Veilles stratégiques
La Maison Blanche a finalement validé le National Defense Authorization Act et donc le budget de défense 2019, d’un montant de 717 milliards de dollars. Il se décompose en trois segments : 616,9 milliards de budget de fonctionnement, 69 milliards pour les opérations et interventions extérieures et 21,9 milliards au titre du Département de l’énergie pour le programme de modernisation des capacités nucléaires. Au-delà de la poursuite des programmes de modernisation déjà engagés – on note que le bombardier B-21 sera « pleinement soutenu » – ou de la mise en place d’une « force spatiale » (voir infra), le budget permet une augmentation des soldes de 2,6 %. Du point de vue de la modernisation capacitaire, aucun programme ne subit de réduction, tandis que les budgets affectés au MCO – un secteur particulièrement délicat, notamment dans l’aéronautique – et à l’entraînement sont considérablement accrus.
L’afflux d’argent affûte également les ambitions des uns et des autres. La Missile Defense Agency va bénéficier d’un accroissement budgétaire et se voit confier pour mission d’étudier les options possibles pour l’interception de missiles balistiques en phase ascendante (boost phase). Derrière l’aspect technique de la question, les lasers d’interception spatiaux pourraient faire leur retour dans les débats stratégiques. Par ailleurs, le budget de défense permet également d’accroître les coopérations internationales de défense. Il prévoit ainsi de soutenir l’ukraine à hauteur de 250 millions de dollars, pour l’achat « d’armements létaux défensifs », de même que 6,3 milliards de dollars d’investissements dans le cadre de l’european Deterrence Initiative (EDI), permettant d’augmenter la présence des forces américaines en Europe. En ce qui concerne Israël, 500 millions de dollars seront spécifiquement affectés au cofinancement des systèmes antiroquettes/ antimissiles Dôme d’acier, Fronde de David et Arrow.
Si les nouvelles sont donc bonnes pour le Pentagone du point de vue de la stratégie des moyens, la grande stratégie américaine continue cependant de susciter des interrogations. Au positionnement à l’égard de la Corée du Nord – et, surtout, de la défense de la Corée du Sud (même si l’authorization Act interdit de passer sous la barre des 22 000 Américains dans la péninsule) – s’ajoute la très délicate question iranienne. Les évolutions de la stratégie économique à l’égard de l’union européenne, mais aussi de la Turquie, fragilisent également la position de Washington en dégradant la cohésion des alliances. D’autres évolutions, comme le Brexit britannique, devraient également contribuer à affaiblir un peu plus les États-unis, la valeur militaire d’un de leurs principaux alliés étant appelée à se dégrader. À tous ces égards, de même qu’à celui de la Chine – envers laquelle l’authorization Act prend des positions très dures –, il n’est pas certain que les effets à long terme des mesures prises aient été correctement évalués.