Évolutions à la hausse et interrogations
Le gouvernement suédois va augmenter les budgets de défense militaire et civile de 334 millions de dollars par an sur les trois années restantes de son mandat. Avec plus de 840 millions supplémentaires, les forces armées devraient être en mesure d’acheter de nouveaux blindés, de même que des munitions. Il est également question d’accroître le nombre de soldats et d’officiers d’active, sachant que le service militaire a été réinstauré. Stockholm a par ailleurs conduit ses plus importants exercices depuis la fin de la guerre froide. «Aurora 17» a eu lieu au même moment que «Zapad 2017» (voir DSI no 131, p. 15-16) et a, pour la première fois pour un exercice de cette taille, accueilli des nations partenaires, dont la France, qui a envoyé des batteries SAMP Mamba, et les États-unis. La conduite de l’exercice montre l’attention portée au scénario d’invasion de l’île de Gotland par la Russie : il était centré sur sa défense, avec un engagement massif des chars et de l’artillerie.
La Pologne a quant à elle décidé, fin août, d’un nouveau plan d’investissement, d’une valeur équivalant à 55 milliards de dollars, sur les 15 prochaines années. Comprenant les reliquats du plan précédent (plus de 40 milliards d’euros sur 10 ans), il intervient en complément des budgets annuels et doit permettre à Varsovie d’atteindre son objectif d’allocation de 2,5 % du PIB à la défense d’ici à 2032, fixé en juin. L’augmentation du budget devrait permettre l’achat de nouveaux matériels, le développement de coopérations industrielles et des efforts en matière de politique du personnel. Plusieurs programmes majeurs devront également être conduits, comme le remplacement des Su-22 et l’acquisition de La conduite de l’exercice montre l’attention portée au scénario d’invasion de l’île de Gotland par la Russie nouveaux sous-marins dotés de missiles de croisière.
Il faut ajouter la décision française d’effectivement appliquer la loi de programmation militaire, et d’ainsi accroître le budget 2018 de 1,8 milliard d’euros. La hausse, nous l’avons déjà dit, est en trompe-l’oeil. D’une part, les surcoûts des OPEX seront assumés en partie par les armées (alors qu’il était question qu’ils ne le soient plus). On ne peut évidemment en connaître à l’avance le montant, mais en se fondant sur les années précédentes, il peut être estimé à environ 1,2 milliard. D’autre part, il y a le rattrapage des 850 millions d’annulation de crédits d’équipement. Les arbitrages quant aux programmes concernés n’ont pas encore été rendus, mais l’armée de l’air pourrait être particulièrement touchée (énième report de la rénovation des Mirage 2000D, retards sur le standard F4 du Rafale). Le programme de frégates de taille intermédiaire FTI pourrait également subir les conséquences des décisions prises cette année. In fine, ce budget supplémentaire de 1,8 milliard servirait donc à financer un besoin de plus de 2 milliards. Il est ainsi fort probable que la bosse budgétaire soit amenée à grossir encore un peu ; un phénomène qui ne touche pas que la France.
Le Royaume-uni est lui aussi touché, avec une estimation de sa « bosse budgétaire » de l’ordre des 20 milliards de livres par Londres, en dépit d’un investissement estimé à 178 milliards de livres sur 10 ans. En réalité cependant, elle pourrait être plus importante. Price Waterhouse Coopers estime ainsi qu’elle se monte à environ 30 milliards sur 10 ans,
mais aussi que cette bosse fait l’objet d’un véritable déni politique. Or on ne voit pas très bien quels programmes britanniques seraient susceptibles d’être annulés alors que les nouveaux équipements arrivent (porte-avions, sousmarins de classe Astute, A400M, F-35, blindés Ajax) ou sont en phase de développement ou début de leur construction (frégates Type-26 et Type-31, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Dreadnought, avions de patrouille P-8). Les solutions proposées par la firme de consultance n’apparaissent guère disruptives : classiquement, la réduction des coûts de personnel – dont les effets délétères ont pourtant été durement ressentis outre-manche – ou l’intégration de l’intelligence artificielle… lorsqu’elle sera disponible.