La guerre n’est pas finie
La reprise en main militaire de la Syrie par les loyalistes s’est poursuivie, jusqu’à permettre la reprise de la ville d’idlib, bastion historique de l’insurrection. Aucun assaut n’a cependant été lancé, la Syrie concluant un accord avec la Turquie, qui a déployé préventivement des troupes afin d’appuyer les groupes de rebelles qu’elle soutient, mais aussi afin d’éviter les flux de réfugiés et de djihadistes. La province et la ville abritent en effet tout le spectre de groupes anti-loyalistes encore actifs en Syrie. Face à la perspective d’opérations entre les deux pays, un accord temporaire a été signé entre la Russie et la Turquie le 17 septembre, permettant la création d’une zone démilitarisée. Mais la situation reste complexe. Si l’état islamique a été affaibli, des cellules sont toujours actives et certaines semblaient, fin août, être revenues à Raqqa. Des attentats continuent de secouer la région nord de Bagdad, en dépit de la perte par l’organisation de ses derniers bastions en novembre 2017.
La reprise en main de la Syrie n’est qu’un problème parmi d’autres. Au-delà de la contre-insurrection syrienne et de la lutte contre L’EI et les groupes djihadistes, la présence de forces du Hezbollah et des Gardiens de la révolution iraniens met Israël sous tension. Le maintien de ces derniers une fois la contreinsurrection terminée semble acquis : le ministre iranien de la Défense, en visite à Damas fin août, indiquait ainsi que ses forces assureraient des missions de déminage ou encore appuieraient la reconstruction des forces et de l’industrie de défense syrienne. Ce positionnement devrait nourrir les tensions avec Israël. Ces derniers mois, les raids aériens se sont multipliés (voir DSI no 137). Le 4 septembre, la Heyl Ha’avir annonçait qu’elle avait frappé 202 objectifs depuis 2017 en utilisant plus de 800 bombes et missiles – et ne subissant que des pertes marginales, soit au moment où nous écrivons ces lignes, un seul F-16, en février 2018.
C’est au cours d’un de ces raids qu’un Il-20 a été abattu. Preuve de la complexité de la situation sécuritaire locale, un IL-20M Coot de renseignement électronique russe a été abattu par un missile SA-5 syrien le 18 septembre, causant la perte des 14 membres d’équipage. Après avoir sous-entendu un tir de missile français, la Russie a reconnu que la Syrie ne disposait pas des codes d’identification IFF qui auraient permis d’éviter le tir. L’appareil était engagé dans une mission d’écoute à 35 km des côtes syriennes, sans doute face au groupe de bâtiments de L’OTAN déployé au large de la Syrie – duquel faisait partie l’auvergne –, et se trouvait dans les parages d’un raid israélien de quatre F-16. Israël a cependant précisé qu’il existe bien un mécanisme de déconfliction avec la Russie, qui avait été appliqué ce jour-là, et que ses appareils avaient déjà regagné l’espace aérien israélien au moment de la destruction de l’il-20. Dans la foulée, la Russie a indiqué qu’elle allait fournir des S-300 à Damas.
Les nouveaux missiles changentils la donne? Une batterie dotée de quatre lanceurs a rapidement été déployée par voie aérienne, mais plusieurs questions restent en suspens, qu’il s’agisse du type de missile utilisé ou de l’origine des opérateurs. Toutefois si ce fait a été largement commenté, il ne semble pas en mesure de changer la donne. Si la Russie dispose ainsi sous drapeau syrien d’un moyen de pression sur Israël, elle avait déjà déployé en Syrie deux batteries S-400, de même que des moyens d’appui, comme les systèmes de guerre électronique Krasukha. A priori, ces systèmes n’ont jamais été utilisés contre les raids israéliens. Et on peut se demander si Moscou fera preuve à l’égard de son allié d’une plus grande transparence sur ses codes IFF : jusqu’ici, les livraisons de systèmes avancés, comme les Sa-22/pantsir ou les SA-17, n’ont guère eu d’effet sur les raids israéliens… Reste aussi à savoir si la Russie, avec qui Israël a maintenu des contacts diplomatiques, voudra abattre des appareils israéliens…