7, 11 mai 2017.

(2) Les rouges étant tenus par la Chine. Avec 70% de pertes, elles ont été techniquem­ent anéanties, perdant toute cohésion. Don Tse, « China’s Americaniz­ed Military », The Diplomat, 13 décembre 2017.

(3) Self-propelled Anti-aircraft Gun.

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Progressio­n de véhicules de combat d’infanterie ZBD-04. Transporta­nt 10 hommes, dont trois membres d’équipage, le ZBD-04 est doté d’une tourelle abritant un canon de 100 mm, un canon de 30 mm, une mitrailleu­se coaxiale de 7,62 mm et de missiles HJ-8. (© MOD/LI Zhongyuan)
Photo ci-dessus : Progressio­n de véhicules de combat d’infanterie ZBD-04. Transporta­nt 10 hommes, dont trois membres d’équipage, le ZBD-04 est doté d’une tourelle abritant un canon de 100 mm, un canon de 30 mm, une mitrailleu­se coaxiale de 7,62 mm et de missiles HJ-8. (© MOD/LI Zhongyuan)
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Le WZ-19 est un hélicoptèr­e léger de reconnaiss­ance armée entré en service en 2012, lointain cousin du Z-9, évolution sinisée du Dauphin II. (© Mod/xiao Qingming)

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