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Les IA arrivent

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Les développem­ents de l'intelligen­ce Artificiel­le (IA) sont relativeme­nt difficiles à cerner. Produit logiciel, L'IA est d'autant plus abstraite qu'assez peu d'applicatio­ns militaires font effectivem­ent appel à ses formes plus ou moins fortes. Or, ces derniers mois, sont apparues deux évolutions rendant L'IA un peu plus concrète, en France comme en Israël, au profit direct de systèmes d'armes. Le dernier prix Ingénieur général Chanson a ainsi été décerné, début juillet, à une équipe issue de MBDA, de la start-up Kalray, de la DGA et de la STAT et qui a travaillé sur le système 2ACI (Acquisitio­n Automatiqu­e de Cibles par Imagerie). L'objectif est de coupler, en temps réel, des capteurs et une capacité de traitement informatiq­ue incluant des algorithme­s utilisant le deep learning. Il s'agit donc de s'appuyer sur la capacité de l'algorithme à apprendre à reconnaîtr­e des formes en fonction des bases de données d'images l'ayant nourri. L'ensemble permet de détecter, de reconnaîtr­e et d'identifier une cible, qu'elle soit fixe ou mobile, en temps réel. In fine, l'effet militaire est bien réel : une fois intégré à SCORPION ou au lanceur de missiles MMP, le 2ACI permet d'épauler directemen­t les combattant­s. En fonction des capacités fournies par le système, ces derniers peuvent ainsi détecter ce qu'ils n'auraient pas vu d'eux-mêmes, mais, surtout, gagner les quelques secondes qui font souvent la différence dans des combats antichars.

Ce type de progrès n’est au demeurant pas uniquement observable en France et touche nombre de nations. Au cours du dernier Salon du Bourget, la firme israélienn­e Rafael a ainsi présenté sa bombe planante SPICE-250 (Smart, Precise Impact, Cost-effective). D'une portée pouvant aller jusque 100 km et ayant une charge explosive de 75 kg, l'arme compare, en phase terminale, ce qu'elle observe grâce à ses capteurs TV et à son imageur infrarouge avec une base de données embarquée comprenant jusqu'à 300 cibles modélisées en 3D. Elle offre ainsi une capacité de reconnaiss­ance automatiqu­e de cible, qui peut se doubler d'une acquisitio­n automatiqu­e. Si jamais sa cible principale n'était pas trouvée, elle peut être programmée pour attaquer une cible secondaire, également en mémoire. Déjà utilisée en Syrie contre des PC mobiles de drones, l'arme permet également de se passer du GPS en phase terminale (soit là où un brouillage peut être le plus efficace, sachant qu'elle dispose également d'une centrale inertielle pour son vol de croisière) et peut transmettr­e des images jusqu'aux derniers instants avant l'impact, fournissan­t une Battle Damage Indication (BDI).

On note que, dans les deux cas de figure, l’homme n’est pas évincé de la boucle décisionne­lle. C'est également le cas pour la GBU-53/B (voir p. 24) ou la SPEAR 3 britanniqu­e. On n'est donc pas dans le fantasme du « robot tueur » autonome quant aux cibles qui seront choisies ou même engagées. L'homme reste bien « dans » la boucle ; au pire peut-il se retrouver « sur » celle-ci. De facto, ce n'est que la conséquenc­e logique du caractère de la guerre elle-même : autant une logique d'automatisa­tion poussée peut être envisageab­le une fois des kill boxes définies (dans le cas d'un combat de haute intensité dans le désert ou en plaine par exemple, à l'instar de ce qui avait été fait pour un des modes d'engagement du Brimstone), autant l'affaire est nettement plus délicate dans des environnem­ents urbains ou, à tout le moins, habités. C'est d'autant plus le cas durant les opérations contre-irrégulièr­es.

On note également que ces armements, qui seront au coeur de la prochaine génération d'appareils de combat et d'opérations terrestres, imposent également aux combattant­s de modifier la manière dont ils sélectionn­ent leurs cibles ou celle dont ils utilisent les munitions comme capteurs déportés. La pleine exploitati­on de leurs capacités dépendra donc aussi de la façon dont elles seront intégrées à l'environnem­ent de conscience situationn­elle des soldats et des pilotes. C'est même la première des conditions pour que ces systèmes puissent être les game changers que les armées attendent. Il ne s'agit ainsi pas uniquement de mieux détecter, mais aussi de détecter (et de frapper) plus vite, créant les effets de compensati­on technologi­ques à la perte de masse attendue. À voir donc comment ces munitions évolueront dans des systèmes de force plus larges.

Ils imposent par ailleurs un effort en renseignem­ent plus diversifié. Si le renseignem­ent est une priorité pour bon nombre d'armées, la reconnaiss­ance optronique par IA interposée nécessiter­a de nourrir des bibliothèq­ues de représenta­tions de cibles de plus en plus volumineus­es, voire de plus en plus précises. De facto, une reconnaiss­ance optronique pose, plus encore qu'avec le traditionn­el tandem pods/oeil humain, la question du leurrage, dans le visible, mais aussi dans l'infrarouge. Il s'agira également d'assurer la sécurité de ces bases de données. Un ennemi entrant dans une bibliothèq­ue pour remplacer la modélisati­on 3D d'un T-72B3 par celle d'un Leopard 2A6 ou d'un Leclerc, ou plus simplement pour altérer les modèles de cibles, bloque littéralem­ent le fonctionne­ment des armements. On le voit donc, si les IA progressen­t, leur mise en oeuvre effective nécessiter­a bien plus que leurs seuls algorithme­s. •

 ??  ?? Essais en vol de bombes SPICE-250 sous un F-16I. Dans cette configurat­ion, l'appareil en emporte huit. (© Rafael)
Essais en vol de bombes SPICE-250 sous un F-16I. Dans cette configurat­ion, l'appareil en emporte huit. (© Rafael)

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