DSI Hors-Série

FRAPPER LOIN : LA MODERNISAT­ION CAPACITAIR­E DE LA FMS ET DE LA FORCE AÉRIENNE

LA MODERNISAT­ION CAPACITAIR­E DE LA FMS ET DE LA FORCE AÉRIENNE

- Joseph HENROTIN

Dans l’évolution de la force aérienne chinoise vers une « force aérienne stratégiqu­e » tout comme dans celle de la Force de Missiles Stratégiqu­es (FMS), les aspects capacitair­es sont centraux en vertu des distances sur le théâtre Asie-pacifique. Par contrecoup, le développem­ent de nouveaux systèmes ne manque pas d’avoir des effets politiques importants.

La Chine a été historique­ment peu prompte à développer des capacités de frappe à longue distance. Le H-5 Beagle, copie locale de l’il-28 Beagle, et le Q-5 Fantan étaient, au mieux, adaptés à des frappes d’interdicti­on. Le Xian H-6 (1) peut quant à lui être considéré comme un bombardier de théâtre. Sa fonction stratégiqu­e fondamenta­le reste celle d’un porteur de missiles de croisière, antinavire­s ou d’attaque terrestre (voir encadré). Les conception­s chinoises ont toujours privilégié l’actuelle FMS, mais sa modernisat­ion dans le domaine convention­nel – soit l’une de ses deux missions fondamenta­les, avec la contre-attaque nucléaire – est relativeme­nt récente. Elle coïncide avec les réflexions autour de l’emploi stratégiqu­e des forces aériennes, mais aussi avec le « tournant maritime » de la stratégie chinoise. Dans les cas de la FMS comme de la force aérienne, la rationalit­é première est celle de l’attaque à distance, si possible par saturation.

LA MARITIMISA­TION EST AUSSI UNE « AÉRISATION »

Cependant, la vision chinoise est également plus large : la fonction de l’armement n’est pas uniquement d’être utilisé dans des combats ou en dissuasion (2). Ces forces sont aussi utilisable­s pour des démonstrat­ions politiques. Ce qui était vrai dans la troisième crise des détroits de Taïwan pour la FMS l’est également pour les vols de H-6 autour de Taïwan, du Japon, mais également dans divers secteurs du Pacifique, menés à 38 reprises entre mars 2015 et janvier 2018 (3). S’ils permettent d’affirmer la présence chinoise et de conforter les revendicat­ions, ils ont également une fonction d’entraîneme­nt pour les équipages. La conduite même de ces opérations implique de faire interagir les différente­s composante­s de la force aérienne (renseignem­ent, escorte, détection aérienne rapprochée) et donc de pouvoir travailler avec une organisati­on plus complexe, indispensa­ble dans une rationalit­é de force aérienne stratégiqu­e. Au passage, ces déploiemen­ts peuvent aussi être l’occasion d’engager des appareils de renseignem­ent électroniq­ue, qui fournissen­t une précieuse moisson d’informatio­ns et de signatures.

L’activisme stratégiqu­e dans la troisième dimension a également une finalité plus large de crédibilis­ation des forces, laquelle, en retour, a une fonction bien particuliè­re dans la

Dans les cas de la FMS comme de la force aérienne, la rationalit­é première est celle de l’attaque à distanc e, si possible par saturation.

pensée stratégiqu­e chinoise contempora­ine. Il s’agit ainsi d’être suffisamme­nt crédible militairem­ent pour placer ses revendicat­ions de manière optimale sur le plan diplomatiq­ue et in fine atteindre ses grands objectifs stratégiqu­es. Le fait est qu’une approche stricte de la défense de l’avant, centrée sur le territoire chinois, ne peut pas permettre d’atteindre une posture où la puissance potentiell­e est telle que toute opposition adverse serait découragée. Dans ce cadre, il faut comprendre l’élargissem­ent sémantique de la défense de l’avant dans le cadre d’une approche plus proactive de l’action maritime, mais également de l’action aérienne : l’une et l’autre vont de pair; pour autant cependant que les capacités soient adaptées.

LA MODERNISAT­ION CAPACITAIR­E

Les défis capacitair­es en matière d’intégratio­n des feux dans la profondeur sont nombreux, à commencer par le commandeme­nt/contrôle des forces. À côté de l’adoption de nouveaux missiles, la FMS voit ainsi ses divisions de frappe convention­nelle intégrées aux nouveaux commandeme­nts de théâtre, qui prennent ensuite la main, en sachant que la zone de responsabi­lité d’une unité peut se trouver à cheval sur deux théâtres (4). La question du C2 se pose également au regard des opérations de la force aérienne : comment articuler une campagne stratégiqu­e qui pourrait concerner plusieurs théâtres en tant qu’autorité de commandeme­nt, de même que plusieurs unités sur différents théâtres? La question est d’autant plus délicate que le nombre de systèmes devant accompagne­r de telles frappes est forcément limité – en particulie­r dans le domaine de la guerre électroniq­ue, considérée comme centrale pour les mener.

Cette question du C2 est également problémati­que dès lors que des raids chinois mobilisera­ient, préalablem­ent, des capacités de supériorit­é aérienne ou de détection aérienne avancée. La Chine a ainsi travaillé à des conception­s d’offensive contre-aérienne voyant une projection de sa supériorit­é aérienne au-dessus d’une zone comme préalable à l’engagement des capacités d’attaque au sol(5). Le J-20 semble ainsi

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Des lanceurs de missiles de croisière DF-10A. Avec une portée supérieure à 1500 km, le missile a une charge explosive estimée à 500 kg et est une variante du CJ-10 d’attaque terrestre utilisable depuis des H-6K. (© Xinhua)
Photo ci-dessus : Des lanceurs de missiles de croisière DF-10A. Avec une portée supérieure à 1500 km, le missile a une charge explosive estimée à 500 kg et est une variante du CJ-10 d’attaque terrestre utilisable depuis des H-6K. (© Xinhua)
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Deux J-16. Le chasseur bombardier est entré en service en 2014 et constitue une évolution sinisée du SU-30MKK. (© Mod/liu Chang et Liu Yinghua)

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