FRAPPER LOIN : LA MODERNISATION CAPACITAIRE DE LA FMS ET DE LA FORCE AÉRIENNE
LA MODERNISATION CAPACITAIRE DE LA FMS ET DE LA FORCE AÉRIENNE
Dans l’évolution de la force aérienne chinoise vers une « force aérienne stratégique » tout comme dans celle de la Force de Missiles Stratégiques (FMS), les aspects capacitaires sont centraux en vertu des distances sur le théâtre Asie-pacifique. Par contrecoup, le développement de nouveaux systèmes ne manque pas d’avoir des effets politiques importants.
La Chine a été historiquement peu prompte à développer des capacités de frappe à longue distance. Le H-5 Beagle, copie locale de l’il-28 Beagle, et le Q-5 Fantan étaient, au mieux, adaptés à des frappes d’interdiction. Le Xian H-6 (1) peut quant à lui être considéré comme un bombardier de théâtre. Sa fonction stratégique fondamentale reste celle d’un porteur de missiles de croisière, antinavires ou d’attaque terrestre (voir encadré). Les conceptions chinoises ont toujours privilégié l’actuelle FMS, mais sa modernisation dans le domaine conventionnel – soit l’une de ses deux missions fondamentales, avec la contre-attaque nucléaire – est relativement récente. Elle coïncide avec les réflexions autour de l’emploi stratégique des forces aériennes, mais aussi avec le « tournant maritime » de la stratégie chinoise. Dans les cas de la FMS comme de la force aérienne, la rationalité première est celle de l’attaque à distance, si possible par saturation.
LA MARITIMISATION EST AUSSI UNE « AÉRISATION »
Cependant, la vision chinoise est également plus large : la fonction de l’armement n’est pas uniquement d’être utilisé dans des combats ou en dissuasion (2). Ces forces sont aussi utilisables pour des démonstrations politiques. Ce qui était vrai dans la troisième crise des détroits de Taïwan pour la FMS l’est également pour les vols de H-6 autour de Taïwan, du Japon, mais également dans divers secteurs du Pacifique, menés à 38 reprises entre mars 2015 et janvier 2018 (3). S’ils permettent d’affirmer la présence chinoise et de conforter les revendications, ils ont également une fonction d’entraînement pour les équipages. La conduite même de ces opérations implique de faire interagir les différentes composantes de la force aérienne (renseignement, escorte, détection aérienne rapprochée) et donc de pouvoir travailler avec une organisation plus complexe, indispensable dans une rationalité de force aérienne stratégique. Au passage, ces déploiements peuvent aussi être l’occasion d’engager des appareils de renseignement électronique, qui fournissent une précieuse moisson d’informations et de signatures.
L’activisme stratégique dans la troisième dimension a également une finalité plus large de crédibilisation des forces, laquelle, en retour, a une fonction bien particulière dans la
Dans les cas de la FMS comme de la force aérienne, la rationalité première est celle de l’attaque à distanc e, si possible par saturation.
pensée stratégique chinoise contemporaine. Il s’agit ainsi d’être suffisamment crédible militairement pour placer ses revendications de manière optimale sur le plan diplomatique et in fine atteindre ses grands objectifs stratégiques. Le fait est qu’une approche stricte de la défense de l’avant, centrée sur le territoire chinois, ne peut pas permettre d’atteindre une posture où la puissance potentielle est telle que toute opposition adverse serait découragée. Dans ce cadre, il faut comprendre l’élargissement sémantique de la défense de l’avant dans le cadre d’une approche plus proactive de l’action maritime, mais également de l’action aérienne : l’une et l’autre vont de pair; pour autant cependant que les capacités soient adaptées.
LA MODERNISATION CAPACITAIRE
Les défis capacitaires en matière d’intégration des feux dans la profondeur sont nombreux, à commencer par le commandement/contrôle des forces. À côté de l’adoption de nouveaux missiles, la FMS voit ainsi ses divisions de frappe conventionnelle intégrées aux nouveaux commandements de théâtre, qui prennent ensuite la main, en sachant que la zone de responsabilité d’une unité peut se trouver à cheval sur deux théâtres (4). La question du C2 se pose également au regard des opérations de la force aérienne : comment articuler une campagne stratégique qui pourrait concerner plusieurs théâtres en tant qu’autorité de commandement, de même que plusieurs unités sur différents théâtres? La question est d’autant plus délicate que le nombre de systèmes devant accompagner de telles frappes est forcément limité – en particulier dans le domaine de la guerre électronique, considérée comme centrale pour les mener.
Cette question du C2 est également problématique dès lors que des raids chinois mobiliseraient, préalablement, des capacités de supériorité aérienne ou de détection aérienne avancée. La Chine a ainsi travaillé à des conceptions d’offensive contre-aérienne voyant une projection de sa supériorité aérienne au-dessus d’une zone comme préalable à l’engagement des capacités d’attaque au sol(5). Le J-20 semble ainsi