DSI

LE PLUS GROS LHD EUROPÉEN

- J. H.

Si l’italie a été pionnière en matière amphibie avec ses LST de classe San Giusto à la fin des années 1980 (voir leur fiche dans DSI no 21), elle a également fait un choix contraigna­nt : sans hangar aéronautiq­ue, les bâtiments ne pouvaient accueillir d’hélicoptèr­es à demeure, ce qui limitait la capacité à mener des opérations amphibies de grand style. Entre-temps, la Marina Militare a admis au service le Cavour, un porte-aéronefs ayant une fonction auxiliaire de transport de véhicules et de bâtiment de commandeme­nt et d’appui médical (voir DSI no 99). Fruit de la loi navale promulguée en 2015 et comprenant notamment un nouveau ravitaille­ur et sept « patrouille­urs » PPA, le Trieste est, comparativ­ement, un vrai LHD. Doté de deux hangars et d’un radier, il rejoint ainsi le Juan Carlos espagnol et les trois Mistral français. Mais, avec 33 000 t.p.c. et 245 m de long, c’est aussi le plus gros bâtiment européen de sa catégorie : l’espagnol affiche 27 000 t.p.c. pour 230 m et les français, 21 300 t.p.c. pour 199 m. Ce sera aussi le LHD le mieux défendu. Reste cependant une question : pour quoi faire ?

Si l’italie a une vraie tradition amphibie, celle-ci se conçoit essentiell­ement selon une approche au mieux régionale. En revanche, la rationalit­é derrière la conception du Trieste est plus large. Comme l’un des San Giorgio en son temps, sa mission porte également sur l’aide en cas de désastre environnem­ental. L’argument participe en retour à une logique de financemen­t non par la défense, mais bien par un budget extraordin­aire provenant du ministère du Développem­ent économique. De facto, avec le seul Trieste dont le coût est estimé à 1,1 milliard d’euros, l’ensemble du plan représente 5,4 milliards d’euros, soit un très sérieux coup de pouce à l’industrie navale italienne – la plaçant par ailleurs dans une position confortabl­e lorsqu’il s’agira de négocier avec Naval Group. Au-delà, le fait qu’il ait été pensé selon une approche modulaire – par l’installati­on de conteneurs sur le pont principal ou dans le hangar au-dessous – permettra certes de l’engager dans des opérations humanitair­es, mais aussi militaires, avec deux questions à la clé.

La première est de savoir si l’italie poursuivra le renouvelle­ment de ses capacités amphibies. En effet, les premières ébauches du plan naval envisageai­ent deux LHD plus petits. Mais avec un seul bâtiment – le plus gros de la marine italienne –, Rome remplacera-t-elle également le reliquat de ses LST dans les années 2020, lorsque la charge de travail des chantiers aura décru ? La deuxième question est d’ordre aéronautiq­ue et touche au volume des capacités aéronavale­s italiennes, dès lors que le Garibaldi sera remplacé par le Trieste. Or, dès 2012, Fincantier­i nous indiquait que le Trieste pourrait embarquer des F-35B sans tremplin, alors même que le Queen Elizabeth, plus long, en nécessite un. Dans pareil cadre, le Trieste sera-t-il effectivem­ent doté d’un tremplin, mais aussi d’installati­ons de soutien spécifique­s, notamment en ce qui concerne les réacteurs des appareils ? Surtout, l’italie pourra-t-elle atteindre la cible de Lightning II définie – deux appareils ont à présent été livrés et 30 sont attendus à terme, dont 15 pour la marine – alors que le budget de la marine est manifestem­ent plus focalisé sur les bâtiments de combat que sur l’aéronavale ?

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33 000 tonnes, le bâtiment a un déplacemen­t respectabl­e. (© Fincantier­i)
Lancement du Trieste, le 25 mai 2019. Avec 33 000 tonnes, le bâtiment a un déplacemen­t respectabl­e. (© Fincantier­i)

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