AVIATION D’APPUI : L’AVENIR EST-IL AU LÉGER ?
Le débat est tout sauf récent : dans les opérations de contre-guérilla, l’engagement d’appareils de combat à hautes performances n’est-il pas un gaspillage capacitaire, là où des appareils plus légers, monoturboprops, pourraient faire l’affaire? Si plusieurs États ont choisi cette voie, la France considère que multiplier les types d’appareils de combat engendre des surcoûts liés à la gestion de microflottes. À bien y regarder cependant, une différenciation capacitaire est pourtant bien réelle, à Paris comme ailleurs en Europe.
De facto, depuis l’utilisation d’avions comme le Texan pendant la guerre d’algérie, que demande-t-on à un appareil de contre-guérilla ? Une combinaison entre une faible vitesse pour permettre une meilleure observation du terrain et un meilleur ciblage, de l’endurance et une capacité d’emport de charge. À bien des égards, pour les États européens, ce triptyque capacitaire existe toujours bel et bien, sous la forme non pas d’appareils pilotés, mais bien de drones MALE armés. L’intégration de boules optroniques incluant des systèmes de désignation laser permet ainsi d’utiliser avec précision une gamme d’armements assez large, à l’exception notable de canons ou de mitrailleuses en pods. En effet, à la question des capteurs nécessaires – qui pourrait se résoudre – s’ajoute celle, plus problématique, de la masse du drone. Généralement assez léger, il aurait à encaisser des vibrations posant in fine un problème de précision. Pour autant, il a évidemment l’avantage de ne pas exposer ses équipages directement au feu.
Le drone MALE armé connaît par ailleurs une vraie prolifération. Si les utilisateurs du MQ-9 Reaper veulent tous les armer ou conserver la possibilité de les armer ultérieurement, la Chine et la Turquie se positionnent également sur ce segment, y compris en proposant des designs armés/armables. La Russie, qui rattrape son retard dans le domaine des drones MALE, voudra probablement le faire aussi. Reste cependant qu’exploiter toutes les potentialités du drone MALE est techniquement exigeant, notamment par le besoin de liaisons satellites à haut débit. Conséquence logique, l’option n’est pas nécessairement la moins coûteuse, même si elle offre bien plus, en termes de capacités ISR, qu’un appareil de combat ou un monoturboprop. Ce secteur a par ailleurs bien évolué dans les années 2010. D’une part, avec l’arrivée d’appareils agricoles adaptés aux usages militaires.
Présenté pour la première fois au salon du Bourget en 2011, L’AT-802U a fait sensation : massif, doté de missiles Hellfire et de Small Diameter Bombs en plus de pods de mitrailleuses tritubes, il n’avait plus grand-chose de l’appareil agricole dont il était issu. La tendance, par ailleurs, s’est confirmée en 2013, avec la présentation d’un appareil similaire, d’ailleurs également acheté par les Émirats arabes unis – qui disposeront donc d’un total de
Pour les États européens, ce triptyque capacitaire existe toujours bel et bien, sous la forme non pas d’appareils pilotés, mais bien de drones MALE armés.
Photo ci-dessus :
L'AT-802U a d'abord trouvé acquéreur aux Émirats arabes unis, une partie des appareils étant ensuite transférés à l'égypte. Des versions non armées servent dans plusieurs forces aériennes pour des missions de lutte anti-incendie. (© Air Tractor)
36 avions COIN –, l’iomax Archangel. Jusque-là, la militarisation des appareils agricoles était limitée : des PZL Wilga avaient ainsi été utilisés, par exemple, pour des missions de liaisons ou d’entraînement, mais certainement pas de combat. De même, plusieurs forces aériennes ont acheté des Dromadair ou des AT-802, mais cette fois pour leurs missions de lutte antiincendie. Pourquoi militariser des appareils agricoles? La réponse tient en trois points. Premièrement, ils sont éprouvés, rustiques et nécessitent très peu de maintenance, ce qui peut attirer des forces africaines, par exemple. Au surplus, leur puissance leur permet de décoller à pleine charge par des températures élevées. L’AT-802U peut le faire sans problème à 40 °C. Deuxièmement, leur adaptabilité est remarquable. Relativement imposants – ce qui facilite l’intégration avionique, mais aussi de boules optroniques –, ces appareils sont solides et leur charge utile extérieure est importante : 2,4 t pour l’archangel, 3,63 t pour L’AT-802U, qui peut notamment embarquer jusqu’à huit Hellfire. Cette robustesse facilite également le positionnement de blindages. Troisièmement, leur volume intérieur laisse également de la place pour l’emport en carburant, avec à la clé 8 heures (Archangel) et 10 heures d’endurance en vol, des performances intéressantes leur permettant de servir d’«appareils MALE de substitution». De facto, le champ des missions de ces avions met souvent en évidence les missions de surveillance des frontières, dans le cadre desquelles la menace est souvent réduite, qui nécessitent de l’endurance et des capteurs relativement performants. Pour autant, les industriels insistent également sur leur utilité dans les missions COIN. Dans les années 1960/1970, ces dernières étaient assurées par des appareils comme l’a-37 (13 États acheteurs) ou L’OV-10 (8 acheteurs), lesquels bénéficiaient eux aussi d’une grande endurance et d’un emport de charge important. Depuis lors, cependant, le marché s’est reconfiguré. En effet, et d’autre part, la classique adaptation d’un appareil d’entraînement en avion de contre-guérilla reste usitée. La proposition D’OV-10X étudiée par Boeing a été rejetée : l’intégration de standards technologiques avancés avait fait exploser son coût, que nombre de forces entendent maintenir bas. Des biplaces en tandem comme L’EMB-314 Super Tucano ou L’AT-6B Wolverine sont également apparus – avec pas moins de 17 clients pour l’appareil brésilien –, mais leur degré de complexité et leur niveau de performances sont déjà supérieurs à ceux de leurs prédécesseurs des années 1960. L’intégration d’une boule optronique accroît cependant très nettement leurs performances ISR, tout en autorisant l’intégration d’armements de précision. Ces monoturborpops n’ont cependant pas le caractère d’« artillerie volante » des Archangel et autres AT-802U. La charge utile d’un EMB-314 est ainsi de 1,55 t, contre 1,86 t pour L’AT-6. D’autres acteurs se sont positionnés sur le marché. La Corée du Sud propose ainsi le KA-1, version d’attaque légère du KT-1. Il lui sert aux missions de contrôle aérien avancé et a été vendu au Pérou. La Turquie propose quant à elle le Hurkus-c et la firme serbe UTVA, le Kobac – deux appareils qui n’ont pas encore trouvé preneur.
Ces appareils restent des avions d’entraînement. C’est un avantage en termes de flexibilité pour les forces aériennes, qui disposent ainsi d’une plus grande polyvalence, mais c’est aussi un inconvénient en termes de résistance à l’environnement ou à l’adversaire. Air Tractor cite ainsi l’exemple d’un AT-802 blindé utilisé par le Département d’état américain dans des missions d’épandage sur des champs de coca en Amérique latine et qui est rentré à sa base sans encombre, malgré 200 impacts d’armes légères. L’alternative au monoturboprop et aux appareils agricoles militarisés existe également, mais implique de considérer un avion plus lourd. Si c’est le cas en Corée du Sud (F/A-50) et en Turquie (Hurjet), c’est aussi le pari tenté par Textron avec le Scorpion, un biréacteur capable d’embarquer 1,4 t de capteurs en soute, et 2,8 t d’armement sous les ailes. Cependant, après le choix du T-7 Red Hawk comme nouvel appareil d’entraînement avancé pour L’US Air Force, la proposition de Textron a perdu en force et l’appareil n’a, pour l’heure, trouvé aucun acquéreur.
La Corée du Sud propose ainsi le KA-1, version d’attaque légère du KT-1. Il lui sert aux missions de contrôle aérien avancé et a été vendu au Pérou. La Turquie propose quant à elle le Hurkus C et la firme serbe UTVA, le Kobac – deux appareils qui n’ont pas encore trouvé preneur.