En carte. Corée : la paix est-elle enfin possible ?
Le 12 juin 2018 à Singapour, la Corée du Nord et les Étatsunis ont signé un accord historique visant à enclencher la dénucléarisation de la péninsule Coréenne. Quelques semaines plus tôt, c’était une rencontre entre les dirigeants des deux Corée qui avait abouti au franchissement par Kim Jung-un de la ligne de démarcation, faisant de lui le premier leader nord-coréen à fouler le sol sud-coréen depuis la fin de la guerre (1950-1953). Les prémices d’une réconciliation pérenne ?
Si, depuis la guerre de Corée et la signature de l’armistice le 27 juillet 1953, aucun leader du Nord n’avait foulé le sol du Sud jusqu’au 27 avril 2018, lors du sommet de Panmunjeom, le dialogue entre la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) et la République de Corée (Sud) a été amorcé en 1972 et s’est approfondi à partir de 2000. Après la participation de la Corée du Nord aux Jeux olympiques d’hiver en Corée du Sud en février 2018, ce sommet a, en outre, permis de franchir une étape supplémentaire dans ces relations. Plusieurs décisions symboliques ont été prises par Pyongyang, parmi lesquelles la synchronisation de son horloge sur le fuseau horaire de Séoul, soit trente minutes plus tôt, ou le démantèlement, en mai 2018, du site d’essais nucléaires de Punggye-ri, dans le nord-est montagneux, où la Corée du Nord avait procédé à toutes ses explosions souterraines depuis octobre 2006.
Ce réchauffement des relations diplomatiques entre les deux nations se fait dans un contexte géopolitique spécifique. Depuis son élection en mai 2017, le président sud-coréen, Moon Jae-in, a exprimé sa volonté de dialogue avec Kim Jong-un (depuis 2011), après dix années de relations intercoréennes tendues sous les administrations conservatrices de Lee Myung-bak (2008-2013) et de Park Geun-hye (2013-2017). Du côté nordcoréen, l’année 2017 a été marquée par un essai nucléaire et de multiples tirs de missiles, dont trois balistiques de capacité intercontinentale. Le 29 novembre, l’armée nord-coréenne a notamment réussi le lancement du Hwasong-15, capable d’atteindre les États-unis.
Étant parvenu à mettre au point une véritable force de frappe nucléaire, le régime de Pyongyang peut se permettre de miser davantage sur une détente diplomatique, quitte à suspendre ses essais et à démanteler certains sites. Du point de vue économique, les sanctions imposées par L’ONU pèsent massivement sur le pays ; d’autant plus depuis que la Russie et la Chine ont accepté de les appliquer à la suite de la résolution 2371 votée en août 2017 à l’unanimité des quinze membres du Conseil de sécurité et risquant de réduire d’un tiers les recettes des exportations nord-coréennes (estimées à 3 milliards de dollars par an).
L’accord de Singapour, historique mais incertain
La rencontre du 12 juin 2018 entre Kim Jong-un et Donald Trump (depuis 2017) prolonge la dynamique diplomatique engagée par le dirigeant nord-coréen. Pour Pyongyang, l’objectif principal de ce rapprochement avec les États-unis est la levée des sanctions onusiennes. Pour Washington, le souhait formulé est celui d’aboutir à une dénucléarisation totale de la péninsule Coréenne. Kim Jong-un a, dès le mois d’avril, annoncé la suspension de ses essais nucléaires et de ses tirs de missiles balistiques intercontinentaux susceptibles de frapper le territoire américain. Lors du sommet de Singapour, il a affirmé dans un accord bilatéral avec les États-unis son engagement à une dénucléarisation de la péninsule Coréenne. Le 24 juillet 2018, la base de lancement de Sohae commençait à être démantelée. Mais l’avenir demeure incertain.
La Corée du Nord est devenue de facto une puissance nucléaire avec six tests en onze ans. L’arme atomique incarne aujourd’hui une véritable assurance vie pour le régime. En refusant de préciser dans l’accord que la dénucléarisation devait être « vérifiable et irréversible », Pyongyang conserve une marge de manoeuvre importante.
À Pékin, ces rapprochements sont suivis de près. Même si la Chine a soutenu les Nations unies dans le cadre de ses sanctions contre la Corée du Nord, elle reste son premier partenaire diplomatique et son principal partenaire économique ( jusqu’en 2016, 90 % des échanges nord-coréens se faisaient avec la République populaire). Officiellement, la Chine poursuit trois objectifs : le maintien de la stabilité, la dénucléarisation et le dialogue intercoréen. Elle souhaite ainsi s’assurer une périphérie pacifique favorable à la poursuite de son développement économique. Géopolitiquement, elle ambitionne de garantir la sécurité de ses couloirs maritimes, d’éviter une intervention militaire américaine et, plus largement, de réduire la présence et l’influence des États-unis dans la région.