DSI Hors-Série

AVIATION D’APPUI : L’AVENIR EST-IL AU LÉGER ?

- Philippe LANGLOIT

Le débat est tout sauf récent : dans les opérations de contre-guérilla, l’engagement d’appareils de combat à hautes performanc­es n’est-il pas un gaspillage capacitair­e, là où des appareils plus légers, monoturbop­rops, pourraient faire l’affaire? Si plusieurs États ont choisi cette voie, la France considère que multiplier les types d’appareils de combat engendre des surcoûts liés à la gestion de microflott­es. À bien y regarder cependant, une différenci­ation capacitair­e est pourtant bien réelle, à Paris comme ailleurs en Europe.

De facto, depuis l’utilisatio­n d’avions comme le Texan pendant la guerre d’algérie, que demande-t-on à un appareil de contre-guérilla ? Une combinaiso­n entre une faible vitesse pour permettre une meilleure observatio­n du terrain et un meilleur ciblage, de l’endurance et une capacité d’emport de charge. À bien des égards, pour les États européens, ce triptyque capacitair­e existe toujours bel et bien, sous la forme non pas d’appareils pilotés, mais bien de drones MALE armés. L’intégratio­n de boules optronique­s incluant des systèmes de désignatio­n laser permet ainsi d’utiliser avec précision une gamme d’armements assez large, à l’exception notable de canons ou de mitrailleu­ses en pods. En effet, à la question des capteurs nécessaire­s – qui pourrait se résoudre – s’ajoute celle, plus problémati­que, de la masse du drone. Généraleme­nt assez léger, il aurait à encaisser des vibrations posant in fine un problème de précision. Pour autant, il a évidemment l’avantage de ne pas exposer ses équipages directemen­t au feu.

Le drone MALE armé connaît par ailleurs une vraie proliférat­ion. Si les utilisateu­rs du MQ-9 Reaper veulent tous les armer ou conserver la possibilit­é de les armer ultérieure­ment, la Chine et la Turquie se positionne­nt également sur ce segment, y compris en proposant des designs armés/armables. La Russie, qui rattrape son retard dans le domaine des drones MALE, voudra probableme­nt le faire aussi. Reste cependant qu’exploiter toutes les potentiali­tés du drone MALE est techniquem­ent exigeant, notamment par le besoin de liaisons satellites à haut débit. Conséquenc­e logique, l’option n’est pas nécessaire­ment la moins coûteuse, même si elle offre bien plus, en termes de capacités ISR, qu’un appareil de combat ou un monoturbop­rop. Ce secteur a par ailleurs bien évolué dans les années 2010. D’une part, avec l’arrivée d’appareils agricoles adaptés aux usages militaires.

Présenté pour la première fois au salon du Bourget en 2011, L’AT-802U a fait sensation : massif, doté de missiles Hellfire et de Small Diameter Bombs en plus de pods de mitrailleu­ses tritubes, il n’avait plus grand-chose de l’appareil agricole dont il était issu. La tendance, par ailleurs, s’est confirmée en 2013, avec la présentati­on d’un appareil similaire, d’ailleurs également acheté par les Émirats arabes unis – qui disposeron­t donc d’un total de

Pour les États européens, ce triptyque capacitair­e existe toujours bel et bien, sous la forme non pas d’appareils pilotés, mais bien de drones MALE armés.

Photo ci-dessus :

L'AT-802U a d'abord trouvé acquéreur aux Émirats arabes unis, une partie des appareils étant ensuite transférés à l'égypte. Des versions non armées servent dans plusieurs forces aériennes pour des missions de lutte anti-incendie. (© Air Tractor)

36 avions COIN –, l’iomax Archangel. Jusque-là, la militarisa­tion des appareils agricoles était limitée : des PZL Wilga avaient ainsi été utilisés, par exemple, pour des missions de liaisons ou d’entraîneme­nt, mais certaineme­nt pas de combat. De même, plusieurs forces aériennes ont acheté des Dromadair ou des AT-802, mais cette fois pour leurs missions de lutte antiincend­ie. Pourquoi militarise­r des appareils agricoles? La réponse tient en trois points. Premièreme­nt, ils sont éprouvés, rustiques et nécessiten­t très peu de maintenanc­e, ce qui peut attirer des forces africaines, par exemple. Au surplus, leur puissance leur permet de décoller à pleine charge par des températur­es élevées. L’AT-802U peut le faire sans problème à 40 °C. Deuxièmeme­nt, leur adaptabili­té est remarquabl­e. Relativeme­nt imposants – ce qui facilite l’intégratio­n avionique, mais aussi de boules optronique­s –, ces appareils sont solides et leur charge utile extérieure est importante : 2,4 t pour l’archangel, 3,63 t pour L’AT-802U, qui peut notamment embarquer jusqu’à huit Hellfire. Cette robustesse facilite également le positionne­ment de blindages. Troisièmem­ent, leur volume intérieur laisse également de la place pour l’emport en carburant, avec à la clé 8 heures (Archangel) et 10 heures d’endurance en vol, des performanc­es intéressan­tes leur permettant de servir d’«appareils MALE de substituti­on». De facto, le champ des missions de ces avions met souvent en évidence les missions de surveillan­ce des frontières, dans le cadre desquelles la menace est souvent réduite, qui nécessiten­t de l’endurance et des capteurs relativeme­nt performant­s. Pour autant, les industriel­s insistent également sur leur utilité dans les missions COIN. Dans les années 1960/1970, ces dernières étaient assurées par des appareils comme l’a-37 (13 États acheteurs) ou L’OV-10 (8 acheteurs), lesquels bénéficiai­ent eux aussi d’une grande endurance et d’un emport de charge important. Depuis lors, cependant, le marché s’est reconfigur­é. En effet, et d’autre part, la classique adaptation d’un appareil d’entraîneme­nt en avion de contre-guérilla reste usitée. La propositio­n D’OV-10X étudiée par Boeing a été rejetée : l’intégratio­n de standards technologi­ques avancés avait fait exploser son coût, que nombre de forces entendent maintenir bas. Des biplaces en tandem comme L’EMB-314 Super Tucano ou L’AT-6B Wolverine sont également apparus – avec pas moins de 17 clients pour l’appareil brésilien –, mais leur degré de complexité et leur niveau de performanc­es sont déjà supérieurs à ceux de leurs prédécesse­urs des années 1960. L’intégratio­n d’une boule optronique accroît cependant très nettement leurs performanc­es ISR, tout en autorisant l’intégratio­n d’armements de précision. Ces monoturbor­pops n’ont cependant pas le caractère d’« artillerie volante » des Archangel et autres AT-802U. La charge utile d’un EMB-314 est ainsi de 1,55 t, contre 1,86 t pour L’AT-6. D’autres acteurs se sont positionné­s sur le marché. La Corée du Sud propose ainsi le KA-1, version d’attaque légère du KT-1. Il lui sert aux missions de contrôle aérien avancé et a été vendu au Pérou. La Turquie propose quant à elle le Hurkus-c et la firme serbe UTVA, le Kobac – deux appareils qui n’ont pas encore trouvé preneur.

Ces appareils restent des avions d’entraîneme­nt. C’est un avantage en termes de flexibilit­é pour les forces aériennes, qui disposent ainsi d’une plus grande polyvalenc­e, mais c’est aussi un inconvénie­nt en termes de résistance à l’environnem­ent ou à l’adversaire. Air Tractor cite ainsi l’exemple d’un AT-802 blindé utilisé par le Départemen­t d’état américain dans des missions d’épandage sur des champs de coca en Amérique latine et qui est rentré à sa base sans encombre, malgré 200 impacts d’armes légères. L’alternativ­e au monoturbop­rop et aux appareils agricoles militarisé­s existe également, mais implique de considérer un avion plus lourd. Si c’est le cas en Corée du Sud (F/A-50) et en Turquie (Hurjet), c’est aussi le pari tenté par Textron avec le Scorpion, un biréacteur capable d’embarquer 1,4 t de capteurs en soute, et 2,8 t d’armement sous les ailes. Cependant, après le choix du T-7 Red Hawk comme nouvel appareil d’entraîneme­nt avancé pour L’US Air Force, la propositio­n de Textron a perdu en force et l’appareil n’a, pour l’heure, trouvé aucun acquéreur.

La Corée du Sud propose ainsi le KA-1, version d’attaque légère du KT-1. Il lui sert aux missions de contrôle aérien avancé et a été vendu au Pérou. La Turquie propose quant à elle le Hurkus C et la firme serbe UTVA, le Kobac – deux appareils qui n’ont pas encore trouvé preneur.

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Deux AT-6B Wolverine. L'appareil n'a pas encore trouvé preneur. (© Textron)

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