Traité INF : quelles conséquences ?
Après l'annonce de leur retrait le 1er février 2019, les États-unis ont effectivement quitté le traité sur les Forces nucléaires intermédiaires le 2 août. Signé en 1987, il interdisait le déploiement de missiles sol-sol américains ou russes d'une portée comprise entre 500 et 5 500 km, qu'ils soient balistiques ou de croisière, à charge conventionnelle ou nucléaire. Si la symbolique est forte – le traité était considéré comme l'un des piliers de la fin de la guerre froide en ayant mis un terme à la crise des euromissiles –, force est aussi d'avouer que le contexte ne lui était plus guère favorable. Du côté russe, on argue que le déploiement de systèmes antimissiles par les États-unis en Europe viole l'esprit du traité et que les lanceurs de missiles SM-3 pourraient tirer des Tomahawk. Du côté américain et otanien, on estime depuis 2016 environ que le missile de croisière 9M729/SSC-8 viole le traité et que le Ssc-7/iskander-k (voir p. 78) le pourrait également. On peut ajouter que si le missile aéroporté Khinzal n'était pas concerné – l'engin est tiré depuis un avion –, sa portée en fait une arme eurostratégique.
Au-delà du théâtre européen, le regard se porte sur la Chine. Certains analystes estiment que le traité INF, alors négocié avec pour point de mire la situation en Europe, était un facteur limitant quant aux réponses, balistiques ou de croisière, à apporter à la Chine. Certains aux États-unis pensent ainsi que le déploiement en Asie de missiles solsol de portée intermédiaire pourrait être un bon consensus entre restriction des engagements à l'étranger et endiguement/dissuasion de la Chine. Reste que, sur le théâtre européen, la situation devient plus complexe. D'une part, si les États-unis ne se désengagent pas du continent, leur implication est nettement moins assurée que par le passé. D'autre part, la Russie semble déterminée à poursuivre ses travaux sur ses missiles de
croisière, tout en continuant de moderniser ses forces conventionnelles. Les États européens semblent quant à eux dans une position attentiste. Alors que le traité INF était pourtant une des clés de voûte de la sécurité européenne, sa fin n'a bénéficié que d'une couverture médiatique très limitée, et n'a guère suscité de déclarations politiques…
Défendre l’europe ? La fin du traité INF offre cependant aux tenants d'une défense européenne un vrai levier d'action. Si la position française du maintien et de la modernisation de la force de dissuasion s'en trouve confortée, reste cependant à voir comment les autres États européens vont réagir à moyen terme à la dégradation de l'environnement sécuritaire. L'un des principaux indicateurs en la matière pourrait concerner la défense aérienne, qui s'est considérablement appauvrie depuis la fin de la guerre froide. Pour l'heure cependant, aucun État qui n'avait pas de capacités à longue portée ne s'en est doté, à l'exception de la Suède, la Suisse ayant lancé un appel d'offres. La situation actuelle est rendue d'autant plus complexe que la Russie poursuit ses travaux sur des systèmes ayant des répercussions sur la sécurité européenne. C'est le cas pour le drone nucléaire Status-6/kanyon/ Poseidon (voir DSI, horssérie no 62), mais aussi, de manière moins convaincante, sur le missile « à propulsion nucléaire » 9M370 Burevestnik/ssc-x-9 Skyfall. •