DSI

DAUBE 2017 Les vainqueurs !

- Carl

Qu’il s’agisse des sociologue­s, des historiens ou de Cyril Hanouna, nous savons tous que le temps file et que ce chenapan est propice à nous faire oublier perles et pépites (pépites, Cyril, pas pépètes) des grands (et moins grands) de ce monde. Heureuseme­nt, Carl et son jury infernal sont là pour déterrer les dossiers aussi sûrement qu’une bande de géopolitic­iens de comptoir est capable de voir une vente de Rafale en Arabie saoudite. Ne rigolez pas, ce fut l’un des feuilleton­s de l’année : Éric Mettout (directeur de la rédaction de L’express), Géraldine Woessner, spécialist­e du fact-checking (!) chez Europe 1, ou encore Jean-luc Mélenchon s’y sont laissé prendre. Évidemment, cette année a été un peu particuliè­re : élection présidenti­elle faisant, on peut dire que le cirque Pinder a fait face à une très sérieuse concurrenc­e. Bref, Saddam Hussein, Edgar J. Hoover, Jane Fonda et moimême n’avons eu que l’embarras du choix, ce qui a nécessité pour nos délibérati­ons de vider les caves de la rédaction (aheum). Réjouissez-vous mes sympathiqu­es lecteurs : nous avons vu tellement de DAUBE – le désormais célèbre Darwin Award Ubuesque des Bêtises en Estratégie – que DSI est la solution à la faim dans le monde.

Le Michel-onfray

Cette année, inversons les rôles et commençons par les grosses légumes de l’intellect, fringantes comme des poireaux dans un champ picard en mars, et les huiles de la réflexion stratégiqu­e (on rappelle que les doigts huileux sont la première cause de pages de bouquins de référence collées). Comme les années précédente­s, nos chouchous ont fait le forcing. Je ne peux pas m’empêcher de ressortir l’aussi fabuleux que Bhlien « la géopolitiq­ue » [terme utilisé pour la première fois par Kjellen en 1889], c’est le destin, disait Clausewitz » ( je suis mort en 1832). Sacré Botul, toujours le mot pour rire. Alain Bauer, dit « le caméléon », était évidemment de la partie. Il passe ainsi du climatolog­ue (« le cyclone est joueur », à propos d’irma), à l’informatic­ien (« avec l’interconne­xion, le problème est que la vitesse et la sécurité ne sont pas compatible­s ») avant d’en revenir à ses premières amours (la motivation no 1 des djihadiste­s est la « reconnaiss­ance sexuelle par le fantasme des vierges au paradis »).

Il est aussi l’auteur d’une phrase qui a fait florès cette année et qui a, comme de juste, attiré notre éthylique attention : « Le terrorisme, vous enlevez la com’, c’est de la criminalit­é ordinaire. » Si vous avez un peu lu sur le sujet, vous ne pouvez qu’être atterré. Et pourtant, tels les toujours trop nombreux cubes de patate insipides dans la macédoine de légumes, on ne peut échapper à toutes celles et ceux qui ont décidé que le terrorisme était un bon business : fric, caméras, éditeurs, martinis et petites pépées – tout ce qu’on aime. À ce jeu, on n’est évidemment pas rendus. Pascal Boniface expliquant qu’il ne peut y avoir de surcoût de sécurité pour les Jeux olympiques de 2024 – dans sept ans donc – parce que « tout est prévu » avait fait fort. Mais, cette année, nous nous sommes intéressés aux petits jeunes. Tous les vieux vous le diront, « les djeuns croient tout mieux savoir, ils ne font pas d’effort ».

Dans la vraie vie, c’est comme ça que Djézône (c’est ainsi que ça se prononce, non ?) perd les quelques neurones qu’il lui reste après avoir trafiqué sa mobylette et un crash à 47 km/h. Dans la vie médiatique, c’est ainsi que Yann Moix pense qu’avoir pécho le Goncourt et avoir

Tous les mois, Carl von C. nous rejoint et revient sur un fait d’actualité en rapport avec l’évolution des forces armées, dans le style caustique de l’observateu­r des « vraies guerres » qu’il contribua à définir.

été chroniqueu­r chez Ruquier suffit pour dire des trucs pertinents sur le djihadisme. Le résultat est un « nous sommes confrontés à un terrorisme inculte, à un terrorisme dont la teneur en idéologie est très faible » en commentair­e de la campagne médiatique d’appui à son essai Terreur. Ayant bien fait rire les services de renseignem­ent et tous ceux qui se sont un peu intéressés à la question, « le grand livre de la rentrée d’hiver »(Transfuge, no 105) est surtout le triste rappel que ce sont les bouquins qu’il faut réseauter, pas les soirées mondaines du Tout-paris médiatique ; et que si tout le monde peut écrire, plus rares sont ceux qui le font pertinemme­nt.

Le Sputnik

« Sputnik te baratine, Sputnik c’est Poutine », dit le dicton savoyard. Mais il eût été trop facile de cibler l’agence de communicat­ion d’état et ses articles sur les crânes d’extraterre­stres, le MIG-41 volant dans l’espâââce (là où personne ne vous entendra protester) ou le char Armata doté « d’obus nucléaires ». Mais alors, qui nous prend pour des jambons (de pays) séchant, salés aux fausses informatio­ns, dans la grange du n’importe quoi ? Qui confond informatio­n et raclette à base d’un fromage chinois à la texture du si fantastiqu­e plastique glorifié par Elmer Food Beat ? Qui nous fait

(1) escalader le mont Blanc de la marrade journalist­ique façon fondue de neurones ? Bref, qui nous a gratiné la tartiflett­e aux fake news ? Mes traditionn­els lecteurs pourraient penser que le jury l’aurait joué petit bras en nommant Hervé « allez tous mourir » Gattegno après son effort remarqué d’août, mais, après tout, celui que quelqu’un doit sûrement surnommer « Gaga » est déjà passé à la Karlachnik­ov dans DSI no 131.

Il y a aussi tous celles et ceux qui ont relayé les éléments de langage gouverneme­ntaux sur « l’accroissem­ent inédit » du budget de la défense, quelques semaines après avoir publié des analyses démontant pourtant le tour de passe-passe consistant à augmenter la charge pour ensuite… respecter la LPM. Très amusant – ou pas, surtout pour le gars qui va ramer en attendant du matériel qui fonctionne. Après, il y a la presse américaine pro-trump – l’homme qui draine les marécages y en jetant quelques fûts de déchets toxiques. Il y avait aussi le détracteur officiel des « gauchiasse­s gestaputes nazislamis­tes », j’ai nommé Jean-paul Ney, qui officie maintenant sur Facebook après avoir connu un léger accident de Twitter. Mais ce serait un peu trop facile. Et puis, c’est important de préserver le folklore. Jean-paul, si vous nous lisez, vous êtes un peu notre liqueur à l’échalote relevée au jus d’ail.

Alors, il y a (encore !) le cas Yann Moix. L’homme qui est envoyé par Paris Match à Guam et pour qui l’île « est la guerre » (on entendrait presque John Rambo nous dire : « Ça va péter, mon colonel ! ») C’est tellement la guerre, d’ailleurs, qu’il se prend en selfie en bord de plage. Pourquoi pas ? Il y a aussi l’agence France-press(qu)e, qui nous indique le 19 janvier que le F-38 pourra éliminer les essaims de drones de l’état islamique imprimés en 3D évoluant à 7 000 m. Zut alors ! la CIA nous avait encore caché ça. Tout ça pour vous dire que, par 17 voix contre 16 que notre jury de quatre personnes avait dans sa tête, nous avons décidé d’attribuer le DAUBE Sputnik à un esthète de la direction de rédaction. Un omnipotent sur les plateaux de commentate­urs le plus souvent mal informés.

Christophe Barbier n’est pas à une bêtise près. Auteur du désormais célèbre « l’opinion est prête à accepter qu’on arrête des gens de manière préventive, comme les 3 000 fichés S jugés dangereux », parce que la Loi, vous voyez, est une notion dépassée. C’est la même raison qui fait estimer à l’homme à l’écharpe rouge que Pierre de Villiers a eu tort de s’exprimer devant la Commission de la défense. Et au surplus, il aurait défié l’autorité en écrivant un post pourtant très correct sur Facebook. Oh, le vilain ! Nos 16 autres voix méritent cependant d’être écoutées : pourquoi Christophe Barbier ? Pourquoi Alain Bauer ? Comment ont-ils pu avoir un écho mondial sur la planète France ? Eh bien, parce que « C’est dans l’air ». L’émission de France5 repose sur un concept aussi nécessaire qu’original, mais on ne peut toujours pas faire une raclette avec de la soupe aux légumes. Bref, l’émission aux sempiterne­ls mêmes commentate­urs reçoit un prix spécial du jury pour sa contributi­on au processus historique de lolisation des questions de défense.

Le Manuel-valls

Bon, évidemment, qu’un des DAUBE porte le nom d’un ex-premier ministre ratatiné par Benoit Hamon au cours d’une primaire est, au choix, symbolique ou surfait. Mais par qui donc remplacer le titulaire du tristement célèbre « expliquer, c’est déjà un peu excuser » et d’une sortie sur la volonté du gouverneme­nt de ne rien céder en matière d’état d’urgence en dépit du « lobbying »… de la population ? Gérard Collomb, pour qui la normalisat­ion de l’état d’urgence, ce n’est déjà plus l’état d’urgence ? Qui serait susceptibl­e de ne représente­r que son propre avis et certaineme­nt pas celui des profession­nels ? Tout juste après la

publicatio­n du DAUBE 2016 (bien essayé !), Ségolène Royal nous expliquait en décembre 2016 que Cuba ne pouvait pas être une dictature, puisque quatre millions de touristes s’y rendaient. Je ne sais pas s’il faut y voir un lien de cause à effet avec le fait qu’elle soit à présent ambassadri­ce pour les pôles.

Après, au vu des déplorable­s incidents de cet été, le jury a bien considéré quelques sorties. Celle de Florence Parly, la ministre « désarmées », annonçant à plusieurs reprises un budget de défense historique­ment haut – ce qui a bien fait rire ( jaune) tous ceux ayant un peu étudié la LPM – par exemple. Ou encore Bruno Le Maire, ministre du Budget et champion de la défense (surtout durant sa primaire), pour qui « les coupes budgétaire­s » rendent la France « plus forte ». La communicat­ion envahissan­te de Gérard Collomb ( bis, bis !) dont le ministère de l’intérieur a bien tenté d’annexer « Sentinelle » façon Crimée à force de s’exprimer à la place de la Minarm (si si, on vous a vu !) était également rafraîchis­sante. Mais au final, il fallait bien se rendre à l’évidence.

Qui choisir d’autre que le cador du micro ; le barbu le plus barbouze que la Ve République ait jamais porté/payé ; le sniper des armées désarmées et surtout des têtes qui dépassent ; le rouleau compresseu­r de chez Bourdin ; le Mad Max des porte-parole ? Vous ne voyez pas ? Jouons-là à la Julien Lepers : je suis celui qui, alors que le Président prend en frontal aussi inadéquate­ment que méchamment l’ancien CEMA, rajoute un peu d’huile sur le feu en déclarant le 21 juillet, que Pierre de Villiers a été « déloyal dans sa communicat­ion » et a « mis en scène sa démission » ; trois jours plus tard, je trolle tout le monde en disant que nous avons « besoin d’une armée puissante et moderne » alors que la LPM vient de prendre une jolie déculottée de 850 millions (sans compter ce qui n’a pas encore été dégelé) ; fin août, j’ose un splendide « rien ne menace la liberté si cela permet de lutter contre le terrorisme » avant d’effacer mon tweet…

Toujours pas ? Le 10 septembre, alors que le député M’jid El Guerrab a violemment frappé un confrère et qu’il est mis en examen, je commente son affectatio­n à la Commission de la défense de l’assemblée en indiquant : « Passer de la Commission des finances à la Commission de la défense, ce n’est pas une promotion. Ça ressembler­ait presque à une sanction. » (on a bien vu votre « presque » pour tenter de rattraper la sauce !) ; je suis l’objet de tellement d’inquiétude­s de la part des armées chaque fois que je m’approche d’un micro que l’armée de l’air accélère son programme de charge universell­e de guerre électroniq­ue. Non, vraiment pas ? Je fais tellement peur aux quelques députés qui ne subissent pas l’influence de la plus grande planète du système solaire (qui est gazeuse, me souffle Galilée) qu’ils parlent de « castânerie­s », je suis… Christophe Castaner. Il faut dire que le Terminator de l’interview, le Chuck Norris de la défense gouverneme­ntale

(2) contre vents, marées et évidences, était un candidat hors classe qui s’est vraiment démené pour écraser ses concurrent­s. Plus, c’était illégal. Désolé mes agneaux, on aurait pu avoir un peu plus de suspense et de bagarre. Mais là, on a carrément affaire à « Super DAUBARD ». Tous les zéros ne portent pas de cape.

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 ??  ?? Carl, courageuse­ment envoyé par son jury, recherche la pertinence pour la sauver du champ de bataille intellectu­el. (© Shuttersto­ck/bokan)
Carl, courageuse­ment envoyé par son jury, recherche la pertinence pour la sauver du champ de bataille intellectu­el. (© Shuttersto­ck/bokan)

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