En carte. Moldavie. Le retour de l’influence russe ?
Le 24 février 2019, les Moldaves ont doublement été appelés à voter pour des élections législatives et à se prononcer sur une réduction du nombre de députés. La victoire du Parti des socialistes (PSRM), prorusse, au détriment du Parti démocrate de Moldavie (PDM), au pouvoir depuis 2014, doit être replacée dans un contexte de défiance vis-à-vis des élites et de forte abstention (50,8 %), dans un pays qui apparaît très divisé.
Lla République de Moldavie, non membre de l'union européenne (UE), est le pays le plus pauvre d'europe avec un PIB par habitant quatre fois inférieur à celui de la Roumanie. Elle comptait 4,05 millions d'habitants en 2017, pour une superficie comparable à la Bretagne, connaissant une dynamique démographique négative (1,5 enfant par femme en 2018) et une forte émigration vers l'ouest.
Instabilité gouvernementale
Ancienne République socialiste soviétique, la Moldavie est indépendante depuis 1991, mais reste profondément divisée entre une partie orientale sous influence russe et une partie occidentale sous influence européenne. La région de Transnistrie, à l'est du fleuve Dniestr, le long de la frontière ukrainienne, peuplée de quelque 500000 habitants et soutenue militairement et économiquement par la Russie, s'est autoproclamée souveraine et échappe au contrôle des autorités de Chisinau depuis l'indépendance. Si les Moldaves roumanophones représentent trois quarts de la population, de nombreuses minorités sont également présentes (6,6% d'ukrainiens, 4,1% de Russes, 4,6% de Gagaouzes, 1,9 % de Bulgares). L'héritage soviétique est encore visible dans l'économie, basée essentiellement sur l'agroalimentaire et de grandes exploitations et une industrie principalement développée dans l'est, la
Transnistrie concentrant plus de 40 % de la production industrielle et 80% de la production énergétique du pays. Deux tiers des exportations sont à destination de L'UE et moins de 10 % de la Russie.
En obtenant 31,1 % des voix et 35 sièges sur 101 lors des législatives du 24 février 2019, le PSRM du président Igor Dodon (depuis 2016) est sorti vainqueur des urnes, devant l'alliance libérale proeuropéenne (ACUM ; 26,8 % et 26 élus) et le PDM (23,6 % et 30 élus), dans un scrutin marqué par un faible taux de participation. Mais le PSRM n'est pas majoritaire et cherche à s'allier à L'ACUM pour gouverner, tout comme le PDM. Si aucun accord d'alliance ne se profile, de nouvelles élections doivent être convoquées et font craindre une autre période d'instabilité et de tensions entre pro-européens et prorusses. D'autant plus que si les élections se sont déroulées en respectant une réelle concurrence entre partis et les droits fondamentaux, la mission d'observateurs de L'OSCE a aussi relevé de fortes indications d'achats de voix et d'abus des ressources de l'état. Cette observation est partagée par la délégation de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'europe, dont la Moldavie est membre depuis 1995, chargée de surveiller la campagne électorale. Celle-ci a constaté un certain nombre de problèmes (manoeuvres d'intimidation et de violences envers des candidats, discours de haine, utilisation abusive de ressources administratives et allégations d'achats de voix).
Une dérive inquiétante, une population lasse
La victoire du parti prorusse peut ainsi se lire d'abord comme une lourde défaite des pro-européens (volonté de sanctionner la corruption de l'équipe sortante et du chef de file du PDM, Vlad Plahotniuc, riche oligarque accusé de mainmise progressive sur les principaux secteurs de l'économie et des médias). La coalition proeuropéenne, au pouvoir depuis 2009, et qui avait remporté les précédentes élections législatives de 2014, a été discréditée dès l'année suivante avec la disparition, en avril 2015, de plus d'un milliard d'euros de trois banques du pays. Cette affaire avait alors suscité un vaste mouvement populaire de protestation.
Le manque de confiance des citoyens dans les institutions étatiques et dans l'appareil judiciaire, considéré comme n'étant pas suffisamment indépendant, est particulièrement préoccupant dans un pays caractérisé par un niveau de pauvreté élevé (environ 30% de la population). Cette dégradation de l'état de droit et le non-respect des principes démocratiques ont eu pour effet tardif en 2018 une chute de 100 millions d'euros de l'importante aide économique de L'UE dans le cadre du partenariat oriental de la Politique européenne de voisinage, qui représentait entre 335 millions et 410 millions d'euros par an au cours de la période 2014-2017. Les profondes divisions économiques, sociales et politiques du pays ne semblent pas près de se résorber.