FACE À LA CHINE, LE VIETNAM RECHERCHE LA COOPÉRATION
Entretien avec WU Shang-su, chercheur, S. Rajaratnam School of International Studies, Nanyang Technological University, Singapour
Si l’on regarde le développement des marines chinoise ou japonaise, le Vietnam semble plus discret, alors même qu’il consolide ses forces. Comment ce renforcement affectera-t-il l’équilibre de puissance en mer de Chine du Sud?
Wu Shang-su : En ce qui concerne les réalisations et le potentiel de croissance, la marine vietnamienne n’est pas au niveau de ses homologues chinoise ou japonaise. Toutefois, le renforcement de la puissance navale de Hanoï peut toujours avoir un impact, et ce de plusieurs manières. Premièrement, le Vietnam pourrait faire face à plusieurs scénarios, des conflits armés allant de la basse à la moyenne intensité, voire impliquer un coût important pour la Chine dans une haute intensité. Deuxièmement, en dépit de leurs équipages qui ont relativement moins d’expérience et une courte durabilité, ses six sous-marins sèmeront l’incertitude lors de crises, complexifiant les calculs stratégiques des décideurs chinois. Troisièmement, dans un scénario de guerre totale, le territoire vietnamien et l’île chinoise de Hainan, base de sa Flotte de mer du sud, dotée de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, sont à la portée de tirs des deux parties. Cela pourrait évoluer d’un conflit territorial à une campagne stratégique. Enfin, comme la marine de l’armée populaire de libération fait face à plus d’ennemis que son homologue vietnamienne, toute perte ou tout dommage majeur, voire la localisation de certaines forces par le Vietnam, affectera l’équilibre des puissances navales sur d’autres théâtres, dont le théâtre sino-japonais en mer de Chine orientale.
Avec six sous-marins et de nouvelles frégates et corvettes, la marine vietnamienne a acquis une certaine puissance. Le renforcement est-il appelé à se poursuivre ? La marine a-t-elle su opérer ces nouvelles capacités?
Selon les informations publiques, Hanoï n’a pas commandé de capacités navales plus performantes, ce qui pourrait témoigner de contraintes budgétaires ou en ressources humaines, voire les deux. Les importants coûts d’acquisition, de formation et de maintenance empêcheraient le Vietnam d’accroître sa puissance navale, du moins temporairement. En ce qui concerne l’entraînement, les informations sont strictement secrètes. Nous pouvons seulement en dire qu’un certain laps de temps, probablement quelques années, voire une décennie, sera nécessaire pour que les personnels vietnamiens maîtrisent leurs équipements. Quant aux opérations interarmées, le délai serait encore plus long.
La militarisation par le Vietnam d’îlots en mer de Chine méridionale est modérée, probablement sans déploiement de missiles, à l’exception de MANPADS ou autres systèmes d’armes performants.
Vous êtes également auteur de plusieurs articles sur l’utilité des forteresses dans le domaine naval. Existe-t-il des similitudes avec la militarisation d’îlots en mer de Chine du Sud?
Oui, on m’a demandé de confronter mon idée et la situation en mer de Chine du Sud. Toutefois, les volumes d’armements sur la plupart des positions sont bien trop
Photo ci-dessus :
L’un des six sous-marins de type Kilo reçus par le Vietnam. (© D.R.)