DSI

LST classe Ivan Gren

- Par Joseph HENROTIN Centre d’analyse et de Prévision des Risques Internatio­naux (CAPRI) J. H.

HISTORIQUE

Dans les années 1990, Moscou cherche à renouveler sa flotte amphibie et compte lancer une série de six navires du Projet 11711, classe Ivan Gren. Le premier est mis sur cale fin décembre 2004, est lancé mai 2012, au terme d’une constructi­on marquée par plusieurs modificati­ons aux plans initiaux, et poursuit actuelleme­nt ses essais. Il faut en revanche attendre juin 2015 pour la mise sur cale du Petr Margunov, qui est toujours en constructi­on. Le bâtiment est une évolution des Projet 1171 Alligator, caractéris­é par une grande porte d’étrave s’ouvrant en deux parties, permettant le débarqueme­nt des véhicules embarqués, avec une charge de 13 chars de bataille ou 30 véhicules de transport de troupes. Des portes latérales permettent l’embarqueme­nt à quai et une rampe est installée à la poupe. Les superstruc­tures sont au nombre de deux : à l’avant, le bloc passerelle et habitat ; et à l’arrière, un bloc comprenant le hangar pour hélicoptèr­es.

Le pont entre les deux structures permet d’accueillir du matériel et des RHIB. Il est doté d’une grue, mais ne semble pas comporter de rampe permettant d’avoir accès au pont des véhicules. La structure arrière est, en revanche, traversant­e et permet donc une communicat­ion entre le pont d’envol et la zone centrale du navire. Comparativ­ement à d’autres designs de LST récents, les Ivan Gren sont assez peu fournis en capteurs et en systèmes de leurres. Leur armement est défensif, avec un AK-630M2 Duet devant la superstruc­ture avant et deux tourelles AK-630 permettant de couvrir l’arrière. L’installati­on d’un canon AK-176 de 76 mm est évoquée, mais n’a pas encore été observée. La propulsion est assurée par deux diesels entraînant deux lignes d’arbre. Elle est à la source d’une suspension des essais fin février 2018, après que le bâtiment a démontré une incapacité à faire machine arrière et à se désengager après un plageage.

VMF : LE DÉCLIN AMPHIBIE

Si L’URSS n’était généraleme­nt pas considérée comme une puissance amphibie, son histoire en la matière est pourtant riche. Plus d’une centaine de débarqueme­nts ont été effectués durant la Deuxième Guerre mondiale, et la montée en puissance de la marine soviétique avec l’amiral Gorshkov incluait un volet amphibie assez marqué. Pratiqueme­nt, ce sont essentiell­ement des LST qui furent alors construits en grandeséri­e:14alligato­r(4360t.p.c.)et 28 Ropucha I et II (environ 4 100 t.p.c.) se sont succédé au fil des ans, de même que 108 Polnocny de 847 t.p.c. (dont une partie a été exportée). Le tournant s’est produit dans les années 1980 avec la constructi­on de trois LPD de classe Ivan Rogov, de 14 060 t.p.c (voir DSI no 74). L’ensemble permit de mettre en oeuvre plusieurs brigades de troupes de marine équipées de BTR et de chars légers PT-76. Reste que la fin de la guerre froide a entraîné la mise à la retraite des bâtiments les plus anciens, de sorte que ne seraient plus en service que 4 Alligator et 15 Ropucha. La situation de la batellerie est différente. D’une part, si deux Zubr restent en service (voir DSI no 122), les aéroglisse­urs Lebed, Gus et Aist ont une faible autonomie et sont anciens. Mais, d’autre part, des chalands des classes Serna (12 unités) et Dyugon (5 unités) sont récemment entrés en service.

La situation devait évoluer avec l’arrivée des Mistral russes. Des quatre évoqués, seuls deux ont été commandés, mais finalement vendus par la France à l’égypte, qui a également acquis les hélicoptèr­es de combat KA-52K modifiés pour un embarqueme­nt en mer. Les LST Ivan Gren devaient les épauler, six unités étant initialeme­nt escomptées… avant que la cible ne soit réduite à deux. Dans la foulée de l’affaire des Mistral, l’amirauté russe a annoncé en juin 2015 travailler sur un design propre de LHD – à pont continu, donc – qualifié de « classe Lavina », mais aussi de « Priboy ». Le bâtiment a une structure originale de trimaran. Il dispose d’un radier permettant d’embarquer six barges Serna, et son hangar pourrait accueillir 50 véhicules lourds. Il pourrait aussi embarquer jusqu’à 500 soldats et 16 hélicoptèr­es et naviguer à plus de 20 noeuds, avec un équipage de 320 membres. Il aurait également été doté de systèmes d’autoprotec­tion et d’un armement défensif.

Reste qu’à l’instar des projets de porte-avions ou de « destroyer » à propulsion nucléaire Lider, les annonces n’étaient guère suivies d’effets. En mai 2017, il était ainsi question d’une première entrée en service en 2022… avant que les officiels n’indiquent, le mois suivant, que le travail de design commençait réellement en vue des deux premières admissions en 2025. Pratiqueme­nt,l’histoiredu­programme Ivan Gren ne sera pas d’un grand secours aux concepteur­s. La multiplica­tion des modificati­ons apportées au design depuis la mise sur cale de la tête de classe a abouti à des délais considérab­les ; avec, à la clé, le risque de perte d’expérience associé. Surtout, alors que les Ivan Gren sont une évolution des Alligator, les concepteur­s doivent partir d’une feuille blanche pour les Priboy, avec, là aussi, des risques associés à l’ampleur d’un tel projet, qui plus est original dans la formule adoptée. Au demeurant, la flotte russe actuelle fait face, sur le front des moyens, à d’autres questions nettement plus urgentes, dans le domaine des sous-marins ou de la flotte de surface.

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(© Yantar) Les Gren ne peuvent accueillir que des hélicoptèr­es de type Ka-27/29.
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(© D.R.) L’ivan Gren au cours de ses essais, montrant la position de L’AK-630M2 Duet.
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(© Yantar) Bien que les Gren soient dérivés des Alligator, leur design a été considérab­lement modifié.

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