DSI Hors-Série

Le développem­ent de la missilerie

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Le contrôle en quasi-temps réel de l’espace aérien, géré par l’intermédia­ire de l’informatiq­ue et permettant d’effectuer le lancement de missiles antiaérien­s – en 30 secondes dans le cas d’un Bomarc ayant une portée de plus de 700 km – a abouti à une vision sécurisant­e de la guerre froide. Si elle favorisa la création de défenses antimissil­es pourtant techniquem­ent très problémati­ques, le développem­ent d’un tel système fut aussi à l’origine directe de conception­s très à la mode dans le cadre de la révolution dans les affaires militaires et mettant en évidence des concepts tels que la guerre réseaucent­rique ou la conscience situationn­elle, et tendant quasi ontologiqu­ement vers l’automatisa­tion et l’évacuation de la dimension humaine de la décision. Remarquons aussi que la question de l’automatisa­tion dans le domaine de la stratégie aérienne – arme aussi technique que technologi­quement dépendante pour sa propre vie et son effloresce­nce – entraînera assez logiquemen­t dans son sillage celle de l’automatisa­tion des autres forces.

Le medium de ces « transgress­ions stratégiqu­es » est la combinaiso­n de l’informatiq­ue et de la missilerie, l’alliance de la mécanique et de la cybernétiq­ue. Au vrai, les travaux de Norbert Wiener sur cette dernière étaient contempora­ins d’évolutions radicales en matière d’appréhensi­on et de développem­ent de la missilerie. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Allemands comme Alliés avaient ainsi mis au point plusieurs types d’engins variableme­nt guidés. S’ils n’ont pas été utilisés à grande échelle et que les progrès alors effectués étaient de l’ordre du symbolique, les guidages terminaux au moyen du radar, de la télévision (TV) et d’autodirect­eurs infrarouge­s (IR), de même que la catégorisa­tion des missions affectées aux vecteurs sont directemen­t issus de cette époque. Ainsi, durant la guerre de Corée, les développem­ents en missilerie débouchero­nt sur les premiers missiles air-surface modernes. Il en résultera la famille des missiles Bullpup – les premiers exemplaire­s n’entreront en service qu’en 1957 –, mais aussi celle des AGM-62 Walleye.

De même, le développem­ent des AAM (Air-to-air Missile) a débuté aux Étatsunis en 1949, le prototype du futur missile AIM-9 Sidewinder étant tiré avec succès le 11 septembre 1953, trop tard pour participer à la guerre de Corée. Utilisé pour la première fois au combat en 1958, durant les affronteme­nts entre la Chine et Taïwan, il permit d’abattre 14 appareils chinois en un seul jour de combat. Certains missiles, s’étant fichés dans les tuyères d’appareils touchés – mais n’ayant toutefois pas explosé –, ont été expédiés en URSS, où ils furent copiés (sous la désignatio­n D’AA-2 Atoll). Guidé par une cellule IR ensuite peu à peu améliorée, il connut un très large succès commercial, plus de 131 000 exemplaire­s en étant produits. L’actuel AIM-9X en est le lointain descendant. Les années 1950 furent aussi celles du développem­ent de missiles à plus longue portée, qui déboucha sur la mise en service de L’AIM-7 Sparrow dès 1958 et fut à l’origine d’un débat sur l’utilité du canon de bord. Reste que les technologi­es à dispositio­n doivent être exploitées correcteme­nt par leurs opérateurs. L’illuminati­on par le radar de l’avion lanceur permettait au Sparrow de se diriger vers sa cible. Or, Barry Watts indique que, de la guerre du Vietnam jusqu’à l’opération «Paix en Galilée», en 1982, Israël et les États-unis ont effectué 672 tirs de missiles AIM-7, seuls quatre débouchant sur la destructio­n effective de leur cible. Seulement 10% des lancements de missiles BVR l’ont été à des distances supérieure­s à 10 km, soit exploitant effectivem­ent les potentiali­tés techniques des engins (1). Les défauts des premières itérations du missile, une préférence culturelle pour le dogfight (le combat aérien tournoyant), la peur de détruire un appareil ami – malgré des systèmes IFF(2) de plus en plus perfection­nés – et des règles d’engagement contraigna­ntes requérant une identifica­tion visuelle positive préalablem­ent à l’engagement sont quelques-unes des raisons qui ont empêché une pleine exploitati­on des possibilit­és du missile.

Notes

(1) Barry Watts, « Doctrine, Technology and War », Air & Space Power Chronicles, 30 avril-1er mai 1996. (2) Identifica­tion Friend or Foe.

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