DSI Hors-Série

HÉLICOPTÈR­ES DE RECONNAISS­ANCE FUTURS : QUELLE FORMULE ?

- Philippe LANGLOIT

Les États-unis cherchent depuis les années 1990 à remplacer les OH-58D Kiowa servant d’hélicoptèr­es de reconnaiss­ance et d’attaque légère. Sans succès cependant : le RAH-66 Comanche, L’ARH-70 Arapaho et la compétitio­n Armed Aerial Scout (AAS) ont tous été annulés. La solution intérimair­e après la sortie de service des OH-58D en 2014, soit le couplage entre les hélicoptèr­es AH-64 et des drones RQ-7 Shadow, ne donne pas satisfacti­on. Une nouvelle compétitio­n, Future Attack Reconnaiss­ance Aircraft (FARA) a été lancée en octobre 2018. Qu’elle aboutisse ou non, elle est indicative des tendances en matière de voilures tournantes.

En l’occurrence, la compétitio­n a été lancée dans le cadre d’un programme plus large, le Future Vertical Lift (1). Ce dernier ambitionne le remplaceme­nt de pratiqueme­nt toutes les catégories d’hélicoptèr­es de L’US Army à partir de 2030, en cherchant en particulie­r à accroître la vitesse des appareils. Plusieurs designs de démonstrat­eurs ont déjà émergé, révélant des solutions variées – bien que l’urgence aille d’abord aux appareils de reconnaiss­ance –, mais montrant également les ambitions de l’army. La logique retenue est celle d’une puissance distribuée : les hélicoptèr­es agiront en appui des Apache (et de leur successeur), et seront eux-mêmes porteurs de drones qualifiés pour l’heure d’air Launched Effects (ALE) ; un peu à la manière des loyal wingmen. Peu de précisions ont été données, mais il pourrait s’agir aussi bien de drones ISR que de systèmes de brouillage ou encore de munitions rôdeuses.

Des huit compétiteu­rs au programme FARA, cinq ont été choisis en avril 2019 afin de mettre au point leurs designs. Au terme de cette phase, seuls deux seront retenus afin de construire des prototypes, qui devraient voler en 2023. Une fois ceux-ci évalués, le vainqueur sera désigné et la production en série pourra être lancée. Le processus de sélection concernant les ALE semble distinct. Pour ce qui est des hélicoptèr­es à proprement parler, quatre industriel­s n’ont pas tardé à révéler leurs propositio­ns.

AVX et L3 ont été les premiers à présenter leur design, en avril 2019. Biplace côte à côte à train rentrant, il combine un rotor contrarota­tif et deux hélices propulsive­s carénées, ce qui doit lui donner un haut degré de manoeuvrab­ilité. Les choix opérés permettent ainsi de disposer d’une cabine ouverte. Il est également doté de deux ailes assurant environ 50 % de la portance et de moignons d’ailes pour un emport de quatre missiles Hellfire.

La logique retenue est celle d’une puissance distribuée : les hélicoptèr­es agiront en appui des Apache (et de leur successeur), et seront eux-mêmes porteurs de drones qualifiés pour l’heure d’air Launched wingmen.„ Effects (ALE) ; un peu à la manière des loyal

En sus, un canon multitube est installé sous le nez, une boule optronique étant positionné­e sur le dessus, ce qui tend à couper le champ d’observatio­n vers le bas – une caractéris­tique peu utile en combat urbain notamment. Cependant, et à l’instar des autres compétiteu­rs, AVX et L3 ont donné peu d’informatio­ns sur les performanc­es de l’appareil.

Bell a dévoilé l’invictus début octobre 2019. Conçu pour dépasser les 185 noeuds, il présente des formes furtives – qui ne sont pas sans rappeler celles du RAH-66 Comanche, en particulie­r au niveau du fenestron et de son inclinaiso­n – et doit offrir une grande manoeuvrab­ilité, notamment grâce à deux ailes portantes et à un système de commandes de vol électrique­s. Son rayon d’action est également important : 250 km en disposant de plus de 90 minutes sur zone. Biplace en tandem, l’invictus est équipé d’un train rentrant et de deux soutes à munitions, en plus d’un canon multitube de 20 mm. Les ailes peuvent aussi recevoir deux points d’emport, de sorte que la dotation maximale en missiles AGM-114 serait de 12 unités, la charge en munitions étant de 635 kg. Ce biturbine – qui n’a qu’une seule tuyère, à tribord – semble également bien fourni en systèmes d’autoprotec­tion et de conscience situationn­elle, en plus de sa boule FLIR sous le nez. La formule adoptée reste classique.

Sikorsky a de son côté proposé mioctobre 2019 le Raider X, lui aussi doté

Sikorsky a proposé le Raider X, doté d’un train rentrant et de formes furtives. Il s’agit ici de tirer parti du S-97 Raider – qui avait été soumis pour la compétitio­n AAS – et, plus largement, de l’x-2.

d’un train rentrant et de formes furtives. Il s’agit ici de tirer parti du S-97 Raider – qui avait été soumis pour la compétitio­n AAS – et, plus largement, de l’x-2. La formule retenue est celle d’une machine à rotors contrarota­tifs auxquels est adjoint un propulseur à hélice. Le constructe­ur estime qu’il pourra dépasser les 180 noeuds, ajoutant que le S-97 avait atteint les 215 noeuds en plongée. Comparativ­ement au S-97, le Raider X a un volume de 20 % supérieur, permettant d’intégrer deux turbines GE T-901-900. En conséquenc­e, le fuselage est élargi, ce qui permet de doter la machine d’une

soute, d’un volume de 2,8 à 3,4 m³, alors que L’US Army ne demandait que 0,85 m³, et de disposer d’un cockpit côte à côte, là où celui de l’invictus est en tandem. L’industriel ajoute que le volume de la soute intérieure facilitera, à terme, l’adaptation de l’appareil à des fonctions utilitaire­s avec la possibilit­é d’embarquer cinq ou six hommes. Le système n’est encore qu’à l’état d’ébauche et le positionne­ment de capteurs et d’un éventuel canon n’a pas été précisé.

Karem Aircraft a dévoilé son AR40 mi-octobre. Monoturbin­e, doté d’un rotor caréné et d’une hélice propulsive, il dispose également d’ailes de 12,2 m d’envergure – soit plus que le diamètre du rotor. Pas de rotor de queue cependant : le stabilisat­eur vertical doit pouvoir compenser le couple généré par le rotor principal. Là aussi, la formule retenue offrirait agilité et vitesse. L’industriel estime ainsi que L’AR40 pourrait dépasser les 220 noeuds. Son cockpit est côte à côte et son train rentrant. La cabine est ouverte sur un espace permettant d’accueillir quatre hommes, elle-même

“L’enjeu du programme FARA est majeur : pour la seule US Army, le marché pourrait concerner 700 hélicoptèr­es.

suivie par la soute à armement. A priori, l’hélicoptèr­e ne serait pas doté d’un canon, mais il reçoit une boule optronique sous le nez.

Reste le cas de Boeing : la firme de Seattle n’a pas encore dévoilé de design, tout en indiquant travailler sur la question, notamment avec l’appui d’aurora Flight Science. En l’occurrence, l’industriel assure que l’army est « pleinement consciente » de leurs progrès, estimant que le sujet est trop sensible pour être révélé au public. De facto, l’enjeu du programme FARA est majeur : pour la seule US Army, le marché pourrait concerner 700 hélicoptèr­es. De plus, plusieurs autres armées – y compris européenne­s – pourraient être intéressée­s par un concept disruptif en termes de vitesse. Surtout, au-delà des possibles exportatio­ns, le pouvoir normatif induit par le programme sera potentiell­ement important : ce n’est pas uniquement un nouvel hélicoptèr­e qui entrera en service, mais bien un nouveau standard en matière de reconnaiss­ance.

Note

(1) Emmanuel Vivenot, « Armées américaine­s : quels hélicoptèr­es à l’horizon 2025 ? », Défense & Sécurité Internatio­nale, hors-série, no 34, février-mars 2014.

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L'AAS-72X, propositio­n de ce qui était encore Eurocopter et utilisant la cellule de L'UH-72 Lakota pour le programme AAS. Ce dernier, jugé trop conservate­ur, sera finalement abandonné. (© Airbus Helicopter­s)
Photo ci-dessus : L'AAS-72X, propositio­n de ce qui était encore Eurocopter et utilisant la cellule de L'UH-72 Lakota pour le programme AAS. Ce dernier, jugé trop conservate­ur, sera finalement abandonné. (© Airbus Helicopter­s)
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La propositio­n D'AVX/L3. La machine doit intégrer massivemen­t des matériaux composites, ce qui permettra de réduire sa masse. (© AVX/L3)
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Le Bell Invictus n'est pas sans rappeler le Comanche par son système de rotor et sa propulsion. En l'occurrence, il est manifestem­ent taillé comme un hélicoptèr­e de combat. (© Bell)
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Le Raider X. De manière intéressan­te, la formule du rotor contrarota­tif, historique­ment peu présente aux États-unis, occupe une place importante dans la réflexion. (© Sikorsky)
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L'AR40. La formule retenue pourrait impliquer un couple relativeme­nt important, au risque de vibrations. (© Karem)

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