Évolutions capacitaires
Plusieurs annonces ont été effectuées durant ces deux derniers mois, qui confirment la tendance à un renforcement des capacités nationales. C’est en particulier le cas pour deux plans de grande ampleur. Le premier a été rendu public par l’espagne le 19 mars, qui est en queue de peloton du ratio dépenses de défense/pib dans L’OTAN, avec 0,92 %. En l’occurrence, il s’agit surtout de miser sur le renouvellement capacitaire, avec un plan s’étendant sur 15 ans et permettant de phaser et de financer plusieurs programmes préalablement lancés. Sont concernés de nouveaux 8 × 8 ; les frégates F-110 (en remplacement des Perry) ; l’achat de NH90 NFH en remplacement des S-70 de lutte ASM ; de nouveaux appareils d’entraînement; des ravitailleurs en vol ; la modernisation du système de commandement et de contrôle aérien ; la modernisation de la flotte de CH-47 de transport lourd. Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres. La presse espagnole souligne ainsi que nombre de programmes préalablement lancés sont encore loin d’être bouclés. Ils ont provoqué une bosse budgétaire que l’actuel budget n’a pas permis de résorber. Concrètement, des paiements sont toujours dus pour les Tigre, les NH90 TTH, les Typhoon, les A400M et les sous-marins S-80, source aussi bien de surcoûts (plus de 1,5 milliard d’euros) que de retards.
Une semaine plus tard, c’était au tour des Pays-bas. Là aussi, il est question d’un plan de modernisation des équipements, mais aussi des systèmes de commandement/transmission et des capacités cyber inclus dans le cadre de la publication d’un livre blanc qui s’attache également au personnel et à la déployabilité du système de forces. La planification matérielle s’étend jusqu’en 2033 et devrait bénéficier de 1,5 milliard d’euros annuellement. Concrètement, dans le domaine des forces terrestres, il s’agit surtout de programmes de modernisation de systèmes existants, du remplacement des 6 × 6 Fuchs de détection NRBC et d’expérimentations de robots. Il n’est toujours pas question d’un retour au char de bataille. La force aérienne recevra de nouveaux armements pour les futurs F-35, y compris des armements « air-sol stratégiques », possiblement des missiles de croisière. Pour la marine, les programmes belgo-néerlandais de remplacement des frégates moyennes et des chasseurs de mines sont confirmés, ainsi que celui des sous-marins. Au-delà de la modernisation des quatre grandes frégates de défense aérienne, une réflexion sur leur remplacement sera menée, de même que pour les transports amphibies.
D’autres pays ont également annoncé le lancement d’un certain nombre de programmes. Le Royaume-uni a confirmé qu’il allait bien commander le septième sousmarin nucléaire d’attaque de la classe Astute. Paradoxe britannique, il a par ailleurs indiqué le 31 mars qu’il rejoignait le programme de 8×8 Boxer, dont il était, comme la France, partie prenante à ses débuts, mais qu’il avait quitté en 2003. Pratiquement, le véhicule serait assemblé sur place, mais aucun détail n’a été donné quant aux quantités qui seraient commandées. A priori, le contrat les concernant serait signé en 2019, avant de premières livraisons en 2023. Concrètement, l’achat du véhicule signifie la fin du programme FRES (Future Rapid Effect System), qui devait permettre d’intégrer plusieurs types de plates-formes. Surtout, il signifie la fin des espoirs français pour placer le VBCI, pourtant considéré comme un choix probable. Par ailleurs, les débats autour des économies à réaliser afin de résorber la bosse budgétaire (voir nos précédentes éditions) semblent s’être calmés.
Dans les Balkans, quelques annonces sont notables. Ainsi, la Slovénie a indiqué fin mars qu’elle avait choisi le 8 × 8 Boxer afin d’équiper deux groupes d’infanterie mécanisée, et 48 engins ayant une configuration proche de celle des Boxer lituaniens devraient être prochainement commandés. Par ailleurs, le feuilleton du remplacement des MIG-21 croates trouve également son épilogue. L’achat porterait sur dix F-16C et deux F-16D (Block 30) Barak 2020 israéliens d’occasion. La transaction, d’une valeur de 480 millions de dollars, comprend également les pièces détachées, un simulateur et la formation des pilotes et des techniciens. Sur la mer Noire cette fois, la Roumanie a indiqué qu’elle désirait renforcer ses capacités aériennes. Le 21 février, le ministre roumain de la Défense déclarait ainsi que quatre appareils d’occasion seraient acquis, tandis qu’un plan pour l’achat de 36 appareils allait être lancé. Bucarest va examiner les options se présentant à elle pour les quatre premiers appareils et pourrait se tourner vers les surplus américains pour les 36 suivants. Il ne semble pas être question d’appareils neufs – à l’instar de la récente autorisation d’exportation américaine vers la Slovaquie pour des F-16V.
En Lettonie, le processus de montée en puissance se poursuit. Riga a ainsi indiqué qu’elle allait investir cette année 234 millions d’euros spécifiquement pour le matériel, dont 28 % pour des véhicules, 15 % pour des munitions, 13 % pour des armements – en particulier des roquettes antichars – et 8 %, soit 12 millions, pour de l’équipement individuel. Au total, les dépenses de défense se monteront à 576,34 millions d’euros, soit 126,8 millions de plus qu’en 2017. La part consacrée à l’équipement est de 46 % supérieure à ce qu’elle était en 2017. Plusieurs programmes d’ampleur seront par ailleurs lancés cette année, dont des drones.